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Tribune Libre / La recherche et l’éducation postsecondaire en français, piliers du bilinguisme canadien

Tribune Libre / La recherche et l’éducation postsecondaire en français, piliers du bilinguisme canadien

Par Élise Lepage and Carlo Lavoie

Lorsque l’on regarde de près la réalité des communautés francophones en milieu minoritaire au Canada, force est de constater qu’elles se trouvent en difficulté. Malgré la politique de bilinguisme officiel du gouvernement du Canada et du Nouveau-Brunswick, la tendance est inquiétante. À brève échéance, c’est la politique publique du gouvernement fédéral qui s’en trouvent menacée. S’il reconnaît d’emblée que l’épanouissement de ces communautés francophones passe par la protection et le développement de leurs institutions, le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership et devenir un véritable partenaire en revalorisant les institutions post-secondaires francophones et en les appuyant financièrement.

Les universités et collèges jouent un rôle crucial en permettant aux personnes de parfaire leur éducation et leur formation chez eux, dans leur communauté. Parallèlement, les activités de recherche et de partenariat qu’initient ces institutions innervent la communauté. En ce sens, les universités et collèges francophones sont des piliers fondamentaux de la transmission linguistique et culturelle, mais aussi du dynamisme économique et social de ces communautés. Pensons, par exemple, à l’Université de Moncton qui, depuis 1963, a un impact immense et durable sur la communauté acadienne en donnant à des étudiants francophones du Nouveau-Brunswick la possibilité de faire des études postsecondaires en français dans leur région. Desservant toute l’Acadie des Maritimes et au-delà, cette institution a contribué et continue de façon tangible à la prise en main par des Acadiens d’institutions de langue française, tout comme d’institutions bilingues ou de langue anglaise.

Le Nord de l’Ontario a aussi pu bénéficier d’un certain momentum grâce à l’Université Laurentienne, devenue une fédération universitaire bilingue en 1960. Cette université a participé au maintien et au dynamisme des communautés de langue française dans le Nord de la province et, avec le temps, elle a été à l’origine d’une effervescence culturelle, économique et politique. Cette institution a été au cœur de la prise de conscience identitaire et linguistique des Franco-Ontariens. Elle représentait l’un des acteurs principaux pour l’enseignement et la recherche en français en Ontario, et plus généralement pour la francophonie canadienne en situation minoritaire. Mais lors du désastreux fiasco financier qui a frappé cette université au printemps 2021, les programmes et activités francophones ont été disproportionnellement affectés1. Les Franco-Ontariens se sont, à juste titre, senti terriblement trahis. Ils ne se reconnaissent plus en ce qu’ils appellent désormais Laurentian University.

Au fil du temps, le soutien à ces institutions ne cesse de s’étioler et plusieurs institutions postsecondaires sont dans un état de crise presque permanent. Parmi bien d’autres, les collègues du campus Saint-Jean, à l’Université de l’Alberta, doivent lutter sans relâche pour le maintien de leurs programmes. Les professeures et professeurs de l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, ont connu des négociations particulièrement acrimonieuses en début d’année. Partout au pays, les institutions postsecondaires francophones doivent redoubler d’efforts pour assurer leur fonctionnement. Ajoutons à cela le nombre déséquilibré d’étudiants francophones étrangers qui voient leur demande de séjour rejeté par le gouvernement fédéral, alors que ces étudiants sont essentiels pour la survie et l’épanouissement non seulement de ces institutions, mais aussi des communautés qui les accueillent.

Cette fragilisation des activités d’enseignement et de recherche en français arbore d’autres facettes. Au sein des institutions anglophones ou bilingues, combien de programmes d’enseignement et de recherche en français, de programmes d’immersion ou encore de programmes jugés de faible fréquentation, sont constamment menacés? Alors que les grands organismes subventionnaires au fédéral acceptent les demandes en anglais et en français, la réalité au quotidien est que beaucoup de collègues francophones se font dire à l’interne de rédiger leurs demandes en anglais. Celles et ceux qui choisissent tout de même d’exercer leur droit à candidater en français se voient priver de précieux services de conseil des bureaux de la recherche et doutent que leur demande sera traitée de façon juste, avisée et équitable par les différents comités d’évaluation.

Ces institutions et les programmes d’études bilingues jouent un rôle capital dans le maintien du bilinguisme canadien et l’épanouissement des communautés d’un bout à l’autre du pays. Depuis bientôt un siècle, les activités de l’ACFAS2 démontrent les innovations et la créativité dont font preuve les chercheures francophones. Les programmes d’enseignement en français ou bilingues ainsi que les programmes de recherche menés en français doivent recevoir un financement pour pouvoir remplir leur mandat et continuer à jouer leur rôle d’incubateur d’excellence et d’innovation dans les communautés. Il en va de l’existence même du bilinguisme canadien, autant comme réalité linguistique que comme politique publique.

Il nous revient de militer avec énergie et de rappeler au gouvernement fédéral l’importance vitale de son appui pour les francophones du pays.


Élise Lepage(Université de Waterloo) et Carlo Lavoie (Université de l’Île-du-Prince-Édouard), membres du Comité des francophones de l’ACPPU.
1 En tout, ce sont 69 programmes universitaires et 110 postes de professeures et de professeurs membres de l’ACPPU qui sont disparus. Voir le communiqué de presse de l’APPUL du 8 décembre 2021.
2 Association francophone pour le savoir, fondée en 1923.

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