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Le coin du directeur général / « L’obligation de loyauté » n’a pas sa place dans le milieu universitaire

Le coin du directeur général / « L’obligation de loyauté » n’a pas sa place dans le milieu universitaire

Par David Robinson

La protection juridique de la liberté académique au Canada occupe un espace unique, dans lequel les associations de personnel académique jouent un rôle essentiel. Contrairement à la plupart des autres champs d’application, la consécration législative ou reconnaissance constitutionnelle de la liberté académique est très limitée au Canada. Les tribunaux canadiens n’ont formulé que de rares commentaires sur le sujet, lesquels ont peu de poids juridique. Les tribunaux des droits de la personne ont entendu très peu de plaintes concernant la liberté académique. Les universités et les collèges sous réglementation sont pratiquement tous muets à propos de la liberté académique. Les protections juridiques de la liberté académique sont plutôt d’ordre contractuel; elles sont intégrées aux conventions collectives négociées par les associations de personnel académique et mises en application grâce à ces mêmes conventions.

Ce fondement juridique de la liberté académique a émergé lentement au Canada et a été renforcé seulement lors des premières vagues de syndicalisation qui ont commencé au milieu des années 1970. Auparavant, la liberté académique était la plupart du temps codifiée dans les politiques universitaires et, à l’occasion, abordée dans le cadre « d’ententes spéciales ». Sans véritable appui juridique conféré par ces politiques ou ententes normatives, les protections de la liberté académique étaient ténues au mieux et dépendaient largement de la générosité et du bon vouloir de la haute direction.

Aujourd’hui, la quasi-totalité du personnel académique au Canada est syndiqué et couvert par des conventions collectives contenant des clauses qui protègent la liberté académique. Par conséquent, la grande majorité des causes concernant la liberté académique sont traitées par l’entremise du processus d’arbitrage des griefs.

Les quelques cas qui se sont rendus en arbitrage ont abouti à des décisions s’appuyant sur une interprétation large et libérale de la liberté académique, particulièrement en ce qui concerne l’enseignement et la recherche. Par contre, certaines décisions plus mitigées ont été rendues, mettant en cause l’exercice d’une « liberté académique interne » — le droit de critiquer l’institution et ses leaders — et d’une « liberté académique externe » — le droit de commenter des sujets d’intérêt public sans censure de l’institution. Dans certains de ces cas, les arbitres se sont lourdement appuyés — beaucoup trop lourdement — sur le devoir implicite de loyauté dans le droit du travail. Ce devoir exige que les employés obéissent aux directives de l’employeur sans les remettre en cause et qu’ils se conduisent de façon à soutenir les intérêts supérieurs de l’employeur tout en protégeant sa réputation.

Le devoir de loyauté — et en particulier l’obligation de ne pas critiquer l’employeur ou de nuire à sa réputation — n’a pas sa place dans les milieux de travail académiques. Bien que les universités et les collèges soient des lieux de travail soumis au droit du travail, ils sont également des espaces uniques dont la mission dépend de la possibilité, pour le personnel académique, de participer à des débats et de lancer des discussions ouvertes et souvent très vives. En résumé, les universités et les collèges sont des milieux de travail différents précisément à cause de la liberté académique.

Les associations de personnel académique doivent s’assurer que les clauses de leurs conventions collectives portant sur la liberté académique comportent des protections explicites sur la liberté interne et externe. Il est également essentiel que les associations déposent des griefs qui élargissent la compréhension de la liberté académique dans le droit du travail. Alors que les enseignantes et enseignants canadiens ont certainement profité du fait que le droit du travail a une nette influence sur la protection de la liberté académique, il faut en faire plus pour s’assurer que les arbitres comprennent qu’une université ou un collège est bien un milieu de travail, mais un milieu d’un type particulier en raison de la liberté académique.

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