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Les limites et non-limites de la liberté académique

Les limites et non-limites de la liberté académique

La liberté académique comporte des limites. Elle ne donne pas le droit d’enfreindre la loi, par exemple en se rendant coupable de harcèlement ou de discrimination, ou de faire fi de ses responsabilités et devoirs professionnels. Elle ne constitue pas une défense contre la malhonnêteté académique, la diffamation ou le non-respect des normes éthiques.

Toutefois, les limites juridiques et professionnelles de la liberté académique n’empêchent pas les débats vigoureux ni les critiques négatives acérées. Les membres du personnel académique ne sont pas tenus de mener leurs activités savantes ou de s'exprimer avec gentillesse, douceur ou diplomatie, tant qu’ils ne contreviennent pas à la loi ou à leurs obligations professionnelles.

C'est pourquoi les politiques des universités et des collèges qui exigent le maintien de milieux de travail « respectueux » ou « courtois » peuvent constituer une menace à la liberté académique. Ces politiques confondent souvent l’obligation légale d’interdire le harcèlement avec le désir d’assurer le respect ou la civilité. Par conséquent, des questions qui étaient autrefois considérées comme étant purement du domaine de la conduite sont aujourd'hui assimilées à des actions et à des comportements interdits par la loi.

Il est facile d'imaginer qu'on puisse invoquer des politiques de respect en milieu de travail pour attaquer des idées impopulaires ou indésirables. À l'Université Brock, des étudiantes, des étudiants et des membres du personnel enseignant qui s'étaient montrés critiques à l'égard d'un programme financé par l'Église catholique ont été accusés d'avoir violé la politique de respect en milieu de travail de l’établissement. À l'Université Capilano, le professeur George Rammell a créé une sculpture satirique du recteur de l'université pour protester contre des compressions de programmes prévues. L'administration a ordonné la saisie et la destruction de la sculpture, qui constituait selon elle « du harcèlement personnel et de l'intimidation ».

Les préoccupations relatives à la « civilité » peuvent trop facilement servir de justification pour limiter la recherche, l'expression ou l'enseignement controversé et conflictuel. Mais les débats, souvent pointus et controversés, sont au cœur même de la mission académique.


« Certaines des meilleures recherches sont menées par des personnes dont l'originalité prend la forme d'une sorte d'entêtement divin. Ces personnes préservent leur originalité en méprisant les autres, une attitude que les autres sont susceptibles de leur rendre. Comme dans le cas de l'historien J.H. Round, leur originalité fait parfois de ces personnes des collègues extrêmement difficiles, et la tentation de s'en débarrasser peut être extrême. C'est parce qu'il est parfois si difficile de tolérer ces personnes qu’il peut être urgent d'en imposer l'obligation aux établissements. En effet, sans ces personnes, certaines des plus grandes percées du milieu de la recherche n'auraient jamais eu lieu ou auraient été retardées de plusieurs siècles. » - Conrad Russell. Academic Freedom, New York, Routledge, 1993, p. 24.


« La liberté est fragile parce que celles et ceux qui recherchent sa protection sont souvent ou invariablement les personnes les moins sympathiques. Leurs activités d'expression attirent l'attention et invitent à une certaine surveillance parce qu'elles sont grossières, conflictuelles, voire abusives : elles rejettent les normes que le reste d'entre nous observe, ce qui heurte nos sensibilités. Or, le fait de désapprouver des propos de ces personnes ou de la manière dont elles s'expriment n'est pas une raison suffisante pour les punir ou les réduire au silence. À moins et jusqu'à ce qu'elles franchissent un seuil de préjudice justifiant une réponse réglementaire, les transgressions qui se rendent uniquement coupables de grossièreté doivent être tolérées et résolues d'autres façons. » -- Jamie Cameron. « Giving and Taking Offence: Civility, Respect, and Academic Freedom » dans J. L. Turk (éd.), Academic Freedom in Conflict: The Struggle over Free Speech Rights in the University, Toronto, Lorimer, 2015, p. 303.


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