Par David Robinson
En juin, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à l’éducation, Farida Shaheed, a présenté son rapport annuel au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pour la première fois, ce rapport se concentre sur la liberté académique. Il s’agit d’un document important dont la lecture devrait être obligatoire pour toute personne concernée par le sujet.
J’ai été invité par notre fédération syndicale internationale, l’Internationale de l’Éducation, à participer à plusieurs réunions d’experts avec la Rapporteuse spéciale lors de la préparation de son rapport. Ces discussions et débats ont permis d’identifier des thèmes et préoccupations communs à travers le monde qui ont donné forme au produit final.
Le rapport adopte une définition élargie de la liberté académique qui reflète largement la politique de l’ACPPU et qui se retrouve dans une grande partie du libellé de nos conventions collectives au Canada. La liberté académique s’entend comme suit : « la liberté d’accéder à l’information, de la diffuser et de la produire; de penser librement; et de développer, d’exprimer, d’appliquer et de mettre en pratique une diversité de connaissances dans le cadre de son expertise ou de son domaine d’études ou en rapport avec ceux-ci, que ce soit à l’intérieur de la communauté universitaire (« expression intra-muros ») ou à l’extérieur de celle-ci, y compris avec le public (« expression extra-muros ») ».
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la limitation de l’exercice de la liberté académique à la seule discipline universitaire. Pour l’ACPPU, la liberté académique « extramuros » ne se limite pas aux universitaires qui s’expriment publiquement sur des questions relevant de leur domaine d’expertise. Il s’agit plutôt de l’expression qui n’est pas nécessairement liée à l’expertise universitaire ou aux obligations institutionnelles d’un universitaire. Dans l’énoncé de principes de l’ACPPU, la liberté académique extra-muros est définie comme le droit des membres du personnel académique « de ne pas être retenus ni empêchés d’exercer leurs droits civils personnels, entre autres, le droit de contribuer au progrès social en exprimant librement son opinion sur des questions d’intérêt public ».
Cette distinction est importante car, dans de nombreuses régions du monde, les universitaires sont aujourd’hui victimes d’intimidation, de harcèlement, de répression, d’emprisonnement et même de mort pour avoir exercé leur liberté académique extra-muros. Et historiquement, certains des cas de liberté académique les plus notoires concernent des universitaires qui ont été pris pour cible et congédiés non pas en raison de ce qu’ils enseignaient dans leurs salles de classe ou de ce qu’ils publiaient dans des revues scientifiques, mais en raison de leur militantisme politique et social.
Abstraction faite de ces différences, je trouve que le rapport de la Rapporteuse spéciale est le plus convaincant lorsqu’il se penche sur les moyens de mieux protéger la liberté académique au niveau international. Mme Shaheed propose d’ancrer fermement la liberté académique dans les droits de la personne.
À l’heure actuelle, la liberté académique n’est pas explicitement mentionnée dans les traités internationaux relatifs aux droits de la personne, mais le rapport suggère qu’elle pourrait être juridiquement fondée dans plusieurs dispositions, notamment celles relatives aux droits à l’éducation, à la participation à la vie culturelle et à la jouissance des bénéfices du progrès scientifique. Elle peut également être liée au droit à la liberté d’opinion et d’expression, y compris le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, comme le prévoit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Cependant, affirmer que la liberté académique est un droit de la personne soulève certaines questions. Les droits de la personne, du fait de leur nature, sont universels. Par contre, l’ACPPU affirme depuis longtemps que la liberté académique est un droit professionnel et lié à l’emploi, limité à ceux qui occupent un poste universitaire.
Le danger pourrait être qu’en universalisant la liberté académique, son application spécifique au travail universitaire soit diluée. Si la liberté académique est partout, existe-t-elle quelque part?
Malgré ces hésitations, il convient de féliciter la Rapporteuse spéciale d’avoir lancé un débat important sur la manière dont la liberté académique pourrait être mieux protégée en droit international. Compte tenu du nombre croissant de violations dans le monde, il est urgent d’établir une base juridique internationale plus solide pour la liberté académique.