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Tribune Libre / Votre syndicat prépare-t-il une stratégie relative à l’IA et à l’automatisation?

Tribune Libre / Votre syndicat prépare-t-il une stratégie relative à l’IA et à l’automatisation?

Cal MurguPar Cal Murgu

Partout dans le monde, l’évolution rapide de l’intelligence artificielle (IA) a transformé les industries. Les grands modèles linguistiques (LLM), comme le OpenAI GPT-4 financé par Microsoft, ont fait la preuve de leur impressionnante capacité de comprendre et de produire du texte à consonance humaine. Les progrès effectués ont permis la mise au point de logiciels comme des applications d’agents conversationnels, de traduction et de production de contenu vidéo, visuel et textuel, de plus en plus perfectionnées.

À mesure que les établissements postsecondaires se doteront d’outils d’IA et d’automatisation, souvent par l’entremise de fournisseurs tiers, dans le but de rationaliser leurs activités, de réduire leurs coûts et d’« améliorer » l’apprentissage, de nombreux postes d’enseignement pourraient être abolis ou fondamentalement altérés. Si ces technologies offrent un potentiel énorme, elles ne sont pas aussi infaillibles que le laisse croire la publicité. On sait par exemple que le GPT-4 fabrique de l’information de toutes pièces lorsqu’il n’arrive pas à extraire de contenu substantiel.

Confrontés à ces changements, les syndicats peuvent jouer un rôle crucial en veillant à ce que les éventuelles conséquences négatives de l’IA ne nuisent pas de façon disproportionnée au bien-être du personnel des universités et des collèges. En se faisant la voix collective des travailleurs, ils peuvent réclamer des politiques d’atténuation des risques associés à l’IA, promouvoir l’adoption de processus transparents de prise de décisions et lutter pour des salaires et des conditions de travail équitables.

Les syndicats peuvent aider à faire en sorte que l’IA serve à améliorer le travail du personnel, et non à remplacer la main-d’œuvre par de la technologie, en adoptant des politiques qui en facilitent le recours pour compléter l’expertise et les compétences humaines. Ils peuvent contribuer au maintien des possibilités d’emploi et du caractère humain ô combien important de l’éducation postsecondaire en adoptant des politiques qui s’articulent par exemple autour de la collaboration entre l’humain et l’IA pour l’obtention de meilleurs résultats. De plus, les syndicats peuvent réclamer le financement de programmes d’acquisition de compétences et de recyclage professionnel pour le personnel académique, afin que ce dernier développe les compétences émergentes requises pour s’adapter à son milieu de travail de plus en plus automatisé, et s’épanouir.

Étant donné qu’ils représentent une main-d’œuvre variée, allant du personnel enseignant au personnel de soutien, les syndicats du milieu académique peuvent traiter de préoccupations particulières touchant la liberté académique, la permanence, les droits de propriété intellectuelle, les effectifs, la précarisation de l’emploi et autres. Dans ce contexte, ils doivent défendre les besoins de leurs membres tout en collaborant avec l’administration pour assurer la viabilité de l’établissement. En poursuivant leur combat pour des salaires et des conditions de travail équitables, ils traitent aussi intrinsèquement d’une préoccupation liée aux conséquences de l’IA sur la rémunération. Qui plus est, ils doivent réclamer le partage équitable des sommes économisées grâce à l’automatisation en veillant à ce que les établissements réinvestissent ces sommes dans l’augmentation des salaires et l’amélioration des avantages sociaux et des conditions de travail.

Pour garantir l’adoption juste et équitable de l’IA, les syndicats peuvent promouvoir l’adoption de processus transparents de prise de décisions en matière d’IA. En orientant activement le débat, ils peuvent également aider les établissements à se doter de solutions prenant en compte à la fois les avantages éventuels de l’IA et de l’automatisation, et les préoccupations et besoins des travailleurs. Dans le cadre de leurs efforts de promotion de décisions transparentes, les syndicats peuvent réclamer la formation de comités mixtes d’IA au sein des établissements postsecondaires. Ces comités regrouperaient des représentants des syndicats, des administrations et des services informatiques, et d’autres intervenants pertinents, y compris des étudiantes et des étudiants, afin de discuter d’IA et d’automatisation, et de prendre les décisions qui s’imposent.

Pour veiller à ce que l’adoption d’outils d’IA tienne compte des préoccupations de différents groupes de personnel académique, profite à toutes les parties prenantes et ne nuise pas de façon disproportionnée à un groupe particulier, les syndicats pourraient songer à adopter une approche fondée davantage sur la collaboration, c’est-à-dire travailler ensemble pour cerner les buts et intérêts communs. Avant d’entamer des négociations collectives, ils pourraient aussi mener un dialogue entre syndicats pour mieux comprendre les préoccupations de chaque groupe et élaborer des solutions tenant compte des besoins et du bien-être de tout le personnel académique.

Nous ne savons pas clairement quelles seront les répercussions des LLM et autres technologies d’IA sur l’éducation postsecondaire. Cependant, un nombre croissant de spécialistes mettent en garde contre les dures réalités de l’adoption de l’IA pour les travailleurs. Quelle que soit la situation, les syndicats œuvrant dans les universités et collèges ont un rôle vital à jouer pour protéger leurs intérêts.

En réclamant des politiques qui protègent les emplois et accordent la priorité aux technologies d’IA conçues pour compléter le travail humain, en encourageant la transparence sur le plan de la prise de décisions et en luttant pour des salaires équitables et pour le réinvestissement des sommes économisées dans les établissements, les syndicats peuvent aider à assurer une transition plus inclusive et équitable vers un avenir de plus en plus automatisé.


Cal Murgu est bibliothécaire spécialisé en conception pédagogique (Bibliothécaire II) à l’Université Brock. En matière de recherche, il se consacre à la pédagogie numérique et à l’apprentissage à distance dans les bibliothèques académiques et autres, ainsi qu’à la collaboration bibliothécaires-personnel enseignant en salles de classe.

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