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Le mot du président / La disparition du personnel académique, une étrange affaire?

Le mot du président / La disparition du personnel académique, une étrange affaire?

Par Peter McInnis

Les internautes qui parcourent les sites web de la plupart des universités et des collèges voient immédiatement des graphiques brillants aux textes travaillés vantant la gamme de programmes disponibles. Tout tourne autour des programmes, et de la manière dont un noeud interdisciplinaire crée des synergies qui propulseront les futurs diplômés vers un niveau supérieur de réussite personnelle.

Sous l’angle du marketing et du recrutement, cette invitation à venir « étudier chez nous » s’est avérée attrayante. Certes, l’inscription et la rétention des étudiants sont essentielles à la santé de l’enseignement postsecondaire. Pourtant, ne faudrait-il pas aller plus loin?

Le personnel académique, qu’il s’agisse d’enseignants individuels ou de départements, autrefois bien en évidence comme étant à la base même d’un programme d’études, est moins présent. Il est encore possible de les trouver, mais il faut généralement aller beaucoup plus loin sur les sites web de ces établissements.

L’idée que le personnel académique soit remplaçable, qu’il constitue un élément facile à intégrer aux divers programmes, s’inscrit dans les exigences externes voulant que les futurs diplômés soient totalement « prêts à l’emploi » et aptes à être immédiatement déployés dans un milieu de travail. L’interdisciplinarité n’est pas nouvelle. Le personnel académique explore ces transitions depuis de nombreuses années avec succès. Nous devrions continuer de nous approprier ces innovations, à condition qu’elles soient proposées par le personnel académique et non pas imposées par les pressions extérieures, souvent des incitations financières du gouvernement provincial axées sur des solutions économiques faciles et des sondages politiques.

Quelles sont les répercussions de la subordination des départements à des ensembles de programmes amorphes? Y a-t-il une érosion de la rigueur intellectuelle et un redéploiement des cours pour se concentrer simplement sur la formation professionnelle?

L’ancienne progression des matières principales, des cours d’introduction aux laboratoires, en passant par les séminaires de fin d’études et l’échafaudage nécessaire à la construction d’un savoir cumulatif, a cédé la place à des modules d’apprentissage distincts qui peuvent être « empilés » pour « perfectionner rapidement » les étudiants et intégrer des « marqueurs de qualité » pour des placements très définis sur le marché du travail.

L’image fortuite des insignes de compétence des scouts ou des guides apposés sur une ceinture vient à l’esprit. L’idée que la pensée critique puisse être assurée comme un insigne unique plutôt que comme une compétence soigneusement développée à partir de perspectives multiples des cours de premier cycle, les nuances des approches disciplinaires étant superposées et répétitives, est discutable.

Le véritable apprentissage prend du temps? Il ne peut pas être réduit à une simple équation d’un instant.

Même l’occulte présente une utilité pratique. Comment trouver des universitaires que vous ne connaissez pas encore? Si quelqu’un cherche des collègues susceptibles d’être des examinateurs externes, des directeurs de thèse ou des collaborateurs de recherche, il peut être frustrant de tenter de trouver ces personnes parmi la surabondance de paumés institutionnels.

Le personnel académique a souvent de bonnes idées qui sont ensuite récupérées par des structures administratives ou d’autres entités extérieures à l’établissement. Les compétences transférables, oui, absolument, mais ne renonçons pas à l’apprentissage approfondi et à la confiance en soi pour préparer nos diplômés à l’engagement civique tout au long de leur vie. Les problèmes d’accessibilité et d’abordabilité de l’enseignement postsecondaire seront-ils véritablement abordés par un nombre croissant de programmes, de microcertifications et de tentatives connexes de désagréger une progression bien ficelée et qui a fait ses preuves vers des diplômes et des certificats?

Les « parcours rapides vers l’emploi » et les « occasions d’apprentissage de courte durée » offerts dans le cadre de programmes « clé en main » conçus à la hâte devraient-ils être offerts au lieu d’une véritable accessibilité aux groupes en quête d’équité? L’accès au simulacre d’apprentissage n’est pas du tout l’inclusion recherchée et exigée pour l’enseignement postsecondaire.

Cette innovation douteuse accélérera-t-elle le retrait du financement gouvernemental à mesure que les études traditionnelles seront divisées en petites parcelles d’apprentissage? Si c’est le cas, la promesse des microcertifications ne sera rien d’autre qu’une déviation des obligations sociétales envers nos concitoyennes et nos concitoyens.

Il est nécessaire de trouver un créneau pour le personnel académique à l’avant-garde de l’innovation disciplinaire et de maintenir nos droits de gouvernance collégiale. À une époque où la stabilité qu’offre la titularisation est soumise à des pressions croissantes, l’absence de permanence empêche souvent les membres du personnel académique contractuel, dont le nombre ne cesse de croître, de bénéficier de toute une série d’avantages professionnels qui leur permettraient de faire avancer leur carrière.

Historiquement, les travailleurs dits « qualifiés » affirmaient que les connaissances complexes nécessaires à l’exécution de leurs tâches se trouvaient « sous leur chapeau », c’est-à-dire dans leur tête, et pas seulement dans leurs mains. Les efforts déployés au début du XXe siècle pour diviser ce contrôle en unités distinctes et accélérer la production étaient connus sous le nom de taylorisme, ou « gestion scientifique », et ont été vigoureusement combattus.

Il y aura sans aucun doute une place pour des « parcours vers l’emploi » soigneusement construits qui adoptent une pédagogie peu orthodoxe, mais pour le faire avec rigueur et équité, nous devons recentrer le personnel académique disparu.

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