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Le mot de la présidente / Une vague de militantisme

Le mot de la présidente / Une vague de militantisme

President Brenda Austin Smith

par Brenda Austin-Smith

Depuis bien longtemps, il n’y a pas eu autant d’associations de l’ACPPU en grève ou sur le point de l’être. Pourquoi la table des négociations est-elle actuellement aussi enflammée? Pourquoi tant d’associations ont-elles déjà sorti leur piquet de grève, ou s’apprêtent-elles à le faire? Il suffit de regarder les administrations centrales et les gouvernements provinciaux, qui continuent d’être le meilleur facteur de mobilisation pour les associations académiques. Ce n’est peut-être pas leur intention, mais il est difficile de remettre en question des résultats qui s’imposent d’un océan à l’autre.

L’esprit de répartie a commencé à se manifester chez les membres de l’ACPPU il y a deux ans, lorsque la pandémie nous a tous obligés, en urgence, à travailler à distance. Nous nous y sommes résolus, car nous n’avions pas le choix. C’était le seul moyen de poursuivre nos travaux de recherche, nos enseignements et nos services face à un virus mortel. Nous avons mis nos ordinateurs portables en équilibre sur des piles d’ouvrages sur le comptoir de la cuisine, et adapté au mieux l’éclairage pour poursuivre notre travail. Nombre de membres de l’ACPPU ont fait tout cela, même s’ils ne bénéficiaient que d’un soutien minime, voire inexistant, de la part de leur employeur et qu’un nombre croissant d’enseignants étaient en situation précaire. Environ un tiers des personnes qui enseignent dans un établissement postsecondaire canadien ont des contrats à court terme dont la rémunération est très faible et les prestations peu nombreuses.

Une série de menaces pesait sur les collèges et les universités bien avant la COVID. Des coupes gouvernementales constantes ont créé un trou dans les budgets qui financent la mission centrale de nos établissements, ce qui a eu l’effet d’un coup de massue du fait que nos collègues devaient supporter une charge de travail accrue sans répit ni soutien adéquat. Au Canada, environ 10 % des enseignants du postsecondaire ont vu leur emploi disparaître; et leurs étudiants se sont alors connectés à la salle de classe (virtuelle) de leurs collègues. À cet égard, il est important de ne pas oublier que les membres du personnel enseignant racialisés, féminins, autochtones et handicapés risquent plus de grossir les rangs de la précarité que ceux qui occupent un emploi permanent à temps plein. Vu la promotion que nos administrations font de l’équité, de la diversité et de l’inclusion, le peu d’attention accordée à la sous-représentation de ces collègues qui occupent un emploi permanent à temps plein est scandaleux.

Au plus fort de la crise de la COVID, les administrations centrales ont profité de l’urgence de la situation pour s’arroger le pouvoir unilatéral de prendre les décisions liées au milieu académique. Le sénat a été contourné ou mis de côté au nom de la commodité. Les administrations centrales promettaient que cette mesure était temporaire, que notre travail était vivement apprécié et que les extraordinaires efforts que nous consentions pour maintenir nos établissements à flot ne seraient pas oubliés. Jusqu’ici, cela n’a pas été le cas. Le fait que les administrations aient écarté la gouvernance collégiale au nom de la commercialisation et de l'autoritarisme a provoqué l’indignation.

Les associations ont dû se battre et même formuler un grief pour remettre le processus décisionnel collégial à sa juste place. Ces luttes sont apparues tant à la table des négociations qu’au piquet de grève. Mon association, l’Association des professeurs de l’Université du Manitoba, a maintenu l’état de grève pendant cinq semaines, en partie parce que l’administration avait revendiqué le droit de dicter le mode d’enseignement, même s’il s’agit d’une question académique qui incombe, à juste titre, au sénat. Face à cet excès persistant et au fait que nos administrations n’ont pas réussi à protéger nos établissements des méfaits des gouvernements provinciaux, il n’est pas surprenant que les membres de l’ACPPU aient pris des mesures.

Cette vague de militantisme et cette volonté de retirer notre main-d'œuvre ne sont pas nées de nulle part. Il ne s’agit pas d’un simple accès de dépit. Ce n’est pas non plus une question de salaire ni d’avantages sociaux - bien que, lorsqu’on voit les avocats du gouvernement du Manitoba admettre avoir violé nos droits constitutionnels en cour le mois dernier, l’absence de négociations libres et équitables est soit exaspérant. Oui, nous avons tous droit à des salaires et à des avantages sociaux équitables. Mais lorsque je lis les messages des associations de l’ACPPU à leurs membres concernant la situation des négociations sur nos campus, un mot ressort : le respect.

Les travailleurs académiques de tout le pays ont droit au respect. Au plus fort de la pandémie, le recours de nos établissements à notre main-d'œuvre n’a jamais été aussi manifeste. C’est nous qui sommes montés aux barricades il y a deux ans. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais je ne connais aucun étudiant qui, lorsqu’il était malade, anxieux et désespéré, s’est tourné vers le recteur de son université. Et après tout cela, on nous dit que notre désir d’en faire encore plus pour les étudiants est un signe de faiblesse; qu’en fait, nous avons fait preuve de naïveté en partant du principe que ceux qui prétendent diriger nos établissements se soucient réellement de nous et de nos étudiants.

Les vrais dirigeants inspirent plus qu’ils ne commandent. Leur discours repose sur l’intégrité et de vraies valeurs, des valeurs qui n’ont rien à voir avec le profit, de quelconques paramètres et l’imposition d’heures de travail supplémentaires aux personnes ayant un emploi précaire. La colère qui anime cette année le milieu de l’éducation postsecondaire traduit une révolte contre le manque de respect, et résulte de notre prise de conscience que personne d’autre que nous ne se lèvera pour défendre les valeurs de la gouvernance collégiale, de la liberté académique et des droits au travail.

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