Mme Glynis Price est présidente de l'Association des professeurs de l'Université Concordia d'Edmonton (CUEFA). En janvier, la CUEFA est devenue la première association de personnel académique à déclencher une grève en Alberta.
Qu'est-ce qui a mené la CUEFA à déclencher une grève?
Ces deux années ont été incroyablement difficiles pour les étudiants et le personnel académique de l'Alberta, avec le passage constant de la prestation de cours en ligne à la prestation de cours en présentiel. Malheureusement, les administrations n'ont pas reconnu ni respecté l'énorme charge de travail que le personnel académique a dû assumer pour assurer le fonctionnement des établissements postsecondaires pendant cette période d'incertitude. Dans notre cas, il y avait un manque de respect pour le travail que nous avons accompli, une attente selon laquelle nous ne faisions pas assez de travail et la perception que nous étions trop payés.
En l’absence de soutien non académique, les membres de notre association ont assumé des tâches administratives. Au fil du temps, on a assisté à une dérive des tâches, à une dégradation de l'équilibre entre le travail et la vie personnelle, et à une augmentation des cas d'épuisement professionnel. La charge de travail est l'une des plus grandes préoccupations du personnel académique et compte parmi les plus élevées au Canada. L'administration n'était tout simplement pas disposée à discuter de la question.
Pourquoi la grève de la CUEFA a-t-elle touché une telle corde sensible dans tout le pays?
Le gouvernement de l'Alberta est plutôt antisyndical et n'est pas particulièrement disposé à aider les négociations collectives. Nous avons constaté la même approche au Manitoba. Les gouvernements font obstacle aux processus de négociation indépendants en donnant aux universités un mandat secret sur les conventions qu'elles sont autorisées à conclure. De nombreux syndicats ont fait les frais de ces mandats secrets et sont donc venus nous soutenir.
Les associations de personnel académique de l'Alberta et de tout le Canada constatent également que le terme « respect » revient dans de nombreux échanges, dans les discussions en ligne et dans les négociations collectives. Les administrations, même au-delà du secteur de l'enseignement postsecondaire, ont oublié que la négociation collective ne fonctionne que lorsque les deux parties sont traitées sur un pied d'égalité. Il ne s'agit pas d'une relation patron-subordonné.
Quelles leçons avez-vous tirées?
Nous avons appris à nous appuyer sur les forces de nos membres, qu'il s'agisse de communication, de création de feuilles de calcul, de financement, de mobilisation ou de négociation. Tout le monde n'avait pas à faire du piquetage, mais chacun devait se sentir inclus et avoir une tâche à accomplir. Une communication transparente était essentielle. Nous avons tenu tout le monde au courant de ce qui se passait à la table de négociation. Nous avons délégué des tâches et nos membres ont été formidables à prendre le relais.
Aujourd’hui, les associations de personnel académique de l'Alberta se parlent et travaillent ensemble, ce qui est l'un des résultats positifs du soutien massif que notre grève a reçu. Les présidents de toutes les associations de personnel académique de la région d'Edmonton se réunissent tous les mois pour discuter de ce que nous pouvons faire pour le secteur et les uns pour les autres. Il y aura des piquets de grève volants et en voiture. Nous aidons également les professeurs qui ne sont pas nécessairement en grève, mais qui pourraient s'y diriger, ou ceux qui viennent de sortir d'une grève et qui essaient de revenir à un semblant de normalité.
Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels le personnel académique est confronté à la suite de la pandémie?
Les universités peuvent commercialiser des contenus pédagogiques pour créer des cours hybrides ou en ligne, sans rémunérer les membres du personnel académique pour le travail qu'ils ont fourni. Cette situation entraîne une érosion des droits de propriété intellectuelle. Les universités ont revendiqué les droits sur ce matériel en ligne au motif qu'il a été créé pour l'université en utilisant des ressources universitaires et qu'il n'est pas spécifiquement considéré comme un travail universitaire « traditionnel », de sorte qu'il n'est souvent pas visé par les politiques en matière de propriété intellectuelle.
Les associations de personnel académique ont fait un travail remarquable en faisant preuve de souplesse dans l'organisation des cours à distance afin de garantir la même qualité d'enseignement aux étudiants pendant la pandémie. Les universités n'ont pas nécessairement suivi en termes de ressources technologiques. Dans certains cas, les membres du personnel académique ont dû acheter eux-mêmes du matériel, qui leur a été remboursé ou non, selon l'université.
Les universités n'embauchent pas de professeurs à temps plein pour faire face à l'augmentation du nombre d'inscriptions. Elles font appel à des travailleurs temporaires. Avec l'augmentation de la précarité sur le lieu de travail universitaire, certaines administrations alimentent une culture de division entre les travailleurs contractuels sous-payés et les professeurs à temps plein. Elles tentent d’éroder l'efficacité des associations.
Pourquoi la négociation collective est-elle importante?
Les emplois et le marché du travail, les universités et les gouvernements évoluent tous au fil du temps. Par conséquent, les conventions collectives et les conditions de travail du personnel académique évoluent également avec le temps. La négociation collective permet aux administrations et aux associations de personnel académique d'évoluer avec leurs établissements, de faire face aux changements et de procurer une sécurité à leurs membres. Par exemple, l’Université Concordia d'Edmonton était autrefois un collège universitaire où les gens souhaitaient obtenir un diplôme de premier cycle. Nous sommes maintenant en train de devenir une université axée sur la recherche. Au niveau collégial, il était normal d'avoir un certain nombre de cours à enseigner, mais il n'y avait généralement pas d'exigences en matière de recherche. Au fur et à mesure que les exigences en matière de recherche augmentent, les membres du personnel académique doivent être en mesure de négocier un changement dans leur charge de travail d'enseignement pour répondre à l'augmentation des activités de recherche.