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Entretien / Jane McAlevey

Entretien / Jane McAlevey

Jane McAlevey est chargée de politiques principale au centre d’études sur le mouvement syndical de l’Université de la Californie à Berkeley. Son plus récent livre s’intitule A Collective Bargain: Unions, Organizing, and the Fight for Democracy. Elle s’est prononcée sur le nivellement par le bas lors de la 90e assemblée du Conseil de l’ACPPU en avril dernier.

Vous avez parlé de l’importance de la syndicalisation du personnel des collèges et universités. Pourquoi?

Comme le démontre la crise de l’Université Laurentienne, nous faisons déjà face à des situations critiques. Quand j’ai débuté ma carrière d’organisatrice syndicale en 1995, nous comptions un professeur auxiliaire pour trois professeurs permanents à temps plein dans le système universitaire américain. Aujourd’hui, la situation est renversée. Voulons-nous tout perdre ou apporter les correctifs requis avant qu’il ne soit trop tard? Si nous voulons redresser l’austérité, nous doter d’un système d’éducation robuste et augmenter le nombre de professeurs en voie d’obtenir leur permanence, nous devons accepter de lutter contre l’inégalité de pouvoir ridicule que nous observons au Canada comme partout aux États-Unis.

Quels changements la pandémie a-t-elle entraînés?

Après la pandémie, je pense que nous devrons nous préparer à nous battre dans le milieu de l’éducation contre des gouvernements et des administrations qui auront décidé que l’apprentissage à distance fonctionne et que les professeurs sont donc superflus. Nous ne serons plus que des robots à l’écran. Nous devons créer des alliances incroyables entre le personnel permanent à temps plein et le personnel en situation plus précaire, et entre les étudiants, les parents et la collectivité. Si nous n’y arrivons pas, si nous ne changeons pas nos façons de faire dès maintenant, nous allons tous y perdre.

Que peut faire le personnel académique pour améliorer les conditions de travail et protéger l’éducation postsecondaire publique?

Si nous voulons éviter le nivellement par le bas, nous devons comprendre que le succès repose sur une variable sous-jacente, le pouvoir. Les capacités de nos conseillers juridiques et négociateurs n’y sont pour rien. Nous avons deux sources de pouvoir : le vote et la capacité de faire la grève. Les deux dépendent d’une participation élevée. L’autre partie a les médias et des tonnes de ressources financières. Nous, nous avons les effectifs. Pouvons-nous tirer de ces effectifs tout le pouvoir qu’ils représentent? Nous devons être unis. Et nous devons agir pour assurer cette union de nos forces, qui ne se manifestera pas spontanément. Nous devons nous doter de structures efficaces et étanches en milieu de travail. Nous devons créer des supermajorités viables et démontrables. Mon expérience de vie m’a montré que les syndicats à forte participation peuvent changer les politiques.

Comment les supermajorités mènent-elles à la victoire?

Dans un climat super hostile, nous ne ferons aucun gain sans la participation d’une forte majorité d’employés. En avril 2018, 75 000 enseignants de l’Arizona ont entamé une grève illégale. Si cette grève a porté des fruits, c’est uniquement parce que l’ensemble des enseignants de l’ensemble des écoles de l’État y ont participé. En 2020, en raison de ce degré d’organisation et de mobilisation, les élus de l’Arizona ont voté une hausse de 1 % du taux d’imposition des résidents les plus riches de l’État afin de financer l’éducation et de retirer au gouvernement l’excuse de l’austérité.

Pouvons-nous obtenir de meilleures conventions collectives en période d’austérité?

Je ne m’installe pas à la table des négociations pour conclure de mauvaises conventions. Je suis là pour obtenir pour les travailleurs ce qu’ils méritent. Nous cédons beaucoup de notre pouvoir lorsque nous faisons fi de la situation de nos membres à l’extérieur du travail, et ce, même s’ils entretiennent de nombreuses relations pouvant être mises à profit pour changer notre rapport de pouvoir. Trop souvent, des syndicats faibles s’allient à des groupes faibles de la collectivité. Cela ne renforce pas nos positions. Si nous déterminons où se trouve le vrai pouvoir dans nos collectivités et qui, de nos membres au sein de nos propres établissements, entretiennent des relations avec ces parties, nous gagnerons. À moins de bâtir des alliances incroyables entre le personnel permanent à temps plein et le personnel en situation plus précaire, et entre les étudiants, les parents et la collectivité, les choses ne changeront pas. Au fil du temps, nous avons compris que des relations puissantes qu’entretiennent nos membres restent inexploitées parce que nous ne faisons pas le travail interne nécessaire pour comprendre tout le pouvoir qu’exercent les relations des membres lorsque nous mettons notre savoir en commun.

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