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Entretien / Samuel Trosow

Entretien / Samuel Trosow

[Photo: Geoff Robins]

Samuel Trosow est professeur agrégé à l’Université de Western Ontario, où il enseigne à la faculté de droit et à la faculté des études sur l’information et les médias. Son travail porte principalement sur l’intersection du droit des communications et de l’information et des politiques connexes, des nouveaux médias et des professions de l’information et des communications. Depuis l’éclosion de la COVID-19, Samuel Trosow se penche sur certaines préoccupations en rapport avec l’enseignement à distance, car celui-ci soulève des questions de droit d’auteur inhabituelles et importantes pour les éducateurs.

En temps normal, dans quels aspects du travail d’un enseignant le droit d’auteur intervient-il?

Quand on pense aux droits, aux obligations et aux exceptions prévus par le droit d’auteur, on pense d’abord aux œuvres. Le droit d’auteur concerne principalement les œuvres, qu’elles soient littéraires, dramatiques, artistiques, musicales, ou une combinaison de ces choses. Cela dit, il protège aussi d’autres éléments qui nous intéressent et, en particulier, ce que nous appelons la prestation. Pour simplifier, disons que la prestation est un cours ou une conférence. Dans ce contexte, les œuvres peuvent être des diapositives, des notes de cours et des documents écrits. Nous nous retrouvons donc avec des œuvres, des prestations et des enregistrements sonores. Dans la pratique, ces trois types d’intérêts sont interreliés, mais pour comprendre quels sont les droits sur chacun, il vaut mieux les considérer comme trois éléments distincts, comme le fait la Loi sur le droit d’auteur.

Pouvez-vous nous expliquer encore une fois la différence entre les œuvres, comme les diapos utilisées en classe, et la prestation, c’est-à-dire la lecture de ces diapos par le professeur?

Habituellement, les enseignants ne se contentent pas de lire les diapos, parce que cela n’aurait aucun intérêt. Disons plutôt qu’ils les embellissent. Les diapos sont la trame à partir de laquelle les enseignants donnent leur cours, celui-ci étant la prestation. Élément séparé de l’œuvre protégée, la prestation fait habituellement l’objet d’une fixation sous la forme d’un médium tangible qui fait que la prestation peut être revue par la suite.

À qui appartient l’enregistrement d’une œuvre et de la prestation d’un enseignant?

Le premier possesseur d’une œuvre est son auteur. Donc le premier titulaire des droits sur une prestation est l’artiste-interprète, dans ce cas l’enseignant et les personnes avec qui il travaille. Dans le cas d’un enregistrement sonore, il importe de noter que le possesseur est celui qui fait l’enregistrement. De bien des manières, l’enregistrement sonore est l’élément le plus important parce que c’est celui qui permet de fixer l’œuvre et la prestation. Et c’est là que peuvent survenir les différends. Qui est le producteur de l’enregistrement? La Loi nous dit que le producteur est la personne qui effectue les opérations nécessaires pour produire l’enregistrement et que cela peut dépendre de toutes sortes de facteurs. Qu’en est-il alors si l’enseignant se sert de l’équipement de l’employeur ou si d’autres membres du personnel participent au travail d’enregistrement? C’est une question qui peut mener à des divergences d’opinion sur la titularité des droits d’auteur.

Si une conférence ou un cours est enregistré, l’employeur est-il le titulaire des droits?

Selon le paragraphe 13(1) de la Loi sur le droit d’auteur, l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire des droits sur cette œuvre, mais le paragraphe 13(3) prévoit une exception selon laquelle, à moins d’une convention contraire, l’employeur est titulaire des droits lorsque l’auteur est employé en vertu d’un contrat de service et qu’il a exécuté l’œuvre dans l’exercice de cet emploi. Il existe beaucoup de jurisprudence qui nous aide à comprendre quand une œuvre est exécutée dans l’exercice d’un emploi ou non. Fondamentalement, nous avons une règle, nous avons une exception et nous pouvons avoir une convention qui annule l’exception.

Pourquoi est-il important d’avoir une convention qui fasse de l’enseignant le titulaire des droits?

En l’absence de convention contraire au paragraphe 13(3) ou d’autres droits, il y a de grandes chances que l’employeur essaie de faire une réclamation non seulement sur le contenu de l’œuvre, mais aussi sur l’enregistrement de la prestation, et cela pose un problème. Le personnel académique doit s’efforcer de protéger ses droits de propriété et de contrôle sur ses œuvres. Cela s’étend aussi bien au contenu de l’œuvre qu’au cours (la prestation) et à son enregistrement. En général, dans le monde académique au Canada, la norme veut que le personnel académique soit propriétaire de ses œuvres, mais même si c’est la norme, il demeure très important de l’indiquer noir sur blanc dans un contrat en bonne et due forme.

Pourquoi est-il important que le personnel académique soit propriétaire de ses œuvres, de ses prestations et des enregistrements?

Si un employeur devient titulaire des droits sur ces éléments, il peut décider de les réutiliser. Ce risque vise particulièrement les professeurs qui enseignent en vertu d’un contrat. Imaginez que vous donniez une prestation d’une qualité extraordinaire et que vous ne soyez pas réengagé parce que l’employeur peut réutiliser l’enregistrement. Ce serait pour l’employeur une bonne façon d’économiser. C’est pourquoi les enseignants doivent vraiment faire attention. Si la prestation d’un membre du personnel académique fait l’objet d’un enregistrement vidéo ou audio, ce membre doit en être avisé. Si son contrat établit qu’il est titulaire des droits sur la prestation, il est essentiel qu’il sache quand l’enregistrement se fera, par quel moyen et pour quelle raison, et comment il sera entreposé. Les systèmes de gestion de cours posent des difficultés particulières parce qu’ils restent généralement contrôlés par l’employeur, même après que le cours est terminé.

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