En septembre 2017, la chercheuse en cardiologie Mona Nemer, qui était jusqu’à récemment vice-rectrice à la recherche de l’Université d’Ottawa, a été nommée nouvelle conseillère scientifique en chef du Canada. Le Bulletin l’a rencontrée pour parler avec elle de ce qu’elle compte accomplir dans ses nouvelles fonctions.
Vous avez pour mandat de conseiller le gouvernement fédéral sur la façon dont il peut s’assurer que ses travaux scientifiques seront accessibles au public et que des analyses scientifiques seront prises en compte dans le processus décisionnel du gouvernement. Quelles seront vos priorités?
J’entends m’acquitter au mieux de mon mandat dans un contexte d’ouverture et de transparence. Je m’emploierai particulièrement à rechercher et à recommander des améliorations à apporter aux mécanismes de consultation scientifique mis en place par le gouvernement, et aussi à recommander des moyens de renforcer le cadre de communications à l’intention des scientifiques du gouvernement. Je suis bien placée pour savoir à quel point cela est important tant pour les scientifiques que pour les Canadiens. Je ferai également la promotion de la science ouverte pour faciliter l’accès du public aux recherches scientifiques fédérales et j’élaborerai des directives pangouvernementales sur l’intégrité scientifique. Mon rapport annuel de décembre 2018 décrira en détail les activités de mon bureau.
Dans son Examen du soutien fédéral aux sciences, le comité consultatif demande de relever de 1,3 milliard de dollars les crédits affectés à la science fondamentale et d’assurer un équilibre dans l’attribution des fonds accordés aux trois organismes subventionnaires fédéraux. À votre avis, à quel point les investissements recommandés sont-ils cruciaux?
Je conviens qu’il nous faut investir davantage dans la recherche fondamentale afin de faire du Canada une destination de classe mondiale pour la science. Ayant travaillé pendant de nombreuses années dans le milieu universitaire, je peux affirmer que les recommandations visant à renforcer l’appui aux chercheurs en début de carrière et les efforts déployés pour renforcer l’équité et la diversité et pour stimuler la recherche multidisciplinaire et multinationale trouvent un écho en moi. La recherche fonctionne sur un spectre. Je souhaiterais voir s’établir un meilleur équilibre entre la recherche axée sur la découverte et la recherche appliquée et davantage de soutien aux mécanismes qui les relient.
On sait que le gouvernement précédent a éliminé le Bureau du conseiller national des sciences, vidé les bibliothèques de recherche et bâillonné les scientifiques fédéraux. À la lumière de ce passé récent et compte tenu des attaques menées contre la science en général dans le reste du monde, dans quelle mesure est-il important de « faire de la sensibilisation au sujet des dossiers scientifiques qui concernent le public » conformément à votre mandat?
La culture scientifique est essentielle dans toute société démocratique. Des personnes bien informées prennent de meilleures décisions concernant leur vie et, par conséquent, prennent de meilleures décisions qui influent sur notre société et notre monde. Selon un sondage réalisé par le Centre des sciences de l’Ontario, 43 % des Canadiens interrogés pensent que la science est une question d’opinion plutôt que de fait. Nous, les scientifiques, avons un rôle important à jouer aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos laboratoires. En garantissant l’accès du public à la science, nous créerons une population plus informée et donc mieux préparée à faire face à l’avenir.
L’ACPPU s’est réjouie de votre nomination en recommandant l’établissement d’un poste de conseiller scientifique parlementaire qui soit nommé par le Parlement et tenu de lui rendre compte, qui ne relève pas du gouvernement en place, afin de garantir une totale objectivité.
Même si je ne dispose pas de données me permettant d’évaluer le bien-fondé d’un poste de conseiller scientifique parlementaire, je peux quand même vous assurer que je serai à même d’offrir des conseils scientifiques avec toute l’objectivité possible. Cela dit, il est extrêmement important que les parlementaires possèdent une culture scientifique.
Le rapport Naylor recommande également d’améliorer l’équité et la diversité dans les programmes de recherche fédéraux. Comment envisagez-vous de faire avancer la promotion de l’équité et de la diversité?
Plusieurs changements doivent être apportés pour améliorer l’équité et la diversité dans nos programmes de recherche : (1) S’assurer que les critères d’embauche et de reconnaissance, les paramètres, les politiques et procédures portent sur les réalisations et non sur les postes occupés. (2) Mettre en œuvre des programmes et des initiatives de soutien aux femmes ayant des enfants afin qu’elles puissent poursuivre activement leurs activités de recherche. Les membres des groupes sous-représentés s’engagent souvent dans des parcours professionnels non traditionnels. Nos critères de reconnaissance doivent tenir compte de cette réalité. (3) Offrir des programmes de mentorat et des prix et récompenses qui contribuent à rehausser le profil des femmes et des membres des groupes sous-représentés dans la recherche scientifique. Les mentors et les modèles sont essentiels pour aider à la diversification de nos programmes de recherche.