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Entretien / Michael Geist

Entretien / Michael Geist

Michael Geist est professeur de droit à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique. Il est également chroniqueur affilié en matière de nouvelles technologies et leurs ramifications juridiques, directeur de rédaction de plusieurs ouvrages sur le droit d’auteur et publications mensuelles en droit des technologies, et auteur d’un blogue populaire axé sur des questions de droit liées à Internet et à la propriété intellectuelle.

En 2012, une série de jugements de la Cour suprême du Canada et de modifications à la Loi sur le droit d’auteur du Canada a confirmé certains droits des étudiants, professeurs et chercheurs. En quoi était-ce important?

Il s’agissait d’un virage important dans notre compréhension de la loi : on a reconnu que le droit d’auteur était une question de juste milieu et on a intégré les droits des utilisateurs et des créateurs comme les étudiants et les professeurs au sein du milieu de l’enseignement. La notion de droits des utilisateurs avait été répudiée par les mai­sons d’édition, mais la Cour suprême a énoncé systématiquement la nécessité d’équilibre entre les droits des utilisateurs et les droits des créateurs. Dans les faits, cela signifiait que l’utilisation équitable — le droit de copier une portion d’une œuvre sans frais ni permission à des fins d’éducation, de recherche et d’étude privée — est un droit d’utilisation qui doit être interprété de manière large et libérale.

Que pensez-vous des nouvelles exceptions au droit d’auteur adoptées par le gouvernement en 2012?

Je pense que le gouvernement a fait preuve de vision et d’innovation dans sa réforme de la loi en 2012. L’exception visant le contenu non commercial généré par l’utilisateur facilite l’usage créatif d’œuvres populaires aujourd’hui sous forme d’agrégation et de remixage; il est maintenant tout à fait légal tant de créer ce genre de contenu que de l’utiliser. En vertu de l’exception concernant les établissements d’enseignement, il est maintenant légal d’utiliser en classe du matériel accessible en ligne sans obtenir au préalable la permission de le faire et on le fait largement aujourd’hui.

L’Université York a interjeté appel d’un jugement de la Cour fédérale selon lequel l’Université devait remettre au cartel de propriétaires de contenu Access Copyright des redevances en souffrance. Si l’utilisation équitable est maintenant prévue par la loi, pourquoi cela se produit-il?

Access Copyright fait valoir depuis des années que le cadre de l’utilisation équitable n’est pas aussi large que l’établissent les jugements de la Cour suprême. Ils ont systématiquement perdu leurs causes, tant à la Cour suprême, à la Cour d’appel fédérale qu’à la Commission du droit d’auteur. Le jugement dans l’affaire mettant en cause l’Université York est une décision singulière, s’écartant de tous les autres jugements en la matière, qui reflète l’opinion d’un juge et qui a été porté en appel.

Access Copyright et le secteur de l’édition soutiennent que l’utilisation équitable les place dans une situation précaire. Pour vous, c’est un mythe. Pourquoi?

La campagne de désinformation autour de l’utilisation équitable et de ce qui se passe dans le secteur de l’éducation est très nocive. Les données montrent clairement que les établissements dépensent des millions de dollars pour l’utilisation à perpétuité de livres numériques et pour des bases de données qui permettent l’usage de matériel de cours. Access Copyright et le secteur de l’édition arguent haut et fort qu’il y a violation du droit d’auteur, tout en passant outre le fait que les dépenses de licences ont augmenté depuis 2012. Il faut absolument rectifier les faits; le milieu de l’enseignement doit faire valoir sa position. Pour expliquer la diminution des affaires et des revenus allégués par le secteur de l’édition, il faut se tourner du côté des changements majeurs provoqués par la technologie, non pas du côté de l’utilisation équitable.

Le gouvernement fédéral se livre cette année à l’examen obligatoire à intervalles de cinq ans de la Loi sur le droit d’auteur. Qu’est-ce qui est à risque?

Les avantages de l’approche équilibrée de 2012 sont menacés, tant par la campagne de désinformation sur l’utilisation équitable que par les pressions exercées pour prolonger la durée du droit d’auteur (subsistant actuellement pendant la vie de l’auteur et jusqu’à la 50e année suivant son décès) de 20 ans, retardant ainsi l’utilisation libre des œuvres. Étant donné que nous faisons largement appel à des publications du domaine public au sein de nos établissements d’enseignement, notamment en histoire, nous devons nous assurer qu’il n’y aura pas de prolongation du droit d’auteur.

Les étudiants paient des prix élevés pour de nombreux manuels de cours et ils ont parfois tendance à se tourner vers le partage illégal de contenu protégé par le droit d’auteur pour éviter ces coûts astronomiques. Que peut faire le milieu de l’enseignement à ce titre?

Personne n’approuve le piratage. Il n’en demeure pas moins que les coûts des manuels et leurs répercussions sur les étudiants posent problème. La solution réside dans des efforts et des investissements accrus dans le libre accès au matériel pédagogique. L’utilisation équitable influe sur la création de ce genre de matériel; un virage et des investissements en ce sens donnent lieu à des économies et à des avantages sur le plan pédagogique considérables.

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