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Le personnel académique contractuel a-t-il le vent en poupe?

Le personnel académique contractuel a-t-il le vent en poupe?

Par John Lorinc

En août 2022, le personnel académique contractuel (PAC) de l'Open University, institution britannique tentaculaire comptant 180 000 étudiants qui étudient à distance et sur six sites à travers le pays, a signé une convention collective qui pourrait bien avoir changé la donne.

Comme dans de nombreux pays, la proportion de professeurs sous contrat à court terme au Royaume-Uni a fortement augmenté, atteignant 75 % ces dernières années. « C'est monnaie courante », se désole Richard Bradbury, chargé de cours à la faculté des arts et des sciences sociales, qui est également vice-président et négociateur principal de l'Universities and Colleges Union. « Il y a une université en Grande-Bretagne qui embauche du personnel sur la base de contrats horaires. De mon point de vue, c'est honteux. »

Au cours de la pandémie, des négociateurs syndicaux comme Richard Bradbury ont commencé à faire pression pour modifier en profondeur la relation d'emploi entre les chargés de cours à temps partiel et les institutions. L’objectif particulier était de faire en sorte que les chargés de cours à long terme n’aient plus à redemander un emploi lorsqu'un cours particulier n'était plus proposé.

Lorsque la campagne a pris de l'ampleur, les administrateurs de l'Open University ont fait savoir qu'ils étaient prêts à revoir ces conditions, mais ont abruptement fait marche arrière au printemps 2021. Les membres ont riposté avec force, ce qui a entraîné un changement radical du statut des membres du PAC comme Richard Bradbury. Aujourd'hui, grâce à des contrats assortis d'avantages sociaux et d’une sécurité d'emploi, leur statut et leur rémunération sont basés sur une formule qui reconnaît la portion d’un équivalent temps plein (ETP) de ces professeurs, calculé en fonction de la charge de cours et d'autres tâches. Richard Bradbury, professeur chevronné, compte maintenant un ETP de 0,925.

« Si, dans huit ans, le cours de premier cycle [que j'enseigne] prend fin, ils devront me trouver autre chose », soutient-il.

Les enjeux relatifs à la précarité de l'emploi des chargés de cours, des auxiliaires et des assistants à l’enseignement diplômés ne sont pas nouveaux. Toutefois, la pandémie a jeté une lumière crue sur la pratique, les universités et les établissements d'enseignement supérieur s'étant empressés, début 2020, de licencier du personnel contractuel. La pénurie de main-d'œuvre, la sensibilisation croissante de l'opinion publique aux conditions de travail du PAC ainsi que les campagnes de syndicalisation et les victoires très médiatisées se conjuguent pour changer la donne.

« Les personnes concernées par ces contrats précaires commencent à se faire entendre », constate Sarika Bose, chargée de cours au département d'anglais de l'Université de la Colombie-Britannique et présidente du comité du personnel contractuel de l'association des professeurs. Elle cite l'issue récente d'une négociation difficile entre la section locale 3912 du SCFP, dont les membres avaient fait la grève, et l'Université Dalhousie, au sujet des salaires des assistants à l’enseignement. « De plus en plus de gens sont prêts à faire la grève ou la grève du zèle. »

Il reste encore beaucoup de chemin à faire. Mme Bose raconte qu'elle a récemment mené une enquête informelle auprès d'une cinquantaine de ses collègues, leur demandant quels étaient leurs plus grandes craintes, leurs demandes et leurs objectifs non monétaires. Les résultats n'avaient rien de surprenant : la plupart ont exprimé de profondes inquiétudes quant à la sécurité d'emploi, ainsi que des craintes connexes de perdre leur poste pour cause de maladie, de congé de maternité ou de problèmes de santé mentale.

Nick Papatheodorakos, chargé de cours à temps partiel en sciences politiques et président du Comité du personnel académique contractuel de l'ACPPU, souligne qu'au cours des trois dernières années, l'accès à des prestations pour problème de santé mentale n'était pas prévu pour le PAC, alors qu'il était largement offert aux étudiants et aux professeurs à temps plein. « Lorsqu'ils avaient besoin de prestations, ils ne pouvaient pas [en avoir]. »

De nombreux membres du groupe interrogé par Mme Bose ont aussi exprimé le souhait de voir s'améliorer les relations avec les professeurs permanents ou en voie de l'être. Dans certains départements, les membres du PAC ne sont pas invités aux réunions du personnel ou ne sont pas représentés dans les processus de gouvernance collégiale. « Ils se sentent substituables, explique-t-elle. Ils se sentent invisibles. »

Ces résultats concordent avec une enquête beaucoup plus vaste que l'ACPPU a menée en 2018 auprès de plus de 2 600 membres du personnel contractuel au sujet de leurs préoccupations. Cette étude, intitulée De l’ombre à la lumière : les expériences du personnel académique contractuel, a ajouté des détails démographiques sur les rangs des membres du PAC et leurs aspirations. Plus de la moitié ont déclaré vouloir obtenir un poste permanent, et un grand nombre d’entre eux enseignaient déjà depuis 16 à 20 ans. La sécurité d'emploi était la principale préoccupation, et seul un cinquième des répondants avaient un emploi non académique à temps plein pour compléter leur travail contractuel. Il ressortait également de l'étude que les femmes et les membres du PAC racisés avaient tendance à travailler plus longtemps que leurs homologues masculins blancs.

Mais le constat le plus accablant de l'étude de 2018 concerne peut-être la perception que les membres du PAC ont de leurs employeurs : « Seulement 19 % des personnes interrogées pensent que les établissements d'enseignement postsecondaire où elles travaillent sont des employeurs modèles qui favorisent les bons emplois », notent les auteurs.

Dans tout le Canada, la situation critique du PAC est devenue beaucoup plus visible en 2021 avec la sortie du documentaire « In Search of Professor Precarious », réalisé par le cinéaste albertain Gerry Potter, qui a enseigné à temps partiel pendant de nombreuses années. Le film de 80 minutes (l'ACPPU était l'un des commanditaires) a ajouté des visages, des noms et des circonstances individuelles à une crise des relations de travail qui semblait probablement abstraite pour de nombreux Canadiens qui ne sont pas concernés par l'enseignement supérieur.

Selon M. Potter, la réaction au film, qui a été projeté dans plus de 60 campus en Amérique du Nord, a été très forte. Le film a également suscité l'intérêt de festivals internationaux, ce qui, selon M. Potter, prouve que la dépendance des établissements postsecondaires à l'égard du personnel contractuel n'est pas seulement un phénomène canadien ou nord-américain. « C'est le reflet de ce qui se passe dans l'économie en général », ajoute-t-il, notant la tendance de nombreuses entreprises à remplacer les employés à temps plein par des travailleurs contractuels qui n'ont ni avantages sociaux ni sécurité d'emploi.

Au Canada, le film a permis de combler une sorte de vide informationnel. Les données sur l'étendue du recours au PAC sont rares, car Statistique Canada n'en fait pas le suivi. « Je pense que les gens commencent à prendre conscience de la situation », a déclaré M. Potter.

Mais les négociateurs du PAC comme M. Bradbury et Mme Bose soulignent que la sensibilisation du public ne suffit pas à faire bouger les choses. Les représentants du PAC et les associations de personnel académique doivent porter les problèmes auxquels sont confrontés les professeurs à temps partiel plus haut dans l'ordre du jour des négociations, tout en expliquant clairement pourquoi les universités et les collèges devraient être à l'écoute de leurs demandes.

M. Bradbury se souvient qu'au cours des négociations avec l'Open University, il s'est rendu avec un administrateur dans ce qu'il appelle une tournée de présentation pour débattre des mérites de l'amélioration des conditions de travail du PAC. Il insiste souvent sur le fait que les syndicats doivent se concentrer sur l'un des principaux objectifs de toutes les universités, à savoir améliorer l'expérience des étudiants. « Si vous disposez d'un personnel enseignant stable et expérimenté, c'est le meilleur moyen d'améliorer l'expérience des étudiants, affirme M. Bradbury. S'ils vous disent qu'ils ne peuvent pas se le permettre, ils mentent. »

Mme Bose ajoute que les représentants du PAC devraient également profiter du temps entre les négociations contractuelles pour se plonger dans les dispositions des conventions collectives, puis réclamer des réunions avec les négociateurs des associations de personnel académique afin de déterminer les problèmes, par exemple l'utilisation des évaluations des étudiants dans les décisions de prolongation des contrats.

Selon M. Bradbury, la victoire à l'Open University témoigne du fait que la plupart des professeurs contractuels savent que le statu quo n'est tout simplement plus acceptable. Il se souvient d'un moment révélateur, à la mi-2021, lorsque les administrateurs de l'Open University ont indiqué qu'ils allaient revenir sur leur promesse de 2020 de remédier à la précarité des conditions d'emploi du PAC. Lorsque la nouvelle s'est répandue, les responsables de l'Université ont organisé une réunion publique virtuelle pour répondre aux questions.

De nombreux professeurs contractuels ont exprimé leur colère sans ambages, certains brandissant des pancartes d'injures devant la caméra de leur ordinateur. « Le contrecoup, rigole-t-il, faisait plaisir à voir. »

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