Par Larry Savage
La vague de soutien sans précédent de la part d’organisations syndicales envers les 55 000 travailleurs de l’éducation du SCFP en Ontario a été essentielle pour forcer le gouvernement de Doug Ford à renoncer à utiliser la disposition de dérogation pour suspendre de façon déterminée les droits et les libertés fondamentaux des travailleurs dans le cadre du processus de négociation collective.
Le controversé projet de loi 28 du gouvernement Ford, ironiquement appelé Loi visant à garder les élèves en classe, a suscité une opposition prompte et immédiate de la part d’organisations de parents et de syndicats, provoquant un débrayage et une contestation politique de la part des aides-enseignants, des préposés à l’entretien et des adjoints administratifs, que le public a d’ailleurs appuyés. Le projet de loi 28 utilisait la disposition de dérogation de la Charte pour imposer un contrat aux membres du SCFP et considérer toute grève potentielle comme résolument illégale. Il imposait des amendes astronomiques de 4 000 $ par jour aux travailleurs en grève et de 500 000 $ par jour aux syndicats en grève.
Presque immédiatement, il était clair que le premier ministre de l’Ontario avait abusé de son pouvoir. Sa loi draconienne et son abus de la disposition de dérogation se sont retournés contre lui de façon spectaculaire. En s’attaquant aux piliers mêmes de notre système de libre négociation collective, Doug Ford a réussi à unifier le mouvement syndical dans son opposition à son gouvernement.
Les syndicats des secteurs public et privé de tout le Canada considéraient, à juste titre, le projet de loi 28 comme une menace existentielle pour tous les syndicats puisque la loi permettait au gouvernement d’abolir le droit de négocier et le droit de grève sans aucun recours en vertu de la Charte.
Les dons ont afflué de partout au pays, les lignes de piquetage du SCFP se sont intensifiées, et même la poignée de syndicats qui avait appuyé Doug Ford lors de l’élection provinciale de 2022 a exigé qu’il abroge la loi et négocie de bonne foi. Plus important encore, plus d’une douzaine de syndicats des secteurs public et privé ont commencé à s’organiser et à se mobiliser en faveur d’une grève générale.
Doug Ford s’est dégonflé. Il a vu les parents et d’autres syndicats se mobiliser pour soutenir les travailleurs de l’éducation du SCFP. Il a vu les résultats des sondages suggérant que le public blâmait son gouvernement pour le conflit. Il a vu un soutien public sans précédent en faveur d’une grève générale. Et il a reculé, acceptant d’abroger le projet de loi 28 et la disposition de dérogation si le SCFP acceptait de reprendre les négociations.
Après avoir confronté avec succès le premier ministre, le SCFP a levé ses piquets de grève et est retourné à la table de négociation pour conclure une entente. La victoire pour les travailleurs de l’éducation les moins bien payés de la province a été éclatante.
D’importantes leçons doivent être tirées de ce conflit.
- Plus que toute autre chose, cette victoire politique des travailleurs de l’éducation du SCFP devrait donner confiance aux associations de personnel académique et aux autres syndicats pour qu’ils se tiennent debout et ripostent lorsqu’ils sont confrontés à un employeur intransigeant.
- La syndicalisation fonctionne. Il est essentiel de pouvoir s’organiser et se mobiliser efficacement pour renforcer le pouvoir des membres dans les milieux de travail et le pouvoir politique.
- Il est plus important que jamais d’avoir des alliés au sein du mouvement syndical. Ces relations contribuent à réduire l’isolement et à lutter contre les stratégies consistant à diviser pour régner.
- Il est crucial de comprendre que les enjeux politiques sont indissociables des questions relatives aux milieux de travail.
Alors que les négociations collectives des gouvernements et des employeurs du secteur public deviennent plus agressives et que la qualité des services publics s’érode davantage, les associations de personnel académique auront à la fois le besoin et la responsabilité de se montrer à la hauteur pour relever avec succès ces nouveaux défis.
Larry Savage est professeur au département d’études du travail de l’Université Brock. Son enseignement et ses recherches portent principalement sur la négociation collective, la stratégie syndicale et les politiques du travail. Le professeur Savage est militant dans l’association du personnel académique de l’Université Brock où il a occupé divers postes.