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Énoncé de l’ACPPU sur la liberté académique en période de conflit

(Le 2 novembre 2023) La liberté académique, comme toutes les libertés d’expression, est particulièrement vulnérable en temps de guerre, de conflit et de troubles sociaux. Les congédiements massifs de professeurs controversés et les restrictions subséquentes imposées au discours académique pendant et après les deux guerres mondiales du siècle dernier nous rappellent que la limitation de l’expression académique pour des motifs politiques ne doit jamais être tolérée.

Aujourd’hui, la guerre entre Israël et le Hamas fait l’objet de débats de plus en plus intenses et acrimonieux. La nature de ces débats a suscité des questions quant au type d’expression protégée par la liberté académique, aux limites possibles et à ce que peuvent faire les établissements pour assurer le respect du droit à la liberté académique.

Les politiques de l’ACPPU stipulent que tout le personnel académique a le droit de participer au débat public, que ce soit ou non dans le cadre de leurs disciplines respectives. La protection juridique de leur expression extra-muros, incluant la capacité à adhérer à des points de vue extrêmement controversés et impopulaires, remplit une mission essentielle des universités et collèges. Comme le stipule l’Énoncé de principes de l’ACPPU sur la liberté académique : « [Les membres du personnel académique] ne doivent pas être retenus ni empêchés d'exercer leurs droits civils personnels, entre autres, le droit de contribuer au progrès social en exprimant librement leur opinion sur des questions d’intérêt public. Ils ne doivent pas non plus être frappés de sanctions de la part de leur établissement en conséquence de l'exercice de ces droits. »

La liberté académique a ses limites. Elle ne donne pas le droit d’enfreindre la loi, par exemple en diffamant quelqu’un, en exerçant du harcèlement ou de la discrimination, en enfreignant les lois sur le discours haineux ou en faisant fi des responsabilités et des devoirs professionnels. Elle ne constitue pas une défense contre la malhonnêteté académique ou le non-respect de normes éthiques et disciplinaires.

Toutefois, ces limites juridiques et professionnelles d’empêchent pas le débat vigoureux, les propos immodérés ou les critiques négatives acérées. Les membres du personnel académique n’ont pas à être aimables, gentils ou diplomates dans leur expression, tant qu’ils ne contreviennent pas à la loi ou à leurs obligations professionnelles.

La liberté académique ne confère pas l’immunité contre la critique. Le fait qu’un membre du personnel académique puisse faire l’objet de dures critiques ou de condamnation de la part de collègues, d’étudiants ou de membres du public n’est pas en soi une violation de la liberté académique. Au contraire, c’est cette liberté académique qui permet les discussions et les débats robustes, incluant les échanges souvent pointus et houleux.

Toutefois, si un universitaire est visé par un discours malveillant, diffamatoire, violent, menaçant ou harcelant, sa capacité à exercer sa liberté académique est compromise. Dans de tels cas, comme le précise l’Énoncé de principes de l’ACPPU sur le harcèlement en ligne ciblé du personnel académique, les administrations des collèges et des universités ont « l’obligation positive de protéger la liberté académique » et devraient prendre des mesures décisives pour défendre le personnel académique contre un tel harcèlement. Si les établissements ne défendent pas les universitaires contre le harcèlement illégal ou les véritables menaces, ils ne respectent pas leur obligation à défendre la liberté académique.

L’exercice de la liberté académique implique en outre que les établissements résistent aux pressions extérieures visant à censurer les membres de la communauté académique, y compris à toute tentative des gouvernements, des donateurs, des élus politiques ou groupes de pression de cibler des membres du personnel académique et des étudiants pour avoir exercé leur droit à la libre expression prévu dans la loi.

Ce sont des dossiers politiquement controversés impliquant des enseignants d’université et de collège qui ont en partie contribué à motiver la création de l’ACPPU en 1951. En effet, pendant la guerre froide, plusieurs universitaires ont été ciblés et congédiés non pas pour ce qu’ils enseignaient dans leurs salles de classe ou ce qu’ils publiaient dans des revues savantes, mais bien pour leurs opinions politiques et leur militantisme social.

L'histoire montre que c’est lorsque des menaces politiques à la liberté académique s’intensifient qu’il devient encore plus important pour le personnel académique de contribuer au débat public. Le rôle de l’ACPPU n’est pas de donner son point de vue sur les sujets débattus mais plutôt de veiller à ce que tous les membres du personnel académique au Canada puissent exercer leur droit à participer à des discussions controversées sans crainte de représailles ou de sanctions de la part de l’administration.