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Évaluations par les étudiants

Il apparaît de plus en plus clairement que les sondages d’opinion des étudiants sur l’enseignement non seulement ne permettent pas de mesurer l’efficacité de l’enseignement, mais sont aussi la source d’importants préjugés à l’égard des femmes, des membres de groupes racialisés et des membres du corps professoral qui enseignent dans une langue autre que leur langue maternelle41. En outre, ces sondages pourraient donner l’occasion aux étudiants d’adresser aux enseignants, de façon anonyme, des commentaires qui sont discriminatoires, relèvent du harcèlement ou sont par ailleurs déplacés. Selon l’ACPPU, « les sondages d’opinion des étudiants ne devraient pas être utilisés dans les procédures de carrière ni dans la prise des décisions concernant le personnel académique »42.

L’association du personnel académique de Ryerson (Ryerson Faculty Association (RFA)) est parvenue à éliminer l’utilisation des sondages d’opinion des étudiants comme outil de mesure de l’efficacité de l’enseignement dans l’importante décision arbitrale rendue en sa faveur en 201843. L’arbitre a conclu ce qui suit :

Selon les éléments de preuve, qui sont en grande partie incontestés et ont pris la forme de témoignages d’expert et de publications examinées par des pairs, de nombreux facteurs, en particulier des caractéristiques personnelles comme – et il ne s’agit que d’une liste partielle – la race, le genre, l’accent, l’âge et l’apparence physique, faussent les résultats de l’évaluation de l’enseignement par les étudiants (EEE). Il est presque impossible de neutraliser les effets des préjugés et des stéréotypes (…) Les résultats des EEE ont des limites démontrables qui soulèvent de réelles questions sur leur utilisation comme outil de mesure de l’efficacité de l’enseignement aux fins des décisions en matière de permanence et de promotion. La pratique consistant à réduire les résultats des sondages sur les cours des facultés à des moyennes, puis à faire des comparaisons de personne à personne et par rapport au département, à la faculté et à l’université, complique encore le tableau. Il existe des preuves claires, convaincantes et irréfutables voulant que les moyennes n’établissent rien de pertinent ou d’utile quant à l’efficacité de l’enseignement.

Par conséquent, l’arbitre a ordonné que la convention collective soit modifiée afin d’éliminer l’utilisation des résultats des sondages comme outil de mesure de l’efficacité de l’enseignement dans le processus menant à l’accession à la permanence et à une promotion, et d’éliminer complètement l’utilisation des moyennes numériques. Dans la foulée de la décision Ryerson, d’autres associations ont négocié des articles limitant l’utilisation des sondages d’opinion des étudiants. À l’Université Western, par exemple, l’association a négocié des critères d’évaluation du rendement qui considèrent les sondages [traduction] comme étant « des éléments d’information sur l’expérience des étudiants » à utiliser en combinaison avec des données de contextualisation, dont la taille de la classe et les taux de réponse, ainsi que les commentaires du membre. Les moyennes arithmétiques n’entrent pas en ligne de compte44.

S’il est vrai que les associations sont susceptibles d’être confrontées à une forte résistance de la part des employeurs si elles veulent négocier l’exclusion des sondages d’opinion des étudiants des processus d’évaluation, il existe des mesures intermédiaires qui pourraient être plus faciles à mettre en œuvre. Par exemple, un groupe de travail mixte de l’Université Ontario Tech (anciennement l’Institut universitaire de l’Université de l’Ontario) a formulé un ensemble de recommandations, notamment rejeter la totalité du sondage – et les résultats connexes – d’un étudiant qui a exprimé des commentaires déplacés45.

L’association du personnel académique de Mount Allison (Mount Allison Faculty Association (MAFA)) a négocié un libellé reconnaissant les limites des sondages auprès des étudiants :

B.02  Les parties reconnaissent que les résultats des sondages auprès des étudiants ne représentent qu’une source d’information sur l’opinion et le degré de satisfaction des étudiants à l’égard de l’enseignement dispensé par un employé. L’information provenant de tels sondages ne reflète que les points de vue des étudiants qui y répondent et ne constitue pas, en soi, une évaluation de la qualité de l’enseignement46 :

De la même manière, la section locale 3902 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP 3902) à l’Université de Toronto a négocié la création d’un groupe de travail chargé des problèmes d’équité découlant des évaluations par les étudiants, et elle s’est dotée d’une clause garantissant que ces évaluations ne seront pas le seul facteur déterminant du rendement :

Évaluations par les étudiants

18.04  Lorsqu’elles sont disponibles, les évaluations par les étudiants, qu’elles aient été réalisées par le département, par une organisation d’étudiants ou par tout autre moyen, ne seront pas admises comme seul facteur déterminant pour faire la preuve d’un rendement insatisfaisant dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou d’un arbitrage. Les départements peuvent se servir des évaluations des étudiants comme élément faisant partie de leur méthode d’évaluation du rendement au travail47.


Notes
41 Voir, par exemple, Anne Boring, Kellie Ottoboni et Philip B. Stark, « Student evaluations of teaching (mostly) do not measure teaching effectiveness », ScienceOpen Research, 7 janvier 2016.
42 Énoncé de principes de l’ACPPU sur l’utilisation des sondages d’opinion des étudiants, approuvé par le Conseil de l’ACPPU, novembre 2016.
43 Ryerson University v Ryerson Faculty Association, 2018 CanLII 58446 (ON LA), <http://canlii.ca/t/hsqkz>.
44 Convention collective entre l’Université Western et l’association du personnel académique de l’Université de Western Ontario (1er juillet 2018 – 30 juin 2022) [en anglais seulement].
45 Student Course Evaluation Working Group, Final Report. [http://www.uoitfa.ca/student-course-evaluation-working-group-final-report/] (Consulté le 28 février 2018).
46 Convention collective entre l’Université Mount Allison et l’association du personnel académique de l’Université Mount Allison – personnel académique permanent (1er juillet 2016 – 30 juin 2019) [en anglais seulement].
47 Convention collective entre le conseil des gouverneurs de l’Université de Toronto et la section locale 3902 – Unité 3 – du Syndicat canadien de la fonction publique (1er septembre 2017 – 31 août 2021) [en anglais seulement].


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