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Entrevue / Catherine Abreu

Entrevue / Catherine Abreu

Catherine Abreu est une militante primée, reconnue à l’échelle internationale, dont le travail est axé sur la création de coalitions puissantes pour faire avancer les efforts de transformation en matière de changement climatique. Jusqu’à récemment, elle était directrice générale du Climate Action Network — Réseau action climat (CAN-Rac) Canada, une coalition composée d’une centaine d’organisations, dont l’ACPPU. Elle est aujourd’hui directrice générale de l’organisation qu’elle a fondée, Destination Zero, une nouvelle initiative mondiale visant à intensifier la transition vers une société moins dépendante des combustibles fossiles.

Cet été, des incendies de forêt dévastateurs et des températures plus élevées que la normale ont frappé certaines régions du Canada. Est-ce le signal d’alarme dont nous avions besoin en tant que Canadiens?

Les changements climatiques se sont produits ici plus rapidement que dans d’autres parties du monde.

Le problème auquel nous sommes confrontés au Canada, ce n’est pas que les Canadiens ne savent pas que les changements climatiques existent; nous le savons. Ce n’est pas que nous refusons de croire que les changements climatiques sont réels, nous croyons en la science. Les personnes que nous devons conscientiser ce ne sont pas les Canadiens ordinaires, ce sont nos décideurs, à qui nous devons demander des comptes.

La science est claire en matière de changement climatique, alors pourquoi l’action politique est-elle si lente à suivre?

La pandémie de COVID-19 nous permet de tirer une leçon quant à la lenteur de l’action politique pour s’adapter à la crise climatique. Auparavant, nous aurions pu dire : « C’est normal que le gouvernement soit lent à réagir à l’urgence climatique : le processus d’adoption de politiques est trop bureaucratique et trop lourd pour pouvoir faire face à une telle crise. »

La COVID-19 nous a démontré qu’il n’en était rien. Nous avons vu nos gouvernements utiliser l’appareil politique pour s’adapter à la crise mondiale en un temps record, notamment en investissant des sommes considérables, sans précédent et inimaginables jusqu’alors, pour lutter contre ce virus mortel.

Il n’y a pas une industrie énorme et puissante qui s’est opposée à la lutte contre la COVID-19 comme c’est le cas dans la lutte contre les changements climatiques. L’industrie des combustibles fossiles mène depuis des décennies une campagne de désinformation bien financée sur les changements climatiques, et son influence est telle que l’inaction n’est pas nécessairement due à un lobbyiste du pétrole et du gaz qui demande à un élu de ne pas faire son travail. L’inaction viendrait plutôt du fait que le système gouvernemental est si étroitement lié aux intérêts de l’industrie pétrolière et gazière qu’il peut devenir difficile de séparer les deux et de prendre des mesures concrètes pour lutter contre la crise climatique.

Comment les associations de personnel académique peuvent-elles faire partie de la solution?

Les associations de personnel académique peuvent travailler avec leurs membres pour s’assurer que la question des changements climatiques est abordée dans chaque classe. Je lance un défi aux membres du personnel académique qui ne considèrent peut-être pas que leur discipline est directement liée aux changements climatiques, afin qu’ils réfléchissent à la manière dont leur département, leur matière et leurs étudiants font partie intégrante de la conversation. Il a en effet été maintes fois démontré que les gens sont plus susceptibles de changer d’opinion sur les changements climatiques lorsqu’ils en discutent avec des personnes en qui ils ont confiance et avec qui ils se sentent en communauté.

Les éducateurs et les chercheurs doivent également réfléchir aux conditions nécessaires pour assurer notre avenir climatique, puis déterminer comment transmettre ces compétences et ces qualifications professionnelles afin d’assurer une transition équitable vers un avenir sans énergies fossiles.

Qu’est-ce qu’une « transition équitable »?

Pendant longtemps, nous avons pensé que la politique climatique était synonyme de réduction progressive des émissions de gaz à effet de serre. S’assurer que les normes d’efficacité énergétique des nouveaux véhicules sont progressivement améliorées afin qu’ils consomment moins d’essence et rejettent moins d’émissions dans l’atmosphère est une façon très transactionnelle de comprendre et d’aborder la question.

Pourquoi ne pas réfléchir à la question suivante : « Comment pouvons-nous transformer les options de transport pour cette communauté, cette région, afin de s’assurer que les gens de toute catégorie démographique et de tout niveau social peuvent se rendre là où ils doivent aller de manière qu’ils prennent en charge leurs besoins quotidiens, ainsi que leur santé, tout en réduisant les émissions des moteurs à combustion interne? »

Ce n’est qu’en plaçant les gens au centre des politiques de lutte contre les changements climatiques que nous pourrons élaborer une politique durable que les gens accepteront parce qu’ils voient qu’elle améliore leur vie au quotidien. Voilà comment nous pourrons mettre en place les changements économiques et sociaux nécessaires pour lutter contre les changements climatiques de manière équitable, durable et permanente.

N’est-il pas déjà trop tard pour lutter contre les changements climatiques?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables et les scientifiques nous ont maintes fois répété que nous disposions de tous les éléments nécessaires pour réduire considérablement les émissions au cours de la prochaine décennie : la technologie des énergies renouvelables, des solutions réglementaires et politiques ainsi que des technologies de services à faibles émissions de carbone. Que nous puissions ou non résoudre complètement la crise climatique, nous n’avons pas d’autre choix que d’essayer.

Ce dont nous avons besoin pour concrétiser nos actions, c’est une volonté politique. Nous devons nous entraîner à avoir des conversations pointues avec les élus et à exiger que ceux-ci rendent des comptes. Nous devons tous nous sentir à l’aise d’en parler entre nous, en classe, en milieu de travail, et avec les personnes que nous élisons.

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