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Le casse-tête du retour sur le campus

Le casse-tête du retour sur le campus

[flickr.com / Booyabazooka, iStock.com / Drazen Zigic / momcilog / opolja]

Au début de l’été, dans un contexte d’augmentation des infections liées au variant Delta et de débats de plus en plus houleux sur les campus au sujet des politiques de vaccination obligatoire pour les étudiants qui retournent à l’université, les représentants du personnel académique des quatre universités de la région du Grand Toronto (RGT) ont élaboré une liste de vérification de santé et de sécurité en 16 points pour la réouverture des universités.

La coalition a demandé aux administrations des quatre établissements — l’Université de Toronto, l’Université York, l’Université Ryerson/X et l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario (Université de l’ÉADO) — de fournir « plus de détails et de transparence » dans leurs plans de réouverture. Terezia Zoric, qui dirige l’Association des professeurs de l’Université de Toronto et agit à titre de porte-parole de la coalition, a déclaré que cette demande était une réponse directe à l’annonce du gouvernement de l’Ontario autorisant les universités et les collèges à reprendre leurs activités sans garantir de protections adéquates.

« De nombreux membres du personnel enseignant craignent que la situation ne soit pas sécuritaire », a déclaré Min Sook Lee, présidente de l’Association des professeurs de l’Université de l’ÉADO, dans le cadre d’une entrevue à la mi-juillet. Elle a ajouté que les administrateurs doivent vraiment améliorer la manière dont ils communiquent leurs plans. « Les gens posent de véritables questions de base. »

Ces questions ont bien entendu été soulevées partout sur les campus au Canada, le personnel académique poussant les administrateurs à expliquer leurs plans de réouverture et à négocier des protocoles d’entente régissant toute une série de questions liées à la pandémie. La dynamique est à la fois complexe et en constante évolution, les décisions prises par les universités étant, dans certains cas, dictées par des politiques de santé publique qui changent rapidement. En Alberta, la décision prise par le gouvernement Kenney au milieu de l’été de lever les règles relatives au port du masque, aux tests et à l’isolement a « profondément inquiété » le personnel académique.

Avec le début de la session d’automne, les questions abondent toujours, tant sur le contenu des politiques que sur les processus qui les ont produites. « Depuis le début de la pandémie, nous avons lutté pour faire partie du processus qui mène aux décisions [de l’administration] », a déclaré Tara Perrot, présidente de l’Association du personnel enseignant de l’Université Dalhousie, qui a déposé des griefs pour avoir été exclue du processus décisionnel. Michael Arfken, qui dirige l’Association du personnel académique de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard (UPEI), a fait remarquer qu’une session d’automne ponctuée d’éclosions sur le campus sera très préjudiciable à la vie étudiante. Mais, a-t-il ajouté : « Nos conditions de travail sont les conditions d’apprentissage des étudiants. Les directives en matière de santé doivent s’inscrire dans le cadre de la convention collective, et non du modèle d’affaires de l’Université. »

Un campus vacciné

Dans un éditorial publié fin juillet, le Globe and Mail a félicité le Collège Seneca, en banlieue de Toronto, pour sa politique exigeant la vaccination de tous les étudiants et du personnel du campus. Au début du mois d’août, la Fédération des associations des professeurs du Manitoba a demandé au gouvernement provincial et aux administrations des universités de mettre en œuvre une politique de vaccination obligatoire pour les étudiants et le personnel de retour en présentiel à l’université. En quelques semaines, d’autres universités — l’Université d’Ottawa puis l’Université de Toronto — ont suivi avec leurs propres politiques, soit en exigeant des vaccins pour le personnel et les étudiants sur le campus et en résidence, soit en imposant des tests de COVID-19 réguliers pour ceux qui n’avaient pas été vaccinés.

Au début de l’été, l’opinion publique au sujet de la vaccination obligatoire chez les membres du personnel académique variait. Andrew Kirk, qui dirige l’Association des professeures et professeurs d’université de McGill, souligne que beaucoup de ses membres voulaient que tout le monde soit vacciné, tandis qu’à l’OCADU, certains membres de l’association des professeures et professeurs avaient des réserves quant à la vaccination obligatoire des membres du personnel et des étudiantes et étudiants. D’autres associations n’ont pas pris position tout de suite. Mais au début du semestre d’automne, la propagation du variant Delta a accru l’intérêt en faveur de la vaccination obligatoire. Le débat entre membres du corps professoral a aussi été dominé en grande partie par la vague de politiques de vacci­nation obligatoire adoptées par la plupart des gouvernements et des administrations universitaires.

Outre les questions juridiques et de protection de la vie privée entourant la vaccination obligatoire, certaines associations de personnel académique notent que les données démographiques du corps étudiant jouent également un rôle. Lee Easton, président de l’Association des professeurs de l’Université Mount Royal, en Alberta, a déclaré que les taux de vaccination dans les grandes villes de la province étaient assez élevés. Mais une grande partie des étudiants de l’Université Mount Royal viennent de zones rurales, où les taux de vacci­nation sont plus faibles, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes. « Les personnes les moins susceptibles d’être vaccinées sont celles qui se présenteront dans nos salles de classe. »

Enseignement hybride           

Dans l’ensemble du pays, les universités ne prévoient pas toutes de rouvrir au même rythme. Dans certaines provinces, comme l’Alberta et le Québec, les gouvernements ont entrepris au début de l’été des plans de réouverture complets, bien que Easton affirme que jusqu’à 30 % des cours à l’Université Mount Royal seront donnés à distance. À l’Université McGill, indique Kirk, les cours comptant moins de 30 étudiants seront offerts en présentiel et ceux comptant plus de 150 étudiants seront d’abord offerts en ligne seulement, et pourraient ensuite être offerts en présentiel, selon le déploiement de la vaccination. « C’est à la province de décider du seuil à atteindre », dit-il.

En Ontario, le ministère des Collèges et Universités a déclaré que les établissements devraient aspirer à revenir à l’enseignement en présentiel, mais qu’ils pouvaient adopter une approche flexible en fonction des circonstances. La coalition de la RGT est d’accord et « encourage les administrations à utiliser cette flexibilité et à agir en conséquence jusqu’à ce que la sécurité soit démontrée ».

Le point de discorde pour de nombreuses associations de personnel académique concerne les attentes des employeurs à l’égard des cours hybrides. Les membres du personnel académique affirment que les cours hybrides — dispensés à la fois en ligne et en présentiel — exigent essentiellement deux fois plus de travail, a déclaré Easton, dont l’association de personnel académique a refusé d’examiner les demandes relatives au mode hybride. Les enseignants peuvent individuellement offrir les deux s’ils le souhaitent.

D’autres soulignent certaines préoccupations concernant le modèle hybride, à savoir l’utilisation de la technologie d’enregistrement des cours en direct en classe, et les questions connexes concernant la surveillance, la vie privée et la liberté académique. « Certains membres du personnel académique ne veulent pas de caméras en classe », a déclaré Arfken, de l’Association du personnel académique de l’UPEI, soulignant que les décisions relatives à l’utilisation de ces appareils ont souvent été imposées sans avertissement ni consultation.

Installations physiques

Au fur et à mesure que les chercheurs en apprenaient davantage sur la nature du virus de la COVID-19, un consensus scienti­fique s’est développé autour du risque de transmission par aérosol dans les lieux où se rassemblent un grand nombre de personnes.

Par conséquent, dans de nombreux bâtiments du campus dotés d’amphithéâtres exigus et d’espaces communs bondés, la ventilation est devenue un sujet épineux dans les négocia­tions de retour sur le campus entre les associations de personnel académique et les administrateurs qui ont eu lieu ces derniers mois. « L’Université de l’ÉADO possède des salles de classe assez anciennes, a observé Lee. Il est très clair, lorsque vous travaillez dans ces locaux ou ces salles de classe, que les systèmes de ventilation sont vieux. » La liste de vérification de la coalition de la RGT, qui s’inspire largement de la contribution de Jeffrey Siegel, expert en qualité de l’air de l’Université de Toronto, comprend des recommandations détaillées sur les systèmes CVC, les dispositifs de filtration et la mesure de la pression de l’air autour des bouches d’aération ou des conduits.

Les membres de l’exécutif de l’Association des professeurs ont fait pression sur les administrateurs de l’Université pour qu’ils fournissent des informations à jour sur l’entretien des systèmes de ventilation et sur des mesures autrefois obscures, comme le « taux de renouvellement de l’air », une mesure de la fréquence à laquelle l’air d’une pièce est entièrement remplacé. Au début de la pandémie, a déclaré Arfken, l’UPEI a attribué des scores d’occupation à chaque espace du campus, en fonction des exigences de distanciation sociale compte tenu de l’espace de la pièce. À l’approche de l’automne, a-t-il ajouté, « il n’est pas certain que [l’Université] respectera ces chiffres ». Dans d’autres cas, les associations de personnel académique n’ont même pas pu obtenir des informations de base sur les normes de ventilation des salles de classe. « Nous nous sommes fait rouler dans la farine, affirme Perrot de l’Université Dalhousie. Tout ce que nous voulions, c’était les données. »

Le facteur X dans la discussion sur la ventilation concerne l’évolution des politiques provinciales sur les exigences de distanciation sociale et de port du masque. Au Québec, a observé M. Kirk, les autorités provinciales ont lié les seuils de taux de vaccination aux règles de distanciation sociale, les exigences de distanciation étant éliminées lorsque 75 % de la population est doublement vaccinée.

Propriété intellectuelle

Au début de la pandémie, après que les cours eurent brusquement passés à l’enseignement à distance, de nombreuses institutions et associations de personnel académique ont négocié des protocoles d’entente sur ce qu’il advient du matériel pé­­dagogique téléchargé, des cours en ligne et des garanties pour le personnel enseignant, y compris les professeurs à temps partiel ou les chargés de cours, que leur propriété intellectuelle sera protégée. Traditionnellement, les cours magistraux, les devoirs et les supports de cours spécialement conçus sont considérés comme la propriété intellectuelle de l’enseignant, tandis que les plans et les descriptions de cours/programmes appartiennent à l’université. Avec les cours magistraux en ligne, les associations de personnel académique ont soulevé des questions sur ce qu’il advient du matériel didactique téléchargé, et sur les garanties pour le personnel enseignant, y compris les professeurs à temps partiel ou les chargés de cours, que leur propriété intellectuelle sera protégée.

À l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, a déclaré Arfken, la convention collective comporte une clause « assez ferme » au sujet de la propriété intellectuelle, mais un récent sondage auprès des membres de l’association a révélé que bon nombre d’entre eux estiment avoir besoin de plus de ressources, de formation et de soutien pour dispenser correctement l’enseignement en ligne cet automne. Easton de l’Université Mount Royal fait écho à ce sentiment. « Je ne vois pas cela comme un point litigieux. » Cela s’explique en partie par le fait que son université est restée attachée à l’idée de l’enseignement en présentiel plutôt que de passer à la prestation d’une plus grande partie de ses cours uniquement en ligne. L’Université McGill a une vision similaire, souligne Kirk, et les étudiants sont informés qu’ils ne doivent pas copier ou faire circuler le matériel pédagogique. Mais il y a une mise en garde : « Dans la pratique, l’Université fait-elle réellement respecter cette consigne? »

Les conditions de la pandémie étant en constante évolution, un sujet ressort clairement : l’importance cruciale d’une communication et d’une ouverture accrues de la part des administrations, et la nécessité d’un processus décisionnel collaboratif via des comités mixtes de santé et de sécurité, impliquant non seulement les associations de personnel académique, mais aussi les autres syndicats du personnel et les groupes d’étudiants. Exclure les voix du personnel aca­démique, comme cela s’est produit dans plusieurs institutions, constitue tout simplement une mauvaise approche. « Nous sommes en première ligne, a ajouté Perrot. C’est nous qui sommes sur le terrain. Nous devons être inclus dans les prises de décision des universités. »

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