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Impact du coronavirus sur les campus

Impact du coronavirus sur les campus

[iStock.com / DGLimages]

Comme la plupart des rues de nos villes les campus des universités et collèges du pays sont désertés depuis des semaines. Le personnel et les étudiants ont dû s’adapter rapidement à l’enseignement à distance mis en place de toute urgence, ce qui a créé beaucoup de frustration et d’anxiété. La fin de la pandémie de COVID-19 n’étant pas pour demain, le gouvernement, les administrations, le personnel et les étudiants se demandent ce que leur réserve l’avenir.

De nombreux établissements prévoient une chute des inscriptions, surtout celles des étudiants internationaux. L’an dernier, le Canada a accueilli près de 300 000 étudiants internationaux, soit environ 20 % des effectifs étudiants de 25 établissements et de 10 à 20 % de ceux de 90 autres collèges et universités du pays. Selon Statistique Canada, les étudiants internationaux ont versé 15,5 milliards de dollars en droits de scolarité en 2016.

« Si les frontières demeurent fermées, seuls les étudiants internationaux déjà au pays et ceux qui n’ont pas pu retourner chez eux durant la pandémie pourront s’inscrire, indique l’analyste du secteur Ken Steele. Si la distanciation physique reste en place, les inscriptions d’étudiants internationaux se limiteront aux programmes en ligne. »

Par ailleurs, que se passera-t-il avec les inscriptions tout aussi essentielles des étudiants canadiens? Impossible de le savoir.

« C’est une question déterminante, les droits de scolarité représentant plus de la moitié des revenus de la plupart des établissements. Toute diminution aura des conséquences sur les budgets », signale la professeure Stephanie Ross, directrice de l’École des études du syndicalisme à l’Université McMaster.

« Qui paiera la facture? Nos collègues chargés de cours sont sur la ligne de front et pourraient perdre beaucoup de travail. Pour la première fois depuis longtemps, de nombreuses associations de personnel académique devront relire et dépoussiérer les articles de leur convention collective sur les mises à pied. »

Il est déjà question de réduire les contrats temporaires, à temps partiel et à durée limitée à l’Université Laurentienne de Sudbury, où les administrateurs anticipent un manque à gagner de 15 millions de dollars pour l’exercice financier 2020-2021, s’ajoutant à une insuffisance budgétaire de 9 millions. Pour le recteur de l’université Robert Haché, cette situation est « un point de bascule qui menace la viabilité financière de l’établissement ». L’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) a exigé un portrait plus clair de la situation financière de l’établissement.

Selon le président de l’APPUL, Fabrice Colin, l’impact de cette situation sur les programmes et les étudiants préoccupe évidemment le personnel académique qui a demandé des données précises, à savoir « des chiffres et renseignements à jour et fiables » — en lieu et place de projections ou d’hypothèses. « Nous leur demandons de la transparence relativement à la situation financière et aux répercussions de la COVID, dit-il. La prise de décisions doit se faire en consultation avec toutes les parties touchées, y compris les membres du personnel académique. »

La négociatrice en chef de l’association du personnel académique du Collège universitaire King’s, Stephanie Bangarth, dit que son établissement anticipe aussi une « situation très critique » relativement aux finances et aux inscriptions. « L’administration demande à tous les départements d’établir des scénarios impliquant des coupes de 15 % et de 25 %, qui auront inévitablement un impact sur les programmes et l’intégrité universitaire, ainsi que sur les nouvelles embauches, dont une grande partie a été annulée », indique-t-elle.

De nombreux collèges et universités du pays échafaudent actuellement des scénarios du même ordre, alors qu’au Manitoba, le gouvernement conservateur du premier ministre Brian Pallister a demandé aux établissements de bâtir des scénarios à partir de coupes de 10 à 30 %. En plus des pressions découlant de la pandémie, l’insistance du gouvernement à réduire les salaires et à supprimer des postes dans l’ensemble de la fonction publique, y compris dans le secteur de l’éducation postsecondaire, crée beaucoup d’incertitude et d’inquiétude.

« La situation est extrêmement difficile, souligne la présidente de l’Association des professeures et professeurs de l’Université du Manitoba, Janet Morrill. Le personnel académique a travaillé très fort pour mettre en place l’enseignement en ligne afin d’aider les étudiants à terminer leur session. Nous avons une forte demande au niveau des inscriptions à laquelle il sera impossible de répondre s’il y a des coupes. »

Selon le directeur général de l’ACPPU, David Robinson, les répercussions de la COVID-19 ont mis en lumière des problèmes qui existent depuis longtemps au sein des universités et collèges.

« La pandémie a fait ressortir très clairement la non-viabilité du financement actuel de l’éducation postsecondaire au Canada, croit-il. Des décennies de sous-financement public et une dépendance croissante à l’égard des frais de scolarité ont rendu nos établissements extrêmement vulnérables. »

M. Robinson souligne que l’ACPPU milite depuis des années auprès des gouvernements pour une augmentation du financement du secteur et l’élimination des droits de scolarité. La pandémie jette un éclairage plus vif que jamais sur les failles que le manque de soutien a creusées au sein du système d’éducation postsecondaire au Canada.

Dans une lettre adressée au premier ministre Justin Trudeau, David Robinson et la présidente de l’ACPPU Brenda Austin-Smith demandent au gouvernement fédéral de travailler avec les provinces, les universités et les collèges pour faire en sorte que tous les travailleurs qualifiés puissent recevoir l’éducation et la formation dont ils ont besoin sans s’endetter davantage; et d’augmenter les transferts fédéraux aux provinces pour l’éducation postsecondaire, avec la conclusion d’ententes sur des priorités communes pour améliorer l’abordabilité, l’accessibilité et la qualité.

« Un programme d’aide financière en matière d’éducation similaire à celui offert aux anciens combattants après la Seconde Guerre mondiale, par exemple, pourrait fournir aux gens qui souhaitent poursuivre leurs études ou acquérir de nouvelles compétences le soutien nécessaire pour le faire sans s’endetter. Cette aide financière fédérale, à l’image de celle offerte après la guerre, pourrait comprendre à la fois une aide directe aux étudiants sous forme de bourses, ainsi que des subventions aux universités et collèges pour couvrir les coûts des dispenses de frais de scolarité. Des subventions versées directement aux établissements pourraient également compenser les éventuelles pertes de revenus liées à la diminution du nombre des étudiants internationaux », écrivent Brenda Austin-Smith et David Robinson.

Plus d’un million de Canadiens ont servi dans les Forces armées durant la Seconde Guerre mondiale. Selon les archives d’Anciens combattants Canada, l’emploi des soldats qui allaient au front était protégé par la loi. Or, un grand nombre d’entre eux n’avait pas d’emploi, car les taux de chômage étaient élevés depuis la Grande Dépression, tandis que d’autres ont retrouvé des emplois qui n’étaient désormais plus adéquats pour eux. Cette situation a forcé le gouvernement à créer des programmes de soutien.

L’un de ces programmes a permis à quelque 33 000 anciens combattants d’acheter des terres pour démarrer une exploitation agricole. La Loi sur la réadaptation des anciens combattants a donné à 54 000 autres anciens combattants les moyens d’aller à l’université, alors que les établissements leur offraient des programmes accélérés pour qu’ils puissent recevoir rapidement leur diplôme. Le gouvernement a aussi créé le programme d’allocation aux anciens combattants pour fournir une aide financière à ceux qui peinaient à trouver un emploi.

Des programmes de soutien semblables seront nécessaires pour aider les personnes qui ont perdu leur travail en raison de la COVID-19. « Pour minimiser les contrecoups de la pandémie, le Canada doit stimuler sa capacité de recherche », dit la présidente de l’association du personnel académique de l’Université Dalhousie, Julia Wright. Selon elle, le gouvernement fédéral pourrait le faire en appliquant l’ensemble des recommandations du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale (rapport Naylor) et en investissant dans le Programme des chaires de recherche du Canada de sorte que les universités et collèges puissent embaucher du personnel académique contractuel.

Depuis la publication du rapport Naylor en 2017, le gouvernement fédéral a réinvesti dans la science fondamentale et consacre un budget annuel de 300 millions de dollars à des projets dirigés par des chercheurs. Or, selon David Naylor et son comité d’experts, un réinvestissement de 485 millions par année est nécessaire pour combler l’écart.

Stephanie Ross exhorte les associations de personnel académique à l’action politique, en concertation avec des alliés hors campus. « Maintenant plus que jamais, nous devons militer pour une amélioration des services. Les investissements dans le secteur de l’éducation postsecondaire, tout comme dans celui de la santé, sont nettement insuffisants et expliquent en grande partie les difficultés à combattre la pandémie que nous éprouvons à l’heure actuelle, ajoute-t-elle. Nous devons lutter ensemble pour les emplois et services publics. »

Un mouvement commence à prendre forme. En Alberta, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, des associations de personnel académique unissent leurs efforts au sein de coalitions pour faire connaître leurs positions et leurs demandes dans les hautes sphères politiques.

« La présente est adressée au nom d’une nouvelle alliance des syndicats du secteur de l’enseignement supérieur en Nouvelle-Écosse formée après la déclaration de pandémie de COVID-19. Ensemble, nous représentons des employés des collèges et universités de toutes les régions de la province, y compris les membres du personnel académique, ainsi que des étudiants — tous essentiels pour le bon fonctionnement de l’enseignement supérieur dans la province, ont écrit Julia Wright et plus d’une dizaine d’autres représentants syndicaux dans une lettre ouverte envoyée aux dirigeants provinciaux en avril. La pandémie de COVID-19 a fait ressortir le besoin urgent de renforcer l’infrastructure et les services publics pour relever les défis actuels en matière de santé et soutenir la relance sociale et économique à venir. »

M. Robinson prévient que l’économie canadienne devra compter sur des investissements fédéraux dans les services et institutions publics comme principaux « moteurs » de la croissance afin de stimuler la reprise et répondre aux priorités des citoyens — la santé et l’éducation, de bons emplois et une qualité de vie décente.

« Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership pour assurer un financement stable de l’éducation postsecondaire, insiste-t-il. Les universités et collèges font partie intégrante de la solution aux défis actuels et futurs du Canada. Le moment est propice pour que le gouvernement s’engage à apporter les changements nécessaires afin d’améliorer l’abordabilité et de garantir la pérennité de l’éducation postsecondaire dans le cadre d’un plan de relance qui permettra de bâtir un Canada plus fort et plus juste pour l’après-COVID. »

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