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Entretien / Donna Strickland

Entretien / Donna Strickland

University of Waterloo

Donna Strickland enseigne la physique à l’Université de Waterloo, où son équipe de recherche sur les lasers ultrarapides met au point des lasers à haute intensité pour les investigations dans le domaine de l’optique non linéaire. En décembre der­nier, son ancien collègue Gérard Mourou et elle ont reçu conjointement le prix Nobel de physique pour l’invention de la technique d’amplification d’impulsions par dérive de fréquence, décrite sur le site officiel des prix Nobel comme la méthode permettant de générer des impulsions optiques ultracourtes et de très grande puissance.

En 1985, Donna Strickland est doctorante à l’Université de Rochester. Gérard Mourou et elle publient alors un article sur les travaux qui ont été récompensés par le prix Nobel et qui ont ouvert la voie à la génération d’impulsions laser d’une intensité inégalée. Ces impulsions ont de multiples applications, allant de la découpe des volets cornéens dans la chi­rurgie oculaire au laser à la taille de petites particules de verre utilisées en téléphonie cellulaire.

Strickland se rappelle très bien les défis rencontrés. « Nous voulions une impulsion la plus longue possible pour pouvoir l’amplifier. Une nanoseconde aurait été l’idéal, et si nous avions utilisé une fibre, il nous en aurait fallu une de trois à quatre kilomètres de longueur. Nous n’en avions pas. À court d’argent pour ce projet, Gérard a supplié Corning de nous faire un don, et l’entreprise nous a fourni une fibre de 2,5 kilomètres. »

Mais le câble s’est rompu alors que la physicienne le déroulait. La plus longue section mesurait seulement 1,4 kilomètre, mais elle s’est révélée suffisante pour ob­tenir les résultats recherchés.

Après l’annonce de son prix en octobre dernier, Donna Strickland a été prise dans un tourbillon d’activités. Elle a participé à une multitude d’événements pendant toute la semaine qui a précédé la remise de la médaille et du certificat du prix Nobel le 10 décembre, été inondée de demandes d’entrevue par les médias et promue professeur titulaire à son université.

« Ça a été une semaine fantastique. D’abord, nous nous sommes rendus au musée Nobel où l’on nous a expliqué le programme de la semaine. Gérard et moi avons apposé notre signature sur la chaise qu’avait signée Alice Munro, l’écrivaine canadienne de nouvelles ayant remporté le Nobel de littérature en 2013. Qui­con­que mange au restaurant du musée Nobel peut retourner une chaise et voir les signatures des lauréats. »

« J’ai ensuite prononcé mon discours, une étape obligatoire pour recevoir le prix conformément aux derniers vœux d’Alfred Nobel. Ce discours est prononcé devant le grand public, de sorte qu’il faut être capable de vulgariser sa découverte », précise Donna Strickland.

De cette expérience, elle garde le sou-venir d’une grande joie mêlée d’une grande nervosité et de l’impression favorable qu’ont faite sur elle les membres de la famille royale de la Suède présents à certains événements tout au long de la semaine, y compris la cérémonie à laquelle les lauréats ont rencontré le roi Charles XVI Gustave.

« Le dixième jour était le grand jour. À 10 h 30, nous nous sommes exercés à recevoir le prix des mains du roi, évidemment remplacé pour l’occasion, puis à nous incliner trois fois, devant notre colauréat, l’Académie suédoise et le public, se rappelle-t-elle. Pendant la cérémonie, le roi a très bien joué son rôle. En raison du poids de la médaille et du certificat illustré, il faut les tenir à quatre mains au moment de la remise. Le roi glisse la médaille et la boîte sous votre pouce et s’assure que vous les tenez solidement, et nous nous serrons ensuite la main au-dessus du prix. »

Toutefois, pendant son séjour en Europe, et malgré l’attention médiatique intense dont elle a été l’objet immédiatement après l’annonce de sa récompense, Strickland s’est rendu compte que les médias n’avaient pas la même attitude envers les lauréats nord-américains et ceux d’autres régions du monde.

Elle a tout de suite remarqué que les événements entourant le prix étaient télévisés dans de nombreux pays, dont la Suède, mais pas en Amérique du Nord.

Strickland a vu des nuées de journalistes suivre Tasuku Honjo, le chercheur japonais qui a remporté le prix Nobel de phy­siologie ou de médecine conjointement avec l’Américain James Allison, pour leur découverte d’un traitement du cancer par l’inhibition de la régulation immunitaire négative.

« Il était continuellement talonné par les journalistes, dit Strickland. Tous les Japonais le connaissent, il est une grande vedette là-bas. »

À l’inverse, James Allison et elle pouvaient circuler plutôt librement, le gros des médias nord-américains boudant l’événement. Strickland se dit préoccupée par la perception manifestement différente de la science qu’ont les Nord-Américains par rapport aux autres cultures, particulièrement la culture asiatique. Elle s’inquiète du fait que le désintérêt relatif face à la science contribue à la méconnaissance de son importance au sein du public.

« En Asie, la science est importante. Elle est vénérée et son financement et la sensibilisation de la population sont prioritaires. Je crains qu’à défaut de mettre plus l’accent sur la science en Amérique du Nord, nous soyons de plus en plus devancés par des pays comme la Chine. »

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