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Le mot du président / De le sagesse de viser l’excellence

Le mot du président / De le sagesse de viser l’excellence

Par James Compton

Excellence. L’univers académique n’a que ce mot (ou presque) à la bouche. Pas un recteur qui ne prétende que ses professeurs et chercheurs carburent à l’excellence. Et pourquoi pas? Les universités canadiennes comptent des érudits de qualité dans toutes les disciplines. Du reste, les recteurs ont la responsabilité de promouvoir leur établissement. Il est triste de constater cependant, que « l’excellence de l’enseignement » est devenue une valeur dans les stratégies de marque des administrations universitaires dans ce concours de séduction des étudiants, vus comme des consommateurs.

On ne peut trouver d’exemple plus parfait de ce phénomène que les sondages d’opinion auprès des étudiants, souvent appelés  évaluations de l’enseignement par les étudiants (EEE). Ces sondages anonymes, menés vers la fin de tous les cours à l’université, servent à mesurer — notamment — l’enseignement dispensé par le professeur et la présentation du cours. Seulement, il y a un hic : les EEE ne mesurent pas l’efficacité de l’enseignement. Un nombre croissant de recherches évaluées par les pairs, dont les auteurs mettaient en question l’emploi de ces outils dans les processus de recrutement, de promotion et de titularisation, l’ont démontré.

« Les EEE semblent avoir une solide base scientifique : la corrélation objective de données numériques », a écrit l’arbitre William Kaplan dans sa récente décision dans le différend opposant l’Université Ryerson et son association de personnel académique. « Mais un examen plus approfondi révèle les limites inhérentes importantes des EEE […] Les preuves d’experts […] établissent de façon convaincante que les EEE ne peuvent évaluer les aspects les plus importants de la prestation de l’enseignement et de son efficacité. Pour évaluer l’efficacité de l’enseignement — particulièrement dans le contexte de la titularisation et de la promotion, les EEE sont, au mieux, des outils imparfaits et, au pire, des outils franchement biaisés et nullement fiables. »

Les EEE permettraient toutefois, selon une étude publiée dernièrement par Anne Boring, Kellie Ottoboni et Philip B. Stark, de mesurer les préjugés sexistes des étudiants. « Les EEE sont plus corrélées avec la perception du sexe de l’enseignant et les notes escomptées par les étudiants qu’avec l’enseignement et l’étude d’examens finaux uniformes et notés de manière anonyme le mesure bien. »

Si les preuves de la non-pertinence des EEE pour évaluer l’efficacité de I’enseignement sont si accablantes, pourquoi persister à les utiliser? À cette question, l’Université de la Californie du Sud a répondu en les éliminant du processus de titularisation et de promotion. Après s’être bien documentée, elle a plutôt mis en place un modèle d’évaluation par les pairs. Elle continue de solliciter les opinions des étudiants, mais n’en tient pas compte dans les cas de titularisation et de promotion.

L’Université de l’Oregon a eu la même idée le printemps dernier. « Ces évaluations n’ont rien à voir avec la quantité de con-naissances acquises en classe », a déclaré le vice-recteur du sénat, Bill Harbaugh. Interviewé par le Daily Emerald, le journal étudiant de l’Université, il a poursuivi : « C’est vraiment un problème parce que notre objectif, en tant qu’université, c’est d’offrir un meilleur enseignement. » Saluons ces décisions fondées sur des données probantes. Une attention sincère à la qualité de l’apprentissage des étudiants mène à l’excellence de l’enseignement, non une obsession de leur satisfaction en tant que consommateurs.

Quel est le sens de l’excellence dans l’éducation postsecondaire? Ce terme très générique peut être employé à tort et à travers. Peter Starr, doyen du Collège des arts et des sciences à l’Université américaine, parle d’« humilité cognitive ». Il recommande aux enseignants de développer le potentiel de sagesse des étudiants. « Dans toutes ses manifestations, la sagesse n’est pas tant une fin qu’une démarche — pas un ensemble de connaissances, mais une méthode d’apprentissage; pas un corpus déterminé de réponses morales et éthiques, mais un engagement profond (et toujours renouvelé) à l’égard du questionnement éthique. »

Ce sens de l’excellence me convient parfaitement : un apprentissage impossible à mesurer et à quantifier, mais qui permet aux étudiants et à la société de faire face aux complexités sociales, culturelles et politi­ques d’aujourd’hui.

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