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Entretien / Karen Foster

Entretien / Karen Foster

Nick Pearce / Dalhousie University

Karen Foster est professeure agrégée de socio­logie à l’Université Dalhousie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’avenir durable des régions rurales du Canada atlantique. Elle coauteure du rapport De l’ombre à la lumière : les expériences du personnel aca­démique contractuel qui fait état des ré­sultats d’une enquête nationale menée en partenariat avec l’ACPPU.

Plus de la moitié des membres du personnel académique contractuel (PAC) ayant répondu au sondage a indiqué vouloir être nommé à un poste menant à la permanence, à temps plein et stable. Seulement le quart ne veut pas de ces nominations et l’autre quart est incertain. Qu’est-ce que cela nous apprend sur le PAC?

Le PAC n’est pas un groupe uniforme. Certaines personnes choisissent d’enseigner pour se procurer un revenu d’appoint et peut-être transmettre une passion. Elles apprécient la flexibilité des postes contractuels. C’est loin d’être le cas des enseignants qui doivent cumuler les emplois pour boucler leur budget. La situation la plus troublante est celle des membres du PAC qui enseignent depuis plus de dix ans et qui ne sont toujours pas nommés à des postes menant à la permanence, alors qu’ils voyaient l’enseignement contractuel comme le point de départ d’une carrière universitaire. C’est ce qu’on laisse croire aux gens pour qu’ils acceptent cette façon de faire, mais ce n’est pas acceptable. C’est pratiquement signer l’arrêt de mort d’une carrière.

Que disent les membres du PAC qui n’ont pas eu accès à des postes menant à la permanence?

C’est comme s’ils étaient astreints à une corvée interminable. Certaines personnes relatent qu’ils ont été chargés de cours toute leur vie. Il y a lieu de créer des postes contractuels pour combler des besoins à court terme ou pour permettre à un département de donner des cours à l’essai afin de déterminer s’il doit élargir son offre, etc. Mais quand on confie à des contractuels des charges d’enseignement comptant souvent plus de cours qu’un professeur régulier ne voudrait don­ner et qu’on le fait année après année, on ne parle plus de postes marquant la première étape d’une carrière ou com­blant des besoins temporaires. On parle de moyens d’obtenir un maximum de services d’une personne au moindre coût, généralement à des conditions qui plongent la personne dans la précarité.

Quels sont les effets de cette instabilité professionnelle sur la santé mentale des personnes qui y font face?

Les effets de l’insécurité d’emploi sont beaucoup plus importants qu’on ne peut l’imaginer quand on n’y est pas confronté. Quand il est question d’améliorer les conditions de travail, on songe sur-tout aux salaires et avantages sociaux, mais ce sondage et un autre que j’ai mené en Nouvelle-Écosse révèlent que la stabilité du revenu et de l’emploi au fil du temps revêt plus d’importance pour les gens. L’impossibilité de faire des plans à long terme a un effet débilitant : on se sent isolé, responsable de la situation, incapable de subvenir aux besoins de sa famille.

Y a-t-il une solution qui peut servir à la fois les intérêts des universités et ceux des membres du PAC qui ne sont pas heureux de la « flexibilité » de leur situation?

La solution n’est pas nécessairement évidente, car on ne peut pas simplement éliminer tous les postes d’enseignants contractuels. Il y a parfois des besoins ponctuels à combler et les doctorants et autres professionnels peuvent très bien donner des cours. Cependant, il y a injustice quand on exploite la volonté des gens de faire carrière à l’université en les confinant à des postes contractuels. Au bout du compte, ils se retrouveront en quelque sorte sur une voie de garage sans avoir progressé dans leur carrière, tandis que l’université économisait des sommes importantes. Voilà le cœur de la question : on peut bien sûr revendiquer de meilleurs salaires et avantages sociaux, mais il faut aussi veiller à l’avancement professionnel. À court terme, la solution pourrait être d’offrir des contrats de plus longue durée qui donner­aient accès, au bout d’un certain nombre d’années, à des postes à temps plein et permanents. Il doit y avoir possibilité de cheminement de carrière, sinon les gens perdent espoir.

Y a-t-il des mises en garde à faire quant aux résultats du sondage?

Il s’agit de la toute première enquête auprès du PAC. S’il n’y en a pas eu antérieurement, c’est, je crois, en raison de la quasi-impossibilité d’établir un échantillon totalement représentatif. Notre méthodologie n’est donc pas parfaite. Nous aurions des données scientifiques fiables si les universités rendaient l’information dont elles disposent publique : profil des personnes embauchées, nombre de membres du PAC dans chaque département, taux horaire et évolution au fil du temps. Mais nous n’avons pas cette information et ce n’est pas nécessairement l’in­for­mation dont nous avons besoin à l’heure actuelle.

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