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Entretien / Frances Henry

Entretien / Frances Henry

Frances Henry, professeure émérite à l’Université York, est pionnière et chef de file en étude et recherche sur le racisme et l’anti­racisme. Une équipe de collègues en sciences sociales et elle ont récemment mené une étude sur le racisme dans leur milieu de travail et rédigé conjointement The Equity Myth: Racialization and Indigeneity at Canadian Universities.

Qu’est-ce qui vous a menée vers cette carrière?

Mon parcours et mes expériences personnels m’ont amenée non seulement à vou­loir combattre les inégalités, mais aussi à les étudier, parce qu’il y avait très peu de recherche sur le racisme. Quand j’ai commencé à me pencher sur le déséquilibre racial au Canada, je me suis rendu compte qu’à de rares exceptions près il n’y avait ni écrit ni étude sur le sujet. C’est ce qui m’a motivée à agir et, malheureusement, ce qui me motive encore.

Pourquoi dites-vous « malheureusement »?

Il y a eu très peu d’amélioration pour la majorité des personnes qui sont désignées — à tort, selon moi — comme différentes en raison de certains de leurs traits physiques, de leur orientation sexuelle ou de leur sexe. C’est un enjeu encore très présent. J’ai récemment exploré le phénomène dans le contexte de l’université où j’ai passé la totalité de ma vie professionnelle. Au dé­but de ma carrière, j’avais si peu de collègues d’origines ethniques différentes, encore moins de soi-disant races différ­entes, que je pouvais les compter sur les doigts d’une main. Il y a là ample matière à réflexion. Or, la situation n’a pas chan-gé. Notre ouvrage, The Equity Myth, foisonne d’exemples montrant qu’il y a fondamentalement absence d’équité au sein du milieu universitaire, mais aussi que des inégalités tangibles persistent entre diffé­rentes catégories de personnes.

Pourquoi le changement ne s’opère-t-il pas ou s’opère-t-il si lentement?

C’est un cliché, comme j’aime à dire, mais le changement social, culturel et institutionnel s’opère à un rythme extrêmement lent, à pas de tortue. Nous avons fait des pas, et en faisons encore présentement, mais pour transformer une institution comme une université, nous sommes encore loin du compte.

Quels sont les problèmes que vous révélez dans The Equity Myth?

Nous avons étudié de nombreux pans de la vie universitaire des membres du corps professoral et observé des écarts de revenu entre les membres blancs et racialisés, ainsi que dans le traitement réservé aux deux groupes relativement à la permanence et à l’avancement. Les changements qui ont eu lieu sont purement symboliques, dans la mesure où ils n’ont donné lieu à aucune avancée im­portante vers de meilleures conditions de travail. En examinant des structures comme les bureaux de l’équité, nous avons constaté qu’elles revêtaient peu d’importance au sein des structures administratives et se situaient au bas de l’échelle des priorités. La plupart du temps, les personnes embauchées aux postes d’agent d’équité sont elles-mêmes racia­lisées. Quand elles essaient de faire bouger le système afin de créer de meilleures conditions, elles se heurtent à un mur. Les pouvoirs que possèdent le bureau de l’équité et son personnel au sein de la hiérarchie universitaire sont insuffisants pour créer des conditions équitables pour de larges pans du corps professoral.

Quelles sont les mesures nécessaires pour faire bouger les choses?

Les universités ont toutes d’admirables énoncés de mission, mais au-delà des mots, les actions concrètes se sont jus-qu’ici faites rares. Toutefois, les choses commencent à bouger, les universités formulant de plus solides politiques stra­té­giques afin de favoriser l’équité. Ces der­nières années, j’ai constaté que les ad-ministrations universitaires étaient plus conscientes qu’elles devaient se pencher sur les questions d’équité et les méthodes pour améliorer ou transformer certains des éléments fondamentaux qui, selon nombre d’entre nous, ne devraient pas bouger. Parmi ces éléments, on compte l’octroi de la permanence, une étape automatique à franchir pour les membres du corps professoral. Nous avons cependant observé des écarts dans l’octroi de la permanence entre les groupes racialisés et blancs, ainsi que dans la valorisation de leurs publications. C’est un exemple de la direction qu’il faut prendre, et je ne vois aucun signe encourageant à ce titre.

Pourquoi est-il si important d’aller de l’avant en matière d’équité et d’indigénisation?

Nous vivons malheureusement dans un contexte néolibéral centré sur le maté­rialisme et l’argent, et où le savoir et la promotion de l’équité sont peu valorisés. Mais la principale raison, celle qui nous interpelle le plus, semble être la mutation de nos populations partout dans le monde dans le vaste contexte de la mondialisation. Les mouvements de population à notre époque sont probablement plus nombreux que jamais. Le fait est que dans nos universités, nous enseignons maintenant à une population étudiante dont la composition reflète plus étroitement la composition de la population en général que la composition de nos corps enseignants.

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