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Tribune libre / Cinq choses que nous avons apprises du dernier rapport du GIEC

Tribune libre / Cinq choses que nous avons apprises du dernier rapport du GIEC

Josh Berson

by ALEX CRAWFORD

En octobre 2021, les décideurs politiques se réuniront à Glasgow, en Écosse, pour évaluer les efforts actuels visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et le changement climatique. Le sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui a été publié en août, contribuera à cet effort. Ce rapport résume les progrès réalisés quant à nos connaissances du changement climatique au cours des huit dernières années. Voici cinq points saillants de ce que ce rapport nous apprend sur l’état du climat et de la climatologie.

Les climatologues avaient raison.

Il s’agit du sixième grand rapport du GIEC. Le troisième Rapport d’évaluation, publié en 2001, contenait plusieurs projections du changement climatique à venir. Après 20 ans, un grand nombre de ces projections s’avèrent exactes. Par exemple, les modèles utilisés dans ce rapport prévoyaient que la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2) serait de 400 à 420 ppm en 2020 et que le réchauffement au cours de la période 1990-2020 serait de 0,3 à 0,8°C. Les observations de 2020 ont montré que la concentration de CO2 était en moyenne de 415 ppm, et qu’un réchauffement d’environ 0,3 à 0,5°C s’était produit au cours de la période 1990-2020. Ce rapport prévoyait également des vagues de chaleur plus extrêmes en été et des précipitations plus intenses dans la plupart des régions, ainsi que des sécheresses plus graves dans les régions qui y sont sujettes. Le sixième Rapport d’évaluation résume comment toutes ces projections se réalisent.

Le réchauffement climatique aggrave les ouragans et les feux de forêt.

On soupçonnait depuis longtemps qu’un monde plus chaud augmenterait l’activité des ouragans. Nous disposons désormais de suffisamment de données pour décrire le phénomène. Il n’y a pas plus d’ouragans qu’avant, mais une plus grande proportion d’entre eux deviennent des ouragans « importants », c’est-à-dire que la vitesse maximale de leurs vents dépasse 177 km/h. En outre, les ouragans produisent des pluies plus abondantes qu’auparavant. Ainsi, les probabilités que la Floride ou les Philippines soient frappées par un ouragan n’ont pas vraiment changé, mais les tempêtes qui surviennent sont plus susceptibles d’apporter des vents destructeurs et des inondations.

La raison pour laquelle les ouragans peuvent produire plus de pluie est qu’une atmosphère plus chaude retient plus d’eau. Cette propriété est toutefois une arme à double tranchant : cette eau supplémentaire dans l’atmosphère provient d’une évaporation accrue. Une évaporation plus importante signifie que la surface et le sol perdent leur humidité plus rapidement. Par conséquent, les zones sujettes à la sécheresse entrent plus facilement en sécheresse. Des conditions météorologiques chaudes, sèches et venteuses sont les plus propices à la propagation d’un grand incendie de forêt. Le réchauffement climatique exacerbe deux de ces facteurs, de sorte que des saisons d’incendies dévastateurs comme ceux qu’a connus l’Ouest canadien en 2021 sont désormais plus probables.

Chaque degré de réchauffement climatique est pire que le précédent.

Imaginez le jour le plus chaud de l’année. Étouffant, oppressant et désagréable. Imaginez maintenant le jour le plus chaud depuis cinquante ans. Encore plus étouffant, plus oppressant et si désagréable que vous avez hâte à la fraîcheur de l’hiver. Il s’agit d’un épisode de chaleur extrême. En moyenne, la chaleur extrême qui ne se produisait qu’une fois tous les 50 ans à l’époque préindustrielle se produit aujourd’hui environ cinq fois tous les 50 ans – pour un réchauffement planétaire d’environ 1°C. Toutefois, si nous subissons un réchauffement supplémentaire de 1°C (jusqu’à 2°C au-dessus de l’époque préindustrielle), un tel événement extrême se produira probablement 14 fois en 50 ans. Ainsi, avec le premier degré de réchauffement, nous obtenons quatre jours supplémentaires de chaleur extrême, mais avec le deuxième degré de réchauffement, nous obtenons neuf jours supplémentaires de chaleur extrême – c’est pire. Il s’agit d’une preuve irréfutable que nous devrions limiter le réchauffement climatique autant que possible.

Une meilleure compréhension de la formation des nuages affine notre capacité à prévoir les changements climatiques futurs.

Les nuages ont des relations complexes avec la température. Les nuages reflètent la lumière du soleil, ce qui tend à refroidir la Terre, mais ils empêchent également le rayonnement émis par la Terre de s’échapper vers l’espace, ce qui tend à réchauffer la Terre. La tendance qui domine dépend du type de nuage et de sa hauteur. Le réchauffement renforce certains types de nuages et en réduit d’autres. Cette complexité ajoute beaucoup d’incertitude à toute projection du climat.

Depuis le dernier rapport du GIEC, les scientifiques sont devenus plus habiles à déterminer comment les différents types de nuages réagissent au réchauffement. Nous avons maintenant plus de preuves que le réchauffement réduit la quantité de couverture nuageuse de basse altitude au-dessus des océans subtropicaux. Ce type de nuages ayant tendance à contribuer au refroidissement de la Terre, leur réduction amplifie le réchauffement de la planète. La connaissance de ce phénomène a augmenté notre confiance en ce qui concerne les projections sur le réchauffement futur.

Une élévation incertaine du niveau de la mer.

Si le réchauffement continue à être aussi fort, le rapport du GIEC prévoit qu’il y aura « probablement » une élévation du niveau de la mer de 0,63 à 1,02 m d’ici 2100. Il faut toutefois faire attention à cette fourchette : il s’agit d’une probabilité, pas d’une certitude. Dans le meilleur des cas, l’élévation du niveau de la mer est encore d’environ 0,5 m (proche de la fourchette probable), mais dans le pire des cas, elle dépasse 2 m! Pourquoi le pire scénario est-il si mauvais? Parce qu’il y a une probabilité que l’Antarctique perde rapidement beaucoup de glace. Tout pays dont les communautés côtières sont vulnérables doit envisager cette possibilité.

La science est claire, mais ce qui n’est pas clair, c’est ce que les associations de professeurs d’université et le personnel académique doivent faire des conclusions du rapport du GIEC. Pour moi, ce rapport fournit des preuves irréfutables que tout le monde devrait s’efforcer de limiter le réchauffement climatique autant que possible et le plus rapidement possible. J’arrive à cette conclusion en m’appuyant sur mon travail de scientifique, mais aussi, et c’est important, en tant qu’habitant de cette planète.

Au cours des deux dernières décennies, l’accent a été mis sur le calcul de l’empreinte carbone personnelle en diminuant les voyages, la consommation de viande ou le chauffage des maisons. Ces mesures ont un impact, mais elles sont terriblement insuffisantes. Même les confinements et les perturbations économiques provoqués en 2020 par la pandémie de COVID-19 n’ont réduit les émissions de carbone que de 6,4 % par rapport à 2019. La politique de responsabilité personnelle n’a pas réussi à freiner l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, nous devons nous concentrer sur le changement de nos systèmes, et non sur notre comportement individuel.

Les syndicats universitaires et le personnel académique doivent prendre des mesures décisives, à titre collectif, pour éviter les pires conséquences de la crise climatique. Ils doivent continuer (ou commencer) à sensibiliser les étudiants (les générations futures) sur la physique du changement climatique, mais aussi sur son histoire, sa politique et ses implications plus larges pour la société.

Les pays et les personnes qui tirent le moins d’avantages des émissions de carbone sont généralement ceux qui souffrent le plus des conséquences du changement climatique. Pour remédier à cette réalité injuste et inéquitable, les citoyens des sociétés démocratiques doivent voter pour le changement en élisant des candidats qui s’engagent à prendre des mesures plus fermes pour réduire les émissions de carbone. Collectivement, et en solidarité avec les personnes qui subissent les pires conséquences du changement climatique, les syndicats universitaires devraient faire pression pour l’adoption de lois et de politiques d’éducation radicales qui ne privilégient pas le profit à court terme et encouragent la préservation de l’environnement pour le plus grand bien de l’humanité.

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Alex Crawford, Ph. D., est associé de recherche au Centre des sciences de l’observation de la Terre, Clayton H. Riddell, Faculté de l’environnement, de la terre et des ressources, à l’Université du Manitoba. Ses recherches portent sur le système climatique arctique dans le contexte du changement climatique actuel, en particulier sur le rôle évolutif des systèmes de tempête arctiques.

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