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Les universités et les collèges en route vers une crise

Les gouvernements doivent investir dans l’éducation postsecondaire pour soutenir une forte relance

Par Brenda Austin-Smith

Les universités et les collèges emploient des centaines de milliers de personnes, éduquent et forment plus de deux millions d’étudiants chaque année et mènent des recherches qui améliorent la vie de tous les Canadiens. Dans les villes et les communautés de tout le pays, ces établissements sont des moteurs économiques régionaux et des centres sociaux et culturels. Notre système d’enseignement postsecondaire de classe mondiale est essentiel à notre prospérité, sous-tend notre démocratie et trouve des solutions aux principaux défis, qu’il s’agisse de la COVID ou des changements climatiques.

Tout cela est en péril – et pas seulement à cause de la pandémie de COVID-19.

Le financement public de l’enseignement supérieur stagne depuis plus d'une décennie. La COVID-19 rapproche dangereusement le système au bord du gouffre. Il importe de réaliser des investissements stratégiques dans les universités et les collèges dès maintenant pour assurer une forte reprise économique et un avenir plus solide pour les Canadiens.

La COVID-19 épuise les ressources et réduit les recettes, en particulier celles provenant des frais de scolarité des étudiants étrangers. Pendant des décennies, en l’absence d’un financement public durable, les étudiants et leurs familles ont été appelés à payer davantage. Le financement privé représente aujourd’hui plus de la moitié des revenus des universités, contre 20 % seulement lorsque les parents des étudiants peuvent avoir fréquenté les campus.

Depuis la dernière récession en 2008, les dépenses des gouvernements provinciaux dans ce secteur ont diminué de 1 % en termes réels. Dans le même temps, les effectifs étudiants ont augmenté de 20 % et le revenu des frais de scolarité de 70 %. Un étudiant sur deux s’endette en moyenne de 28 000 $ pour faire des études, et le recours aux frais de scolarité pour résoudre la crise du financement n’est tout simplement pas viable.

Trois domaines nécessitent une action immédiate du gouvernement fédéral pour stabiliser l’enseignement supérieur et en améliorer la qualité, l’accessibilité et le caractère abordable.

Tout d’abord, nous avons besoin d’une stratégie nationale pour l’enseignement postsecondaire dont les objectifs sont de lutter contre les inégalités en matière d’éducation, d’améliorer l’accessibilité financière et de renforcer les capacités de recherche. La dernière fois que le gouvernement fédéral a augmenté le financement de base des provinces et territoires pour l’éducation postsecondaire, c’était en 2008, sous le gouvernement de Stephen Harper, et ce, sans plan d’action pour relever les principaux défis.

Deuxièmement, nous devons accélérer la recherche grâce à des investissements accrus dans la recherche fondamentale. Le comité consultatif du gouvernement a recommandé des niveaux de financement supérieurs de 40 % à ceux que nous investissons aujourd’hui pour que le Canada reste compétitif.

La pandémie a également mis en suspens de nombreuses recherches. Selon un sondage mené auprès des membres de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), deux membres sur trois ont vu leurs recherches arrêtées ou bloquées en raison de la pandémie. Cette interruption aura un impact important en aval sur l’innovation et les connaissances qui soutiennent l’économie canadienne.

Enfin, nous devons garantir des débouchés aux jeunes et aux chômeurs en réduisant les coûts initiaux et en adoptant un modèle de scolarité gratuite pour les Canadiens à revenu faible et moyen. Le doublement temporaire de la bourse pour étudiants par le gouvernement fédéral cette année aidera les étudiants à couvrir les frais de scolarité pour ce trimestre, mais il reste inférieur aux frais de scolarité moyens.

Il ne s’agit cependant pas d’une approche durable.

En plus d’une augmentation de l’aide financière aux étudiants, nous avons constaté une augmentation des frais de scolarité. La rumeur veut que certains fonctionnaires provinciaux plaisantent à moitié : la meilleure façon de tirer parti du financement fédéral pour l’enseignement supérieur est d’augmenter les frais de scolarité, car cela augmentera les demandes d’aide financière aux étudiants financée par le gouvernement fédéral.

Certains des changements nécessaires au modèle de financement de l’éducation postsecondaire pourraient être apportés en réorientant les 900 millions de dollars de financement fédéral inutilisés du programme de bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, qui a échoué. Le gouvernement pourrait également réorienter l'Allocation canadienne pour la formation afin de garantir que les Canadiens ont accès à des possibilités d’éducation plus utiles et plus opportunes.

De nombreux services et secteurs publics doivent être renforcés pour nous permettre de sortir de la crise actuelle et d’en tirer le meilleur parti. L’enseignement postsecondaire, en tant que fondement essentiel de la cohésion sociale, de l’innovation, de la science et de la réussite économique au Canada, ne doit pas tomber dans l’oubli.

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Brenda Austin-Smith est professeure en études cinématographiques et est à la tête du département d’anglais, théâtre, cinéma et médias de l’Université du Manitoba. Elle est aussi présidente de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, qui représente 72 000 membres du personnel académique des universités et collèges au Canada.