Par David Robinson
Plus tôt cette année, Statistique Canada a fait état d’une « amélioration continue » des finances des universités comparativement à l’exercice précédent. Le personnel académique du pays verra probablement en cet énoncé une certaine dissonance cognitive. Partout, semble-t-il, les administrations répètent que les finances sont serrées, que les budgets doivent être réduits et que tout le monde doit en faire davantage avec moins de ressources.
Que se passe-t-il donc?
En 2022-2023, les universités canadiennes ont déclaré des revenus de 47,5 milliards de dollars, soit 2,2 milliards de dollars de plus que l’année précédente. Pendant ce temps, les dépenses ont augmenté de 1,4 milliard de dollars pour atteindre 45,1 milliards de dollars, ce qui se traduit par un excédent collectif d’environ 2,4 milliards de dollars.
Or, cet aperçu du financement global cache certains aspects importants de la situation.
Examinons tout d’abord les budgets de fonctionnement des établissements, c’est-à-dire les fonds qui servent à financer les fonctions académiques de base des universités, y compris les salaires. Les universités reçoivent leurs fonds de fonctionnement de deux sources principales : les subventions de fonctionnement de leur province et les droits de scolarité. En 2022-2023, le financement provincial n’a augmenté que de 1,8 %, ce qui est bien inférieur au taux d’inflation de 4,4 %. Pour leur part, les droits de scolarité ont augmenté de près de 5 %.
Cette évolution reflète une tendance de longue date voulant que les revenus provenant des droits de scolarité augmentent plus rapidement que le financement gouvernemental. En fait, en 2016, nous avons franchi un cap important. Pour la première fois depuis le début des années 1950, les revenus totaux des universités provenant de sources gouvernementales directes étaient inférieurs aux revenus provenant des droits de scolarité et des sources de revenus non gouvernementales. Bien entendu, les quelque 15 milliards de dollars perçus en droits de scolarité par les universités en 2022-2023 ont été financés en partie par des subventions gouvernementales. Par exemple, le Programme canadien d’aide financière aux étudiantes et aux étudiants coûte environ 3,4 milliards de dollars par an. Ce que je veux dire, c’est que les gouvernements provinciaux, dans l’ensemble, ne maintiennent pas leur niveau de contribution aux budgets de fonctionnement des universités.
Fait à noter cependant, il existe des différences significatives entre les provinces. À Terre-Neuve-et-Labrador, les subventions provinciales de fonctionnement ont diminué de 3,4 % au cours de l’année la plus récente. L’Alberta a enregistré une baisse de 3,6 % des Subventions provinciales en 2022-2023, et une réduction de l’ordre de 22 % par rapport à il y a tout juste quatre ans.
Côté dépenses, la diminution de la part des dépenses consacrées aux salaires du personnel académique est une autre tendance de longue date. En 2000-2001, les salaires du personnel académique représentaient 36 % de l’ensemble des dépenses de fonctionnement. Tout juste 20 ans plus tard, cette proportion est tombée à moins de 29 %. En même temps, les dépenses consacrées aux salaires du personnel non académique sont passées de 28 % en 2000-2001 à plus d’un tiers aujourd’hui.
En bref, nous assistons non seulement à une baisse du financement des gouvernements provinciaux, mais aussi à un changement dans la manière dont les universités dépensent leurs fonds de fonctionnement.
Ces changements surviennent dans un contexte d’incertitude financière croissante. Les données préliminaires font état d’une chute importante des inscriptions d'étudiantes et d'étudiants étrangers, qui frappe de manière disproportionnée les collèges et certaines petites universités. En revanche, les projections démographiques les plus récentes indiquent une augmentation significative de la cohorte des 18-21 ans au cours des dix prochaines années. Si les taux de participation restent stables, cela pourrait se traduire par une augmentation des inscriptions nationales de l’ordre de 15 à 35 %.
La question est de savoir si nos établissements sont prêts à accueillir toute cette nouvelle population étudiante nationale. Le long passé de stagnation du financement provincial donne à penser que non.