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Renforcer la solidarité et le soutien envers les étudiants internationaux

Renforcer la solidarité et le soutien envers les étudiants internationaux

iStock.com / Hispanolistic / pop_jop

Par Elizabeth Berman

Accusés d’être à l’origine de la crise du logement ou interdits d’accès aux banques alimentaires locales, les étudiants étrangers ont récemment fait les manchettes. Autrefois une petite minorité, les étudiants internationaux — et les droits de scolarité élevés qu’ils paient — sont aujourd’hui une force motrice sur certains campus d’universités et de collèges canadiens.

Les étudiants étrangers peuvent enrichir l’expérience de la classe pour les enseignants et les étudiants canadiens. « Leur formation, leur expérience et leur culture peuvent leur donner une perspective différente et originale sur les questions que nous soulevons en classe », a déclaré Patrick Noël, président de l’Association des professeur(e)s de l’Université SaintBoniface, une petite université de langue française située à Winnipeg, au Manitoba. Environ 14 % des étudiants de Saint-Boniface sont des étudiants étrangers, originaires pour la plupart de pays francophones d’Afrique.

Mais ce n’est pas la valeur éducative des étudiants étrangers qui motive les gouvernements et les établissements d’enseignement supérieur à en recruter de plus en plus.

« Attirer davantage d’étudiants étrangers n’est pas tant une volonté d’ouverture sur le monde de la part des universités, a déclaré M. Noël. Elles essaient surtout de compenser les réductions de financement des gouvernements provinciaux. »

Sean Lougheed est président de la section locale 657 du SEFPO au Canadore College de North Bay, en Ontario, où environ 72 % des étudiants en 2021-2022 provenaient de l’étranger, un pourcentage qui continue d’augmenter.

« Les collèges et universités de l’Ontario sont toujours parmi les moins bien financés au niveau national, et ce, depuis des décennies, a déclaré M. Lougheed. En réponse à cette situation, de nombreux collèges comme le nôtre ont créé des partenariats avec des établissements privés, qui ne sont pas soumis au gel des droits de scolarité au niveau national et qui délivrent les mêmes diplômes avec un personnel enseignant non syndiqué. »

Le Canadore College a conclu un partenariat avec le Stanford International College, un établissement privé d’enseignement professionnel qui possède plusieurs campus dans la région du Grand Toronto. Sans les revenus de ce partenariat public-privé, le Canadore College serait déficitaire, selon un rapport de la vérificatrice générale de l’Ontario.

« La vérificatrice générale a clairement indiqué en 2021 que le taux de croissance des étudiants internationaux de plusieurs collèges, y compris le Canadore College, n’était pas conforme à la règlementation provinciale, a déclaré M. Lougheed. Les inscriptions internationales dans les campus privés ne sont pas censées être plus de deux fois supérieures à celles du campus d’origine du collège public. Si c’est le cas, l’établissement public doit présenter un plan pour atteindre le bon ratio. »

Toutefois, le manque de logements abordables freine la croissance du Canadore College à North Bay. Début septembre, près de 20 étudiants étrangers sans logement dormaient dans des tentes à un arrêt d’autobus situé à proximité du campus. Le président du Canadore College, George Burton a par la suite qualifié ces tentes de « coup de pub ».

« Les étudiants internationaux font cause commune avec les travailleurs ontariens de milieux défavorisés qui luttent actuellement pour trouver un logement abordable, a déclaré M. Lougheed. Alors que le collège s’empresse de construire davantage de résidences, la question est de savoir si ce niveau de dépendance financière est viable. Les étudiants indiens à eux seuls contribuent plus d’argent au système collégial de l’Ontario que le gouvernement provincial, un fait auquel je réfléchis en observant les récentes relations indocanadiennes. Sommes-nous préparés à l’éventualité d’un ralentissement? »

Le ralentissement se profile à l’horizon à l’Université du Cap-Breton (CBU), où environ 77 % des 9 100 étudiants à temps plein et à temps partiel sont internationaux. Le recteur de l’Université, David Dingwall, a annoncé en octobre un plan visant à réduire le nombre total d’étudiants à environ 7 000 d’ici 2027, en mettant davantage l’accent sur le recrutement d’étudiants canadiens.

La petite communauté de Sydney, en Nouvelle-Écosse, où se trouve la CBU, comptait un peu moins de 31 000 habitants lors du recensement de 2021. L’Université a fait l’objet d’un examen minutieux en raison de l’effet de sa population étudiante internationale en plein essor sur la disponibilité des logements et des emplois dans la région.

« Le problème que nous avons rencontré est que l’afflux a été soudain, a déclaré Adango Miadonye, président de la Cape Breton University Faculty Association (CBUFA). L’établissement n’avait pas assez de logements sur le campus, mais il est en train d’en construire d’autres. Nous espérons que dans les deux ou trois prochaines années, nous serons en mesure de répondre, en termes d’infrastructure, à la demande du nombre d’étudiants que nous avons actuellement, afin de les loger confortablement. »

Face à la forte augmentation du nombre d’étudiants, la CBUFA a dû se battre pour que l’Université ne dépende pas trop du personnel académique contractuel. La question a été au centre des préoccupations lorsque l’association a déclenché une grève au début de l’année.

« Essentiellement, la grève cherchait à éviter d’augmenter le nombre de personnel académique contractuel, à s’assurer que nous n’avons pas de travailleurs précaires mais des travailleurs ayant des contrats à temps plein », a déclaré M. Miadonye.

La précarité préoccupe également le personnel académique des universités anglophones du Québec. Le gouvernement Legault a annoncé en octobre qu’il récupèrerait environ 17 000 dollars de droits de scolarité pour chaque étudiant étranger et qu’il doublerait les droits de scolarité des étudiants provenant de l’extérieur de la province.

« Tout le monde est inquiet, a déclaré Peter Grutter, président de l’Association des professeur(e)s et bibliothécaires de McGill. L’un des principaux problèmes est que nous ne savons pas exactement ce que le gouvernement a décidé, car tout ce que nous savons actuellement provient de déclarations juridiquement non contraignantes. »

À l’exception des étudiants de France et de Belgique, pays qui ont conclu des accords de réciprocité avec le Québec, les droits de scolarité des étudiants étrangers augmenteraient considérablement dans la province, ce qui entraverait le recrutement. « Il est fort probable que cela réduise la diversité des voix des étudiants étrangers et des francophones du reste du Canada dans les salles de classe, et que cela conduise à une plus grande homogénéité socioéconomique des étudiants étrangers, a déclaré M. Grutter. Seuls les étudiants aisés pourront se permettre de payer des droits de scolarité élevés. Comment cette politique peut-elle être équitable ou augmenter l’afflux d’étudiants francophones au Québec? »

Le gouvernement Legault affirme que son objectif est de renforcer les universités francophones, craignant que les étudiants unilingues anglophones ne contribuent à l’anglicisation du Québec. D’importants établissements de langue française, dont l’Université de Montréal, se sont opposés aux intentions déclarées du gouvernement.

« Je crois que l’Université McGill possède actuellement la bonne combinaison d’étudiants internationaux, d’étudiants du reste du Canada et d’étudiants québécois, a déclaré M. Grutter. Bon nombre de mes collègues, y compris moimême, aimeraient voir un plus grand nombre de ces étudiants obtenir un diplôme avec un niveau de français fonctionnel, ce qui leur permettrait de participer et de contribuer encore davantage à la société québécoise. C’est l’une des propositions faites par les trois universités visées [McGill, Bishop’s et Concordia]. »

Les coalitions comme catalyseurs du changement

Face à des défis tels que le financement public et le logement abordable, les associations de personnel académique des collèges et universités peuvent se sentir impuissantes à faire changer les choses. Toutefois, la collaboration avec d’autres syndicats et organisations peut créer un pouvoir collectif.

Au Québec, les syndicats travaillent ensemble par l’intermédiaire de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), qui s’oppose fermement à la politique de droits de scolarité proposée par le gouvernement Legault. Les associations de personnel académique et leurs membres dans la province sont encouragés à signer une pétition officielle demandant au gouvernement d’annuler la hausse des frais de scolarité.

En Ontario, après la crise du logement des étudiants étrangers à North Bay, M. Lougheed s’est lié à Migrant Students United, un groupe d’étudiants étrangers, anciens et actuels, qui réclament la justice, des règles équitables, l’égalité des droits et le statut de résident permanent pour tous les migrants.

« Je pense que le moins que nous puissions faire est d’établir ce lien et de soutenir les efforts de défense des intérêts politiques », a déclaré M. Lougheed. Il encourage les autres syndicats à entrer en contact avec les organisateurs locaux. Les individus et les associations peuvent également soutenir l’organisation Fairness Agenda for Migrant Student Workers.

Sarom Rho est une organisatrice de la Migrant Workers Alliance for Change, qui comprend l’association Migrant Students United. « Lorsqu’une partie de notre société a moins de droits et se voit refuser les mêmes protections, cela a pour effet d’abaisser le niveau pour tout le monde, a-t-elle déclaré. Dans les collèges et les universités, lorsque les étudiants internationaux se voient refuser des droits, cela nuit aux étudiants canadiens, au personnel académique et aux autres travailleurs du campus, car je ne pense pas qu’aucun d’entre nous ne veuille d’un modèle d’éducation financiarisé à ce point. »

La Migrant Workers Alliance for Change, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et l’ACPPU ont collaboré plus tôt cette année pour aider à empêcher l’expulsion d’étudiants indiens qui avaient reçu des lettres d’acceptation frauduleuses de la part d’un recruteur d’étudiants non règlementé. Pour éviter que d’autres étudiants ne se fassent piéger par des recruteurs sans scrupules, la Migrant Workers Alliance for Change a proposé un régime de règlementation des recruteurs d’étudiants internationaux, qu’elle a présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. En octobre, le gouvernement fédéral a apporté des modifications au Programme des étudiants étrangers afin de mieux protéger les étudiants authentiques contre la fraude.

« Notre solution est d’appeler à un système où tout le monde a les mêmes droits et les mêmes protections, non seulement parce que c’est juste et que nous voulons vivre dans une société juste, mais aussi parce que cela augmenterait notre pouvoir de négociation collective pour construire le type de système public d’éducation et de société que nous voulons », a déclaré Mme Rho.

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