Grace Nyongesa est présidente nationale du syndicat du personnel académique des universités du Kenya (UASU). Elle est chargée de cours à la faculté de droit de l’Université de Kisii où elle enseigne le genre et le droit, entre autres matières. Elle est également associée principale de G.C. NYONGESA & CO. ADVOCATES, où elle travaille sur des questions relatives au droit de la famille et aux droits de l’enfant. Elle a été vice-présidente de la fédération des avocates, une des principales organisations de défense des droits des femmes au Kenya.
En 2021, sur les sept sièges du comité de direction de l’UASU, deux étaient occupés par des femmes, c’est-à-dire vous et une autre candidate. Pouvezvous nous parler des défis que vous avez rencontrés en matière d’équité pour les femmes au sein du syndicat?
La question de l’égalité des genres fait l’objet d’un débat national au Kenya. Il est difficile pour les femmes d’occuper des postes de direction. Par exemple, les efforts nécessaires pour faire campagne placent les femmes dans une position désavantageuse puisqu’elles doivent se déplacer sur 38 campus universitaires. Les femmes qui ont une famille ne peuvent pas facilement prendre une semaine de congé. En outre, les sociétés patriarcales qui existent dans de nombreuses régions ne sont pas réceptives à l’idée que des femmes puissent occuper des postes de direction.
Il y aura toujours quelques hommes dans notre camp, mais nous devons les sensibiliser encore davantage pour qu’un plus grand nombre d’entre eux acceptent l’idée que les femmes soient actives au sein du syndicat. Les questions de genre ne peuvent pas être abordées sans la participation des hommes. Cependant, le débat est très épineux pour les hommes et ils ne comprennent pas les réalités des femmes. Ils pensent peut-être que nous voulons être servies sur un plateau d’argent, mais ce n’est pas du tout le cas. Lorsque nous laissons les hommes s’en charger, ils ont tendance à penser que tout va bien et ne défendent pas les femmes comme elles le feraient pour elles-mêmes. Seules les femmes peuvent parler de leurs difficultés et des enjeux qui les touchent spécifiquement. Ce sont elles qui doivent présenter leurs enjeux à la table de négociation.
Parlant de négociation, vous négociez présentement une convention collective. Qu’en est-il?
Oui, nous avons présenté nos demandes à l’employeur. Nous n’avons pas reçu la réponse de l’employeur alors nous avons saisi le tribunal afin d’obtenir une ordonnance permettant d’entamer les négociations. La négociation à la dernière minute désavantage nos membres : nous sommes déjà en 2023 et l’entente prend fin en 2025.
Quelles sont les stratégies à long terme pour lutter contre les déséquilibres entre les genres afin que les syndicats soient plus équitables pour les femmes?
Je ne suis pas syndiquée depuis très longtemps, mais je m’efforce d’établir des liens avec des organisations solides qui ont intégré les femmes dans les directions syndicales. Les hommes se sentent souvent menacés par les femmes occupant des postes de direction. Ces exemples permettront aux hommes de voir comment d’autres syndicats procèdent sans nécessairement y voir une menace.
Nous travaillons également au renforcement des capacités de nos membres en matière de recrutement de jeunes femmes. Je dirais qu’il y a un intérêt accru pour permettre aux femmes de servir au sein du syndicat. Nous n’en sommes pas encore là, mais nous faisons de notre mieux pour que le syndicat soit dynamique afin que nous puissions collectivement commencer à nous mobiliser pour défendre nos droits en tant que professeures universitaires.
Aussi, ma collègue est syndiquée depuis plus longtemps que moi et, ensemble, nous envisageons de mettre en place un programme de mentorat afin qu’elle puisse transmettre ses connaissances à de jeunes femmes et les inciter à se porter candidates à divers postes. Il suffit de tendre la main et d’offrir des activités et des possibilités qui visent à encourager les membres à se mobiliser davantage au sein du syndicat. Le financement est toutefois un problème, et les nouveaux programmes sont devenus un défi en raison du manque de ressources.
Les mouvements syndicaux peuvent être un peu complexes pour les membres. Certains pensent qu’ils risquent de perdre leur emploi s’ils deviennent actifs au sein du syndicat. Ils préfèrent être de simples membres. Cependant, lorsque vous élargissez le rôle de leadership, les gens participent davantage. En ce qui concerne les dirigeantes et dirigeants, je cherche à comprendre les différentes compétences que nous pouvons utiliser en tant que syndicalistes pour être efficaces dans notre prestation de services.
Sur quelles initiatives travaillez-vous actuellement?
Nous devons aborder les enjeux qui touchent les jeunes mères, notamment en leur donnant la possibilité d’étudier et de ne pas quitter l’école. Les jeunes femmes entrent à l’université et se marient, mais souvent, elles ne restent pas, alors que les jeunes hommes qui se marient continuent d’étudier. J’évalue présentement la possibilité de créer un espace à l’université où les jeunes mères auraient accès à un service de garde qui leur permettrait de revenir en classe. Il n’est pas possible actuellement pour elles d’amener un bébé à l’école. Certaines personnes pourraient s’y opposer, mais en permettant aux femmes de nourrir plus facilement leurs enfants et de retourner ensuite en classe, nous augmentons les chances qu’elles restent à l’école. Comment pouvons-nous prendre soin de ces jeunes femmes aujourd’hui pour qu’elles deviennent les dirigeantes de demain?