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Tribune Libre / Les libertés universitaires, pilier d’une université inclusive et collégiale

Tribune Libre / Les libertés universitaires, pilier d’une université inclusive et collégiale

Par Dyala Hamzah

Les libertés universitaires représentent un enjeu qui se situe au-delà et en deçà de l’emballement médiatique récent au sujet de la nécessité de les défendre mur-à-mur, ou de les restreindre. Dans sa recommandation, l’UNESCO rappelle que les libertés universitaires constituent l’un des piliers fondamentaux de la mission de l’université. Il n’en va donc pas de la défense d’un privilège, mais de la sauvegarde d’une condition de travail — comme le stipule la convention collective signée par le Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM) et l’Université de Montréal (UdeM).

Mais la défense des libertés universitaires n’en est pas moins tributaire d’enjeux sociétaux en lien, notamment, avec les principes de diversité, d’équité et d’inclusion et avec la place faite aux premiers peuples. Par le truchement de ses comités, le SGPUM est en situation de réflexion et de veille constantes quant aux modalités d’articulation des unes aux autres.

Au Québec, cette articulation constitue un angle mort. Absente des recommandations du rapport de la Commission Cloutier, elle est introuvable dans la Loi sur la liberté académique, adoptée en 2022 par Québec. Le SGPUM, qui avait déposé un Mémoire auprès de la Commission Cloutier, puis adopté une résolution rejetant le projet de loi no32 du Gouvernement, n’a été convié ni à l’audience de la première, ni aux consultations du second.

À l’UdeM, cette articulation ne dépasse guère la déclaration d’intention. Deux ans après le Rapport de la Mission du recteur sur la liberté d’expression en contexte universitaire (2021), elle n’est toujours pas opérationnalisée. Un « espace de médiation » censé résoudre « une situation problématique », a bien été reconduit dans la Politique sur les libertés universitaires dont l’UdeM vient de se doter, comme la Loi lui en fait obligation. Mais, au-delà de sa récente et bienvenue campagne contre le racisme, qui doit contribuer à faire advenir « un changement de culture » institutionnelle, l’UdeM persiste à décliner les invitations du SGPUM à réfléchir ensemble, et sur les processus d’amont qui sont nécessaires à l’avènement d’une université véritablement inclusive, et sur la forme de cet « espace de médiation ».

Au demeurant, ni la Loi, ni la Politique de l’UdeM ne « reconnaissent, promeuvent et protègent » de manière satisfaisante, les libertés universitaires : leur primat n’est affirmé ni sur le devoir de loyauté ni sur l’ensemble des politiques et règlements de l’Université ; l’obligation institutionnelle de prendre fait et cause pour ses employées et employés en est absente ; le « comité des plaintes » est doté d’un mandat ambigu ; sa subordination à la direction universitaire le place en conflit d’intérêt advenant la mise en cause de cette dernière ; aussi, sa composition « représentative » de la communauté universitaire fait des professeures et professeurs des membres comme les autres.

Ceci milite pour l’inclusion à la convention collective d’un mécanisme paritaire de protection des libertés universitaires. Or, même conventionnée, cette protection n’échappe pas aux conditions structurelles d’exercice des libertés universitaires. Dans un contexte de coupes budgétaires et de mise au pas managériale des universités, il est inquiétant de voir l’université confondre les contraintes de la philanthropie avec les conditions de son autonomie : dans Le Devoir l’an dernier, l’UdeM se félicitait d’être autonome, en taisant la menace des groupes d’intérêt, rappelée par le SGPUM dans son Mémoire à la Mission du recteur.

Non, décidément, l’université n’est pas une entreprise! Au lieu de gouverner de manière entrepreneuriale, l’université ferait mieux de s’inquiéter sérieusement de nos conditions de travail. Une surcharge structurelle empêche désormais les professeures et les professeurs de consacrer du temps de qualité à l’actualisation de leur expertise; l’accès surbureaucratisé au financement de la recherche et la quantification de son évaluation constituent, quant à eux, un frein à l’effectivité des libertés universitaires, ainsi que le souligne la Déclaration de San Francisco.

Plus que tout, c’est le déficit de collégialité qui entrave la co-construction d’une politique universitaire sur les libertés universitaires. Le SGPUM en faisait récemment les frais : la Mission du recteur n’a pas été le résultat d’une consultation paritaire. Ce déficit, qui s’est aggravé pendant la pandémie, s’observe à de multiples échelons à l’UdeM — citons, par exemple, le processus opaque de nomination des recteurs depuis la modification de la charte de l’université (2018), le refus par l’université d’inclure le SGPUM au sein de la Commission des études, ou la sourde oreille qu’elle oppose à la constitution d’un comité paritaire sur les enjeux ÉDI.

L’UdeM, qui a affirmé haut et fort qu’on peut tout enseigner, tout lire, tout dire dans les limites de la liberté d’expression, peine pourtant à faire émerger ces mécanismes transformationnels d’une culture institutionnelle, qu’elle reconnaît pourtant être façonnée par le racisme systémique. Le SGPUM, dans son Mémoire, suggérait un état des lieux de la (dé)colonisation des savoirs qu’accompagnerait la mise en place de véritables mécanismes de reconnaissance, de procédures transversales, d’espaces communs pour une « libre parole ».


Dyala Hamzah est professeure agrégée au département d’histoire de l’Université de Montréal et membre de l’Exécutif du Syndicat général des professeures et professeurs de l’Université de Montréal (SGPUM) pour l’année 2022-2023.

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