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Entrevue / Fabrice Colin

Entrevue / Fabrice Colin

Fabrice Colin, président de l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) parle de la débâcle financière à l’Université Laurentienne — la première université canadienne financée par des fonds publics à demander la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

Comment est-ce que la débâcle financière à la Laurentienne a-t-elle évoluée depuis 2021?

Le personnel académique a appris le 1er février 2021 que l’université se mettait sous la protection de la LACC. Il s’en est suivi une intense médiation, une nouvelle convention collective, un plan de restructuration académique, et la suppression de 110 postes de professeurs en avril 2021. Parmi ceux qui ont perdu leur emploi, une vingtaine ont choisi la retraite plutôt que le licenciement, pour ainsi que le plus grand nombre de leurs collègues conservent leurs emplois. Une autre vingtaine de professeurs ont démissionnés ou ont pris leurs retraites après la vague de licenciements.

La restructuration académique a été profonde. Certaines facultés dont celle de la santé et de l’éducation ont été combinées. Plusieurs départements ont disparu tandis que d’autres ont été amalgamés. Tous ces changements ont entrainé un surcroît de travail important pour le personnel académique restant. Les incertitudes entourant le processus de la LACC pèsent lourd non seulement sur le corps professoral, mais également sur les étudiants, et sur la communauté. Le moral est au plus bas sur le campus.

Quelle a été la position de l’APPUL vis-à-vis de l’administration de l'Université?

Il y a eu un vote de confiance à l'égard de la haute administration qui s’est tenu en même temps que la ratification de la convention collective. Les membres de l’APPUL ont demandé la démission des personnes qui nous ont conduit à cette débâcle.

Comme l’APPUL l’a plaidé depuis le début de la crise, le rapport préliminaire de la vérificatrice générale de l’Ontario a établi que le recours à la LACC était inapproprié. Notre convention collective comporte des clauses concernant les situations financières critiques qui auraient dû être invoquées. Selon le rapport de la vérificatrice générale, l’université n’a jamais considéré sérieusement l’invocation de ces clauses.

L’administration a eu un temps considérable pour planifier le recours à la LACC et a pourtant négligé de donner un préavis a l’APPUL. Le rapport de la vérificatrice générale apporte un contrepoids au recteur qui blâmait les salaires élevés des membres du corps professoral, le grand nombre de cours avec un faible nombre d’étudiants, ainsi que les nombreux griefs syndicaux. Selon la vérificatrice générale, des investissements immobiliers inconsidérés en 2009, constituent la cause première de la crise. Par ailleurs, les dépenses administratives qui ont crû de 75 % dans la dernière décennie, ont eu pour conséquence d’endetter davantage l’université.

La facture de l’équipe d’avocats et de conseillers juridiques de l’administration s’élève déjà à 24 millions de dollars. Bien que nos factures juridiques soient considérablement plus modestes que celles de l’administration, nous avons eu la chance d’obtenir l’aide financière ainsi qu’un appui inconditionnel de la part de l’ACPPU. Notre association aurait été laissée dans une position vulnérable et précaire sans l’intervention de l’ACPPU. Nous tenons également à remercier tous les syndicats qui ont envoyé des dons à l’APPUL; toute cette solidarité a été un baume au cœur pour nos membres.

Quelles leçons avez-vous tirées de cette débâcle financière?

La situation à l’Université Laurentienne illustre la faillite et les limites de l’approche corporatiste de gestion d’une université. Étant donné le caractère particulier et l’importance de la mission d’une université, dans le cadre de sociétés démocratiques, il est vital que la voix du personnel académique soit entendue et qu’il y ait une gouvernance collégiale.

S’il y avait eu une véritable gestion collégiale, s’il n'y avait pas eu de décisions prises par l’administration derrière des portes closes, si le gouvernement avait effectué son travail de surveillance par le biais de ses représentants au Conseil des gouverneurs, s’il y avait eu une véritable transparence quant aux finances et aux opérations de l’université, tout ça ne serait pas arrivé.

Quand pensez-vous que la communauté de la Laurentienne pourra clore ce sombre chapitre?

Il ne fait aucun doute que nous avons subi des pertes considérables depuis le début de cette crise — une crise créée par une direction universitaire irresponsable et encouragée par un gouvernement provincial qui a initialement refusé de soutenir la communauté universitaire.

Par sa nature même, la LACC restreint les droits des travailleurs et exige des concessions substantielles de la part des employés. Les membres de l’APPUL et les autres employés de l’université se sont retrouvés dans une position incroyablement difficile : à la merci d'un processus juridique implacable dans lequel nos droits ont été sévèrement limités. Pourtant, nous avons réussi à obtenir des gains importants dans le plan d'arrangement final. Nous nous sommes battus bec et ongles pour ces améliorations; nous croyons qu'ils sont les meilleurs que nous pouvions espérer étant donné les restrictions sévères de la LACC.

Que diriez-vous aux associations de personnel académique qui négocient leurs conventions collectives?​

Les comités de négociation devraient exiger une transparence concernant les budgets; ainsi que la classification et une disponibilité des fonds pour honorer les obligations envers les membres de leurs associations. Nous recommandons aussi que les comités de négociation renforcent les clauses concernant les situations financières critiques et les postes excédentaires.

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