Le 17 septembre, l’ACPPU a appelé ses membres et alliés à suspendre toute action relative au blâme prononcé à l’endroit de l’administration de l’Université de Toronto après que l’Université a décidé de faire marche arrière et d’offrir à nouveau à Mme Valentina Azarova le poste de directrice du programme international des droits de la personne de la faculté de droit.
Or, en même temps que le comité de direction de l’ACPPU et beaucoup de membres du personnel enseignant de l’Université de Toronto qualifiaient la décision de l’Université de « victoire pour la liberté académique », l’affaire faisait encore les manchettes.
« L’Université de Toronto est à ce point notoire qu’elle doit maintenant composer avec les scandales provoqués par le blâme prononcé », a affirmé Deb Cowen, professeure de géographie et d’aménagement et co-organisatrice de la campagne Internet de blâme à l’endroit de l’Université que se sont engagés à appuyer près de 1 500 universitaires et influenceurs de premier plan de partout dans le monde. La publication récente de documents [en lien avec l’examen par le Conseil canadien de la magistrature (CCM) de l’affaire du juge Spiro] a confirmé le bien-fondé de l’intervention des participants à la campagne. »
En mai dernier, le Conseil canadien de la magistrature a déterminé que le juge David E. Spiro, donateur de l’Université de Toronto et juge en exercice de la Cour canadienne de l’impôt, avait commis une « erreur grave » en faisant part de préoccupations à l’égard de la décision d’offrir un poste à Mme Azarova. Dans les jours qui ont suivi l’intervention du juge Spiro, la faculté de droit de l’Université a retiré son offre à Mme Azarova.
Selon des documents publiés par le CCM depuis l’enquête, le juge Spiro a exprimé des regrets relativement à ses gestes. Les documents confirment que le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) avait alerté le juge Spiro de l’embauche possible de Mme Azarova et lui avait transmis une note de service qui qualifiait la candidate de « militante universitaire anti-Israël » en raison de ses travaux sur les droits de la personne en Israël et en Palestine.
Fait étrange cependant, la Cour canadienne de l’impôt n’a pas démis de ses fonctions le juge Spiro et a choisi plutôt d’interdire aux avocats et plaignants musulmans de comparaître devant lui.
« J’ai compris dès le début que les travaux de Mme Azarova sur la Palestine étaient le problème », a affirmé Melanie Newton, professeure agrégée à l’Université de Toronto et membre de la campagne de blâme à l’endroit de l’Université. « L’Université s’est attiré la colère des gens, qui constatent maintenant davantage à quel point les communautés historiquement marginalisées, comme les Palestiniens, se retrouvent ciblées. Le problème survenu à l’Université de Toronto est attribuable aux racines profondes du colonialisme et du racisme, et touche les plus hautes sphères de l’administration. »
Le mois dernier, l’ACPPU a avisé l’administration de l’Université de la suspension officielle complète du blâme en prévision de la résolution de tous les problèmes soulevés par l’affaire, notamment en assurant explicitement la protection de la liberté académique de toutes les personnes occupant des postes de gestion académique et en élaborant des politiques de prévention de l’ingérence des donateurs dans les affaires académiques de l’Université.
Entre-temps, Mme Azarova a refusé l’offre de l’Université. Dans sa déclaration, elle a dit avoir compris que son « leadership à la tête du programme continuerait de subir les attaques de ceux et de celles qui ont l’habitude d’assimiler l’analyse juridique du contexte israélo-palestinien à de la partisanerie hostile ».
Deb Cowen a fait remarquer que la campagne menée contre les actions de l’Université de Toronto était « multiraciale et multiconfessionnelle », et avait le soutien de nombreux étudiants et membres du personnel enseignant de confession juive, provenant de différents départements et programmes. Une grande variété de personnalités publiques et d’organisations, comme l’ancienne gouverneure générale Michaëlle Jean et Amnistie internationale, ont également donné leur appui à la campagne.
La professeure a ajouté qu’il reste beaucoup à faire pour responsabiliser l’Université de Toronto relativement à « sa mission et à son mandat à la fois beaux et puissants », et que la plupart des étudiants et membres du personnel enseignant ayant participé à la campagne ont l’impression de « n’avoir jamais ressenti un si grand sentiment d’appartenance et de collégialité ».
« Pour beaucoup d’entre nous, c’était une expérience nouvelle que de voir l’administration de l’Université réagir à un mouvement citoyen. Cela marque un tournant de l’action collective. Nous ne pouvons pas compter sur les universités pour toujours [prendre les bonnes décisions]. L’Université de Toronto a décidé qu’il s’agissait d’un problème de confidentialité, alors que cela avait tout à voir avec la liberté académique. »
Dans une ancienne version de cet article, Deb Cowen était identifiée par erreur comme étant Deb Cowan, professeure de géologie et de planification. Deb Cowen est professeure de géographie et de planification. Nous présentons nos sincères excuses à Deb Cowen.