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Le mot de la présidente / Qu’avons-nous à perdre?

Le mot de la présidente / Qu’avons-nous à perdre?

Par Brenda Austin-Smith

Il y a quelques semaines, l’administration de l’Université Laurentienne a demandé la protection judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, un acte de haute trahison envers les étudiants, le corps professoral et le personnel. Les membres du corps professoral connaissaient la profonde réticence du conseil des gouverneurs à divulguer l’information financière. Or, sans aucun préavis, et faisant totalement fi des conventions collectives négociées de bonne foi pour protéger les droits du personnel en milieu de travail, celui-ci a décidé de minimiser son statut d’établissement public. De fait, l’administration a soutenu devant le tribunal qu’elle n’était qu’une entreprise écrasée par des circonstances hors de son contrôle.

Ne nous méprenons pas. La gestion exercée par le conseil des gouverneurs et la haute direction de l’Université était foncièrement mauvaise. Comme l’ont révélé des documents déposés d’entrée de jeu en cour, le conseil a pris des décisions désastreuses : construction d’immeubles et recrutement d’un nombre croissant d’administrateurs pour gonfler ses rangs. Le président a tenté de blâmer le personnel académique pour les dépassements de coûts, même si le pourcentage de professeurs ayant des contrats à court terme à des salaires au rabais a grimpé à l’Université, comme partout au Canada. Le personnel académique à temps partiel est de plus en plus nombreux dans le secteur de l’éducation postsecondaire, et les professeurs à temps partiel sont loin de ruiner les établissements.

L’administration de l’Université Laurentienne ne doit pas s’en tirer impunément. Sa tentative de faire porter la responsabilité de l’énorme bourbier dans lequel elle s’est enfoncée au personnel qui accomplit le travail essentiel d’une université est malhonnête et outrageuse. La situation qu’elle confie aux soins de tiers est désastreuse. Elle nous offre ici l’occasion de nous rappeler que l’administration ne constitue pas la fonction vitale de l’université ou du collège. Elle ne participe pas à la mission fondamentale de l’éducation postsecondaire. En général, elle ne subit pas non plus les contrecoups directs des décisions irresponsables qu’elle prend. Ce sont les membres du personnel académique, du personnel de soutien et de l’effectif étudiant qui encaissent le premier choc, qui peuvent perdre leur emploi, leurs avantages sociaux, leurs diplômes.

Mais les remous potentiellement destructeurs provoqués par l’effondrement d’une université ne s’arrêtent pas aux frontières du campus. Ils secouent les communautés et brisent des vies. Les universités et collèges font partie intégrante des villes, localités et régions rurales où elles sont installées, ancrées dans le tissu social, économique et culturel partout au pays. Dans de nombreux cas, l’établissement postsecondaire est un employeur important de la région. Les étudiants gonflent la clientèle des entreprises locales et leurs effectifs à temps partiel. Les familles qui viennent célébrer les grandes étapes des études, comme la collation des grades, contribuent également à l’économie locale. De bons emplois dans les universités et collèges stabilisent les communautés et les aident à prospérer.

La recherche universitaire mobilise les membres du corps professoral et du personnel technique, et les étudiants notamment dans des laboratoires et sur le terrain. Les résultats de leurs travaux sont diffusés dans le monde entier et deviennent, à leur tour, l’assise de nouvelles recherches et de l’innovation. Les collèges, quelle que soit leur taille, ont de dynamiques programmes de recherche adaptés au contexte et aux besoins locaux, tandis que le secteur dans son ensemble est rassemblé par un système de partage des connaissances dont nous bénéficions tous. Les compétences fondamentales ou pratiques qui sont enseignées et peaufinées dans notre secteur émergent de nos classes et laboratoires, soutenant les efforts à but lucratif et non lucratif tout comme les organisations. De nombreux programmes établissent des partenariats avec des groupes communautaires dans le cadre de stages ou d’activités. Nos universités et collèges créent des programmes novateurs, comme les humanités médicales ou l’apprentissage axé sur le territoire, qui évoluent en fonction de l’imagination et de la curiosité des gens.

Les universités sont également des centres sociaux et communautaires. Les services offerts sur les campus, comme les bibliothèques, librairies, installations sportives et cliniques, peuvent servir les populations locales. Elles accueillent des camps de sports et des événements culturels ouverts au grand public. Nombre d’entre nous ont suivi des cours de natation dans la piscine du collège local. Les élèves du secondaire peuvent en utiliser les terrains de sport ou les salles de spectacle. C’est aussi sur les campus que beaucoup d’entre nous vont voter.

L’université n’est pas une institution désincarnée. Elle est profondément ancrée dans les vies et les aspirations des gens qui y travaillent et y étudient, ainsi que de ceux qui habitent sur le campus ou à proximité. L’université est un portail qui lie le particulier au général, et les connaissances ancestrales aux nouveaux médias. Elle fournit une éducation de qualité supérieure dans de petites et grandes villes. C’est, à mon sens, l’une des plus extraordinaires institutions que l’être humain a créées. L’Université Laurentienne doit être sauvée, pour le personnel, pour les étudiants, pour Sudbury et pour nous tous.

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