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La nécessité de protéger le savoir autochtone

La nécessité de protéger le savoir autochtone

Recueil de récits public en langue malécite

La Première Nation Malécite tente depuis longtemps de pré­server sa culture. Ce faisant, elle a fait face à de nombreux défis : vol de ses terres, destruction des ressources halieutiques, horreur des pensionnats. Toutefois, il en est un qui a surgi de nulle part : la Loi sur le droit d’auteur.

« Les gens sont stupéfaits d’apprendre qu’une génération a perdu nos histoires simplement parce que nous les avons ra­contées à quelqu’un. Pourtant, c’est ce que dit la Loi cana­dienne sur le droit d’auteur », raconte Andrea Bear Nicholas, une Malé­cite de la réserve de la Première Nation Tobique et ex-titulaire de la chaire en études autochtones de l’Université St. Thomas.

Retour en arrière au début des années 1970. Les aînés malécites se racontent alors au professeur Laszlo Szabo, de l’Université du Nouveau-Brunswick. Parce que ce dernier fait fonctionner un magnétophone, il obtient automatiquement le droit d’auteur sur les enregistrements sonores en vertu de la Loi sur le droit d’auteur. Du fait de cette bizarrerie de la Loi, les aînés, qui souhaitaient seulement que leurs histoires soient publiées, se sont retrouvés embourbés dans une longue bataille juridique sur la propriété et l’utilisation des enregistrements.

Au printemps 2016, plus de 40 ans après les premiers enregistrements, la communauté surmonte enfin sa crainte de représailles juridiques, monte au front et, soutenue par l’ACPPU, publie le matériel. « Ces aînés étaient tous disparus au moment de la publication de leurs récits, dit Mme Bear Nicholas. Et la plupart de leurs enfants aussi. Leurs œuvres constituent mainte­nant l’héritage des petits-enfants. »

Pour Robin Vose, président sortant de l’ACPPU, cette situation illustre un déséquilibre fondamental entre la loi et la justice. « Dans le cas des histoires vécues captées par une personne de l’extérieur, il est injuste que l’on se réclame de la technologie employée pour justifier un droit de regard sur le ma­té­riel. La communauté académique doit écouter les peuples autochtones, considérer les préjudices causés par ces situations et les réparer. »

M. Vose explique son appel à l’action en indiquant que l’examen de la Loi prévu prochainement par le gouvernement fé­déral est l’occasion d’exercer des pressions pour faire bouger les choses. En 2017, le Parlement canadien est légalement tenu de mener un examen de la Loi sur le droit d’auteur, afin de dé­ter­miner si, dans le cas d’une œuvre littéraire ou artistique, la Loi établit un juste équilibre entre utilisateurs, créateurs et titulaires du droit d’auteur.

S’il portera sur des points de désaccord connus (comme la durée du droit d’auteur et l’utilisation en classe de matériel pédagogique), l’examen pourra aussi éclairer la relation entre le droit de la propriété intellectuelle et les communautés autochtones.

Marie Battiste, représentante ordinaire (Autochtone) de l’ACPPU, estime que le nœud de la question est la suprématie de la Constitution, et les droits conférés aux Autochtones par la Constitution.

« La Constitution doit transcender les lois, avance Mme Battiste. Autrement dit, la Loi sur le droit d’auteur ne peut violer les droits garantis par la Constitution qui confèrent aux peuples autochtones le droit de regard sur l’utilisation de leurs œuvres tan­gibles et intangibles. Ce principe est reconnu par les tribunaux et défendu par le Canada dans sa position sur la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies. »

Mme Battiste indique que l’ACPPU en fera un enjeu du processus d’examen officiel l’an prochain.

« Surveillez-nous bien, conclut-elle. Nous ne permettrons pas que la législation sur le droit d’auteur continue de nuire aux intérêts des peuples autochtones. »