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Tribune libre / Tous ensemble contre le projet de loi 12 : la lutte pour les universités de la Nouvelle-Écosse

Tribune libre / Tous ensemble contre le projet de loi 12 : la lutte pour les universités de la Nouvelle-Écosse

Par Teresa Workman

Le récent dépôt par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse du projet de loi 12 — l’un des nombreux textes législatifs qui supprimeront les protections environnementales, limiteront la liberté d’information et aligneront nos universités sur les priorités du gouvernement — a jeté un froid indéniable ici, sur la côte est. Si l’on ajoute le sentiment de malaise qui émane du climat politique au sud de la frontière, je dirais que la communauté universitaire de la région est inquiète. En ces temps difficiles, il est impératif que nous fassions front commun contre ce dangereux projet de loi.

S’il est adopté, le projet de loi 12 accordera au ministre de l’Enseignement supérieur un pouvoir sans précédent sur la gouvernance des universités, les priorités de recherche et la prise de décision institutionnelle. Alors que le projet de loi est présenté comme une mesure de durabilité et de responsabilité, il menace le fondement même de l’indépendance académique et de l’autonomie des universités. L’ingérence du gouvernement dans nos établissements n’est pas seulement une question administrative, c’est une attaque fondamentale contre la capacité des universités à favoriser la pensée critique, l’innovation et le discours démocratique.

L’organisme Research Nova Scotia, une entité indépendante qui finance la recherche dans la province, sera contrainte d’aligner ses décisions de financement sur les priorités imposées par le gouvernement. Cela donne au Ministre le pouvoir unilatéral de dicter les grandes orientations de la recherche. Par conséquent, des domaines d’études essentiels qui ne correspondent pas nécessairement à l’agenda politique immédiat du gouvernement, tels que la recherche sur le changement climatique, la gestion des limitations fonctionnelles ou la génomique dans l’agriculture, pourraient voir leur financement réduit ou supprimé.

Les universités existent pour cultiver la pensée critique, l’innovation et la liberté académique, et non pour servir de chambre d’écho aux préférences gouvernementales. Lorsque la recherche est dictée par des motifs politiques plutôt que par la quête intellectuelle, c’est toute la province qui en pâtit.

Le projet de loi 12 permettrait au Ministre de suspendre le financement d’une université qui ne s’alignerait pas sur les priorités sociales et économiques imposées par le gouvernement. En outre, le projet de loi habilite le Ministre à imposer un « plan de revitalisation » à sa discrétion, ce qui signifie que les universités pourraient être contraintes de se restructurer pour des motifs politiques plutôt que pour répondre à des besoins éducatifs. Cet amendement menace le droit à la négociation collective des employées et employés des universités.

Un autre élément du projet de loi 12 porte sur la University Board Governance Act (Loi sur la gouvernance des conseils d’administration des universités). Cette loi permet au Ministre de nommer jusqu’à la moitié des membres du conseil d’administration d’une université, accordant ainsi au gouvernement une influence directe sur la gouvernance de l’université. L’indépendance des conseils d’administration est essentielle pour garantir que les universités sont gérées dans le meilleur intérêt de leurs étudiantes et étudiants, du personnel académique et de leurs collectivités, et non en fonction des caprices politiques du gouvernement en place. Le projet de loi ne tient pas compte du rôle crucial que jouent les sénats dans la gouvernance des universités. En sapant ce modèle de gouvernance collégiale, le projet de loi démantèle la structure démocratique qui permet aux universités de fonctionner comme des institutions indépendantes.

Mais l’effet le plus alarmant de ce projet de loi est la peur et l’appréhension auxquelles est confronté le personnel académique. Le personnel académique des universités de la Nouvelle-Écosse est déstabilisé par le projet de loi 12, qui représente un niveau sans précédent d’intrusion du gouvernement dans les établissements d’enseignement postsecondaire. Ce projet de loi menace l’autonomie fondamentale des universités, en transférant le pouvoir des experts académiques aux mains d’administratrices et d’administrateurs nommés par le gouvernement, dont les priorités peuvent ne pas correspondre à la mission fondamentale de l’éducation postsecondaire. La crainte ne porte pas seulement sur les changements de politique, mais sur l’érosion de la liberté académique, sur la possibilité de prendre des décisions motivées par des considérations politiques et sur l’effet dissuasif que cela aura sur le personnel académique et sur les étudiantes et étudiants.

Une crainte réelle existe que ce projet de loi ne conduise à des décisions de financement basées sur la conformité plutôt que sur le mérite académique, obligeant les universités à répondre aux « priorités sociales et économiques » définies par le gouvernement au détriment des disciplines qui favorisent la créativité, l’analyse critique et l’innovation. La menace de suppression ou de réduction de programmes, en particulier dans le domaine des sciences humaines et sociales, est réelle, surtout pour les établissements ruraux de petite taille qui n’ont pas la flexibilité financière de leurs homologues urbains.

Le projet de loi 12 ne correspond pas seulement à un changement de politique. Il constitue une menace existentielle pour l’intégrité de l’éducation postsecondaire en Nouvelle-Écosse. Une fois l’indépendance des universités compromise, il pourrait être pratiquement impossible de la rétablir. À un moment où la collaboration entre le gouvernement et le milieu académique est la plus nécessaire, le projet de loi 12 risque de centraliser le pouvoir d’une manière qui réduira au silence la pensée indépendante, limitera la liberté de recherche et diminuera la capacité des universités à servir de piliers essentiels à la démocratie.

Avec une super-majorité, comme celle dont dispose actuellement le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, il ne sera peut-être pas possible d’arrêter ce projet de loi. Au moment où le présent texte sera publié, le projet de loi 12 aura peut-être déjà reçu la sanction royale. Mais si nous avons ne serait-ce qu’une petite chance de l’arrêter, il faudra que toutes les parties intéressées s’opposent activement au projet de loi 12 et exigent un processus législatif équitable et transparent qui protège l’indépendance des universités de la Nouvelle-Écosse. Nous ne pouvons pas laisser le projet de loi 12 être adopté sans résistance. Nous devons faire front commun, car seule la force collective permet d’arrêter un tyran.

L’avenir des universités de la Nouvelle-Écosse et la qualité de l’éducation pour les générations à venir dépendent de notre volonté de lutter pour la liberté académique aujourd’hui. Nous devons à nos universités d’essayer.


Teresa Workman, MPR, est directrice des communications de l’Association of Nova Scotia University Teachers (ANSUT)

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