Le 15 décembre 2020, l’ACPPU a organisé une discussion virtuelle à propos de la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’examiner les incidences de celle-ci et la voie à suivre pour l’avenir.
Pat Armstrong, animatrice de cette discussion et co-présidente du Comité de l’équité de l’ACPPU, a fait observer que l’origine de la Loi remonte à 1984, année où la juge Rosalie Abella a publié son Rapport de la Commission sur l’égalité en matière d’emploi. Le Rapport Abella a innové en présentant le concept d’« équité en matière d’emploi », une politique exclusivement canadienne visant à lever les obstacles en milieu de travail auxquels se heurtent les groupes en quête d’équité.
Le rapport a aussi débouché sur la création de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, du Programme légiféré d’équité en matière d’emploi, et du Programme de contrats fédéraux.
L’une des intervenantes, Carol Agócs, professeure émérite au département de science politique à l’Université Western, a affirmé que la juge Abella avait souligné l’importance capitale de comprendre la signification de l’égalité.
« L’essentiel pour comprendre ce qui est en jeu dans la mise en œuvre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, c’est de respecter les différences, car c’est ce qui permet aux gens d’être traités sur un pied d’égalité. Le fait de ne pas tenir compte des différences crée l’inégalité. »
Carol Agócs a résumé les points forts, les points faibles et les incidences de la Loi. Elle a aussi souligné que les entreprises et les organisations qui relèvent du Programme de contrats fédéraux sont plus susceptibles que les autres d’avoir un effectif diversifié.
Elle a ajouté que « le lieu de travail d’aujourd’hui est très différent de celui pour lequel la Loi sur l’équité en matière d’emploi a été élaborée […] Dans le scénario idéal, le groupe de travail sur la modernisation de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, dont la création a été annoncée récemment, pourrait résoudre quelques-unes des faiblesses intrinsèques de la Loi et recommander un financement approprié permettant de soutenir la mise en œuvre adéquate de celle-ci par les employeurs ainsi que les fonctions de la Commission canadienne des droits de la personne en matière d’audit et d’application de la loi ».
Larry Rousseau, vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada, a souligné la nécessité de longue date de renforcer la Loi afin de dépasser la rhétorique et d’instaurer des lieux de travail où règnent véritablement la diversité, l’équité et l’inclusion.
Il a posé les questions suivantes : « La Loi permettra-t-elle de tenir compte des groupes qui subissent une discrimination systémique et qu’elle ne reconnaît pas pour l’instant? […] Les LGBTQS+ deviendront-ils le cinquième groupe désigné par la Loi? »
Larry Rousseau a également mis en garde contre l’utilisation de l’expression « minorités visibles », qui a été largement critiquée, parce qu’elle rassemble sous une seule appellation de nombreux groupes très différents et cache ainsi les formes distinctes de racisme et de discrimination que subissent, par exemple, les personnes noires, les musulmans ou les sikhs.
Il a expliqué qu’il fallait non seulement examiner la représentation des membres des groupes en quête d’équité dans tous les lieux de travail, mais aussi les endroits où ces membres travaillent, les emplois qu’ils occupent et leur présence aux différents niveaux de l’effectif.
« [Les membres des groupes en quête d’équité] ont-ils accès à des promotions? Ont-ils des occasions de développer leurs compétences et de progresser au cours de leur carrière? Quelles ont été les mesures prises afin de changer les choses? Lesquelles sont efficaces? La loi aura#t#elle les épaules assez solides pour que les objectifs concernant l’équité en matière d’emploi soient atteints? Quelles mesures faut-il prendre pour exiger et obtenir une reddition de comptes? Comment pouvons-nous mieux intégrer l’intersectionnalité dans l’évaluation de la réussite? La loi permettra-t-elle de collecter et d’utiliser, à des fins administratives, des données adéquatement subdivisées qui aideront à mieux comprendre les obstacles pouvant encore poser problème pour les groupes en quête d’équité? »
Malinda Smith, professeure en science politique et toute première vice-rectrice (Équité, diversité et inclusion) à l’Université de Calgary, s’est particulièrement intéressée au manque de données qui compromet la capacité à mesurer les progrès réalisés dans le cadre du Programme de contrats fédéraux ainsi qu’aux incidences pour les universités et les collèges.
« Les universités disposent de renseignements sur le genre, car ceux-ci figurent sur tous les formulaires à remplir, mais elles n’ont pas de données comparables sur les minorités visibles ou racialisées ou sur les personnes autochtones, handicapées ou LGBTQ. Nous devons nous attaquer à cette mosaïque de données disparates ainsi qu’à cette approche uniformisée. Si vous ne pouvez pas repérer les obstacles et les préjugés, cela signifie que vous n’êtes pas en mesure de discuter de leur élimination. »
Malinda Smith a indiqué qu’avant que le gouvernement conservateur n’augmente le seuil du Programme de contrats fédéraux en le faisant passer de 200 000 $ à 1 million de dollars en 2013, environ 60 établissements postsecondaires étaient concernés, alors qu’aujourd’hui seuls quelques-uns sont tenus de procéder à une analyse de leur effectif. Selon elle, la Loi doit couvrir davantage de lieux de travail et renforcer les mécanismes de reddition de comptes. Elle a cité en exemple les récents changements apportés au Programme des chaires de recherche du Canada, en laissant entendre que ceux-ci pourraient être étendus de manière à ce que tout établissement recevant un financement fédéral soit tenu de réaliser des progrès en ce qui concerne l’équité en matière d’emploi.
Au cours de la discussion, les participants ont souligné le rôle primordial des mouvements sociaux et des syndicats pour instiller des changements législatifs à l’échelle provinciale et fédérale et la reddition de comptes à l’échelle des établissements. Ils ont aussi discuté de l’utilité d’une législation sur l’équité en matière d’emploi, agissant indépendamment des protections conférées par les droits de la personne, et ont surtout parlé de la nécessité de prendre des mesures proactives afin d’éliminer les obstacles que rencontrent les groupes subissant une discrimination systémique et persistante au sein de la population active.