Back to top

Enseignement à distance pendant la pandémie de COVID-19

Les universités et collèges élaborent des plans pour l’année universitaire 2020-2021, et beaucoup se préparent à continuer d’enseigner à distance totalement ou en partie. Le passage initial à l’enseignement à distance en mars 2020 répondait à une urgence sanitaire immédiate découlant de la pandémie de COVID-19. Alors que les établissements se concentrent sur une planification à plus long terme, les décisions relatives à l’année universitaire 2020-2021, notamment en ce qui concerne le mode de prestation, devraient être prises en consultation avec les associations de personnel académique et elles devraient respecter les processus de gouvernance collégiale et les conventions collectives.

Bon nombre d’associations de personnel académique ont déjà des clauses dans leur convention collective ou des lettres d’entente sur l’enseignement en ligne et à distance. La modification de ces ententes doit être négociée avec les associations. Une certaine souplesse peut être nécessaire pour se conformer aux ordonnances de santé publique, mais les associations de personnel académique doivent veiller à ce que les mesures d’urgence visant l’enseignement soient temporaires et prises uniquement en réponse à une situation extraordinaire. Toute entente sur des modifications à la convention collective et aux droits des membres doit se limiter à l’année universitaire 2020-2021, faire l’objet d’un réexamen régulier et n’être renouvelée que si la situation le justifie.

Gouvernance collégiale et liberté académique

Conformément aux principes de la gouvernance collégiale, l’organe de gouvernance académique compétent doit être chargé de toutes les décisions concernant l’annulation de cours, leur modification ou la poursuite temporaire de l’enseignement à distance. L’administration ne doit en aucun cas utiliser la situation actuelle pour contourner des processus collégiaux ou prendre des décisions académiques définitives. La pandémie ne doit pas servir de prétexte pour instaurer une transformation plus durable de l’enseignement.

Le principe de la liberté académique ainsi que les clauses particulières que contiennent de nombreuses conventions collectives confèrent au personnel académique le droit de décider du mode de prestation. Le personnel académique doit avoir le droit de décider de la façon la plus efficace d’un point de vue pédagogique de proposer des solutions de remplacement aux cours en présence et aux laboratoires, sous réserve des politiques énoncées par les organes de gouvernance académique et dans la mesure où ces solutions de remplacement seraient nécessaires.

Quand il n’est pas possible de dispenser les cours en présence, les établissements et les associations de personnel académique doivent veiller à ce que la liberté académique ne soit pas compromise par l’enseignement à distance. Des protections explicites doivent être en place pour éviter le partage de données, la surveillance et l’enregistrement des cours en ligne.

Les établissements doivent prendre des mesures pour protéger les étudiants qui sont à l’étranger, dans des pays où les autorités locales risquent de bloquer, de surveiller ou d’assujettir à la censure le matériel didactique et où, de ce fait, les étudiants courraient des risques. Les universités et collèges ont la responsabilité de défendre la liberté académique, et ils ne doivent pas refiler cette responsabilité aux étudiants ou au personnel académique. Non seulement serait-il totalement inapproprié pour une administration de recommander à un membre du corps professoral de modifier ou de supprimer des éléments de contenu susceptibles de prêter à controverse, mais cela constituerait une violation de la liberté académique. Les universités et collèges devraient plutôt veiller à ce que les plateformes d’enseignement à distance qu’ils utilisent : 1) protègent la vie privée des étudiants et des membres du corps professoral et réduisent au minimum la collecte de données, surtout celles permettant une forme d’identification; 2) protègent notamment la propriété intellectuelle créée, conservée, enregistrée ou diffusée sur des plateformes contre l’exploitation commerciale par le fournisseur de la plateforme ou des tierces parties; et, 3) énoncent clairement les politiques du fournisseur de la plateforme relativement à l’ingérence potentielle de l’État. L’Association for Asian Studies a préparé un guide utile pour le personnel académique et les administrations (en anglais) qui expose les mesures à prendre pour protéger l’exercice de la liberté académique et assurer la sécurité des étudiants qui sont à l’étranger.

Propriété intellectuelle

La propriété du matériel didactique a d’importantes implications pour la liberté académique, la réputation, la garde et le contrôle, et le droit d’auteur. Le personnel académique doit donc conserver les droits de propriété intellectuelle sur le contenu des cours dispensés à distance ou en ligne. Il ne faut en aucun cas que des cours en ligne préparés pour une utilisation interne soient partagés avec d’autres établissements ou transférés à des tiers sans l’autorisation expresse du créateur du cours. Le personnel académique a le droit de contrôler la diffusion du matériel qu’il crée, et ce aux termes d’accords de licence de son choix.

Lorsqu’il prépare du matériel didactique pour l’enseignement en ligne, le personnel académique doit être informé des ressources éducatives libres et suivre le principe d’utilisation équitable quant à l’utilisation de matériel protégé par le droit d'auteur. L’utilisation équitable confère le droit de reproduire des œuvres sans autorisation ni paiement dans certaines limites. De plus, la Loi sur le droit d’auteur prévoit plusieurs exceptions précises qui permettent de reproduire une œuvre sans autorisation ni paiement. Certaines de ces exceptions se limitent au contexte éducatif, tandis que d’autres concernent tous les utilisateurs d’œuvres protégées par le droit d'auteur. Pour en savoir plus, consultez les Lignes directrices de l’ACPPU pour l’utilisation de documents protégés par le droit d’auteur.

Charge de travail et rémunération

La création de modes d’enseignement en ligne nécessite un soutien technique spécialisé, une formation et un temps de préparation supplémentaire qui influeront sur la charge de travail. Les administrations ne peuvent tout simplement pas s’attendre à ce que le personnel propose des cours, des laboratoires et des séminaires additionnels pour s’adapter aux protocoles de distanciation physique sans ressources en personnel, crédits ou rémunération supplémentaires.

Certaines conventions collectives comprennent des clauses qui accordent des crédits plus importants pour les cours en ligne dans l’affectation de la charge de travail globale d’un membre. Ces clauses peuvent être utilisées pour garantir une répartition équitable et raisonnable de la charge d’enseignement à distance. Certaines associations de personnel académique ont négocié une rémunération supplémentaire, notamment pour le personnel académique contractuel qui ne peut pas bénéficier d’une réduction de la charge de cours.

Les associations doivent connaître les autres facteurs qui peuvent influer sur la charge de travail en enseignement à distance. La taille des classes et la disponibilité d’assistants à l’enseignement et de correcteurs sont à prendre en considération. Les organes académiques compétents doivent décider de la taille des classes, de même que de l’aide à l’enseignement et à la correction, sous réserve des clauses applicables des conventions collectives.

Les établissements doivent également apporter le soutien et le personnel technologiques voulus. L’équipement et les logiciels nécessaires doivent être fournis par l’établissement, à défaut de quoi les dépenses du personnel doivent être remboursées. L’absence de ressources et de soutien suffisants ouvre la voie au dépôt d’un grief individuel ou de principe. L’administration qui demande à un membre d’engager des dépenses pendant qu’il est en télétravail doit produire des documents fiscaux conformes aux directives de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Externalisation

Certains établissements pourraient envisager d’externaliser des cours à distance ou en ligne pour l’année universitaire 2020-2021. Cela suppose des contrats avec des fournisseurs tiers ou le partage de cours entre établissements, des cours d’un établissement étant ouverts aux étudiants d’autres établissements en utilisant des portails en ligne communs, des transferts de crédits, des accords de reconnaissance ou une collaboration entre établissements pour préparer des cours communs. Ces projets suscitent des inquiétudes liées à l’externalisation du travail de membres. Les associations de personnel académique doivent veiller à ce que le travail de préparation, d’enseignement et de révision de tous les cours en ligne continue de relever de l’unité de négociation.

Les associations doivent s’opposer à la prestation privée de cours en ligne et décourager le partage de cours s’il entraîne une perte de travail pour l’unité de négociation. Le partage de cours peut être utilisé dans certains cas par les membres comme complément à des cours existants, mais jamais en remplacement de ces cours.

Certaines conventions collectives autorisent les administrations à conclure des contrats avec des membres afin de permettre l’octroi de licences pour des cours en ligne et d’autres travaux commandés. L’association n’est pas signataire de contrats individuels, mais elle doit recevoir copie de toute correspondance entre le membre et l’administration. Les membres doivent être avisés de leur droit de demander l’assistance de l’association avant de signer ces contrats. L’association doit veiller à ce qu’aucun contrat ne restreigne la liberté académique. La garde et le contrôle, ainsi que le droit d’auteur doivent continuer d’appartenir au créateur. Les contrats ne doivent pas accorder à l’établissement plus d’une année de licence autorisant le partage du cours avec des partenaires désignés. Les associations doivent être vigilantes et repérer les contrats qui confèrent la propriété à l’établissement ou au partenaire extérieur, ainsi que les contrats qui ne préservent pas les droits moraux du créateur. En l’absence de modalités contractuelles explicites à l’effet contraire, le droit d’auteur appartient au créateur.

Dans tous les cas, le créateur doit avoir le droit de donner le cours et avoir le contrôle des révisions. Lorsqu’il est approprié que ces fonctions reviennent à d’autres personnes, ces personnes doivent faire partie de l’unité de négociation, les droits et responsabilités de chacune doivent être clairement énoncés et le créateur doit en donner l’autorisation.

Équité et inclusion

L’enseignement à distance soulève des questions d’équité et d’adaptation pour les étudiants et pour le personnel académique. L’enseignement à distance synchronisé ne sera pas propice à l’inclusion des étudiants qui se trouvent dans d’autres fuseaux horaires dans le monde. Certains étudiants et membres du personnel n’auront pas toujours accès à une connexion Internet fiable, à des appareils ou aux logiciels voulus. Il se peut aussi que le personnel académique ait besoin d’un soutien spécialisé pour que le matériel didactique en ligne soit accessible aux étudiants ayant une déficience visuelle, une déficience auditive, des troubles d’apprentissage ou une maladie mentale ou autre nécessitant des mesures d’adaptation. Les établissements doivent fournir des structures et des programmes de soutien à tous les étudiants et à tout le personnel aux prises avec des difficultés accrues.

Conclusion

Les associations de personnel académique doivent veiller à ce que les décisions relatives à l’enseignement à distance respectent pleinement la gouvernance collégiale, la liberté académique et la convention collective. Une certaine souplesse peut être nécessaire dans l’approche, mais les associations de personnel académique doivent chercher à protéger les principes clés suivants :

  • Les décisions académiques doivent être prises dans le cadre de processus collégiaux normaux. Le personnel académique doit prendre toutes les décisions académiques, par l’intermédiaire des organes de gouvernance de son établissement, y compris celles entraînant des changements dans le mode de prestation des cours.
  • Le mode de prestation relève d’une décision pédagogique et découle de la liberté académique, qui est un droit. Le personnel académique doit décider du mode de prestation des cours, sous réserve des politiques élaborées de manière collégiale et des dispositions de la convention collective. Dans le contexte actuel, ces décisions peuvent être limitées par des directives de santé publique et des considérations relatives à la sécurité. Cependant, le personnel académique doit décider de la meilleure façon de dispenser un cours ou un programme à distance.
  • Le droit d’auteur doit continuer d’appartenir au créateur du cours. Le personnel académique doit conserver le droit d’auteur rattaché au matériel didactique qu’il produit. En l’absence de modalités contractuelles explicites à l’effet contraire, le droit d’auteur appartient au créateur.
  • Les dispositions relatives à l’enseignement à distance doivent protéger contre l’externalisation. Les associations de personnel académiques doivent se montrer vigilantes dans la protection du travail de l’unité de négociation contre l’externalisation.
  • Le personnel doit être rémunéré ou crédité pour la charge de travail accrue. Les heures supplémentaires correspondant à la préparation des cours et à leur enseignement à distance doivent être reconnues et rémunérées.