DAVID HEALY (Université de Toronto)
Lorsque David Healy a accepté les postes de directeur clinique du Programme des troubles de l'humeur et d'anxiété du Centre de toxicomanie et de santé mentale et de professeur de psychiatrie à l'Université de Toronto, il ne se doutait pas que sa liberté académique ne serait pas protégée. Chercheur éminent au collège de médecine de l’Université du pays de Galles, David Healy a fait l'objet d'un recrutement actif de la part de CAMH et du département de psychiatrie dès juillet 1999, et a accepté leur offre en septembre 2000. Deux mois plus tard, il figurait parmi plusieurs chercheurs de renom invités à prendre la parole lors d'un colloque international sur l'histoire et l'avenir de la psychiatrie qui se tenait à Toronto. David Healy s’est prononcé sur l'interaction entre les nouveaux médicaments et l'ordre social, ainsi que les conflits entre la pratique clinique, la science et les affaires. Il s'est dit préoccupé par la possibilité que de grandes sociétés pharmaceutiques, tout comme les grandes entreprises de tabac, évitent de mener des recherches susceptibles de révéler les risques associés à leurs produits. Avant même qu'il arrive à la maison, son offre d'emploi avait été annulée.
Dre GABRIELLE HORNE (Université Dalhousie)
En octobre 2002, les recherches de la Dre Gabrielle Horne, professeure adjointe de médecine, ont été suspendues d'une façon qui a suscité de vives inquiétudes. L'ACPPU a mis sur pied un comité indépendant chargé d'enquêter sur la séquence d'événements ayant entraîné et suivi la modification des privilèges de la Dre Horne au Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, afin de déterminer s'il y avait eu atteinte ou menace à sa liberté académique. Le rapport du comité fait état de lacunes dans les statuts, les politiques, les procédures, la culture médicale académique et les documents qui, ensemble, constituent le fondement des activités communes de la Régie régionale de la santé Capital et de l'Université Dalhousie. En particulier, le Comité a constaté que : (1) aucune des conditions essentielles pour garantir le droit à la liberté académique des médecins membres du personnel académique de l'Université Dalhousie et de la Régie régionale de la santé Capital n'était remplie; (2) l’important concept de collégialité avait été mal compris et mal appliqué; (3) la norme élevée d'équité requise pour protéger les droits des médecins confrontés à une modification ou à une suspension de leurs privilèges hospitaliers n'avait pas été respectée; (4) il n'y avait pas de processus officiel de résolution des litiges fondé sur des procédures équitables et menant à une décision finale et contraignante dans des délais raisonnables.
Dre NANCY OLIVIERI (Université de Toronto)
L’affaire concernant la Dre Nancy Olivieri, clinicienne à l’Université de Toronto, a attiré l’attention de la communauté internationale lorsque les recherches qu’elle effectuait à l’Hospital for Sick Children à la fin des années 1990 l’ont amenée à croire qu’un nouveau médicament était dangereux pour certains patients. Selon la Dre Olivieri, l’hôpital et l’université n’avaient pas pris sa défense lorsque Apotex, l’un des bailleurs de fonds de ses recherches, s’était opposé à ce qu’elle publie ses résultats. L’affaire a été examinée par le Comité de la liberté académique et de la permanence de l’emploi de l’ACPPU puis soumise à un comité d’enquête indépendant qui a conclu, dans son rapport, à de sérieuses violations de la liberté académique. Lire la suite
GEORGE NADER (Université Trent)
En 2001, George Nader, professeur titulaire, s'est vu refuser le renouvellement de son mandat de directeur du collège Peter Robinson de l'Université Trent malgré la recommandation positive d'un comité d’embauche. Cette décision fait suite à une période de controverse au cours de laquelle la survie du collège Peter Robinson n’était pas assurée. M. Nader avait activement critiqué le projet de fermeture du collège par l’administration. Une enquête de l'ACPPU a révélé que M. Nader disposait de la pleine protection de la liberté académique dans son poste administratif de directeur et qu’en refusant de renouveler son mandat, l'université avait violé son droit à la liberté académique intra-muros de critiquer l'établissement.
DAVID NOBLE (Université Simon Fraser)
Selon le professeur David Noble, l'administration de l’Université Simon Fraser avait violé sa liberté académique en refusant de le nommer à la chaire J.S. Woodsworth en sciences humaines. Une enquête de l’ACPPU a conclu que le processus de nomination suivi pour étudier la candidature de M. Noble n’avait pas respecté, à plusieurs égards, les pratiques académiques établies et comptait des interventions non appropriées de la part du doyen de l’université.
MARY BRYSON (Université de la Colombie-Britannique)
Après avoir été chargée de préparer un nouveau cours en direct, Mary Bryson, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique, a reçu un courriel de l'administrateur du programme lui demandant de signer un contrat en vue de transférer les droits du « matériel didactique » à l'université. Le contrat exigeait que Mme Bryson reconnaisse que l'université pouvait se servir du matériel sans attribuer la paternité de l'œuvre, qu'elle pouvait le réviser, le modifier ou l'utiliser dans un autre contexte sans le consentement de l'autrice. Le contrat stipulait en outre que la décision de déterminer quel matériel serait utilisé dans le cours revenait à l'université et non à Mme Bryson. Mme Bryson a refusé de signer le contrat et s’est vue retirer la responsabilité de préparer le cours. L'association de personnel académique a déposé un grief contre l'employeur en vertu de la convention collective. L'affaire est allée à l'arbitrage. Dans une décision importante, l’arbitre James Dorsey a déterminé que la portée du pouvoir exclusif de négociation du syndicat incluait le droit de négocier les affaires découlant de la propriété du droit d'auteur et que l'employeur avait violé ce droit en négociant directement avec les membres dans cette affaire. L'arbitre a aussi établi qu’ « il est important pour soutenir, favoriser et préserver la liberté académique d’accorder la propriété du droit d'auteur du travail produit en cours d'emploi au membre du personnel académique qui l’a produit, plutôt qu’à l’université qui emploie le membre. » La décision d'arbitrage Bryson est un arrêt-clé dans la lutte menée pour veiller à ce que le personnel enseignant, et non l’administration, décide du contenu des cours.
STÉPHANE MCLACHLAN et IAN MAURO (Université du Manitoba)
En 2002, le professeur Stéphane McLachlan et l’étudiant au doctorat Ian Mauro, de l’Université du Manitoba, ont compilé les résultats de recherches qu’ils avaient menées sur l’incidence des récoltes génétiquement modifiées sur l’agriculture et les ont présentées dans le documentaire intitulé Seeds of Change: Farmers, Biotechnology and the New Face of Agriculture. Leurs travaux avaient été financés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Au moment où les auteurs devaient présenter le documentaire, l’administration de l’Université du Manitoba en a bloqué la diffusion en invoquant une politique de longue date qui confère à l’université un intérêt dans tous les enregistrements réalisés avec le matériel lui appartenant. L’expérience de M. McLachlan et de M. Mauro illustre bien comment les revendications d’une université en matière de propriété intellectuelle peuvent nuire à la liberté académique.