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Fondement juridique de la liberté académique au Canada

Fondement juridique des programmes d’équité spéciaux

À l’échelle internationale

La Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur (1997) définit la liberté académique comme suit :

26. Comme tous les autres groupes et individus, le personnel enseignant de l’enseignement supérieur devrait jouir des droits civils, politiques, sociaux et culturels internationalement reconnus applicables à tous les citoyens. En conséquence, tout enseignans de l'enseignement supérieur a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, d'expression, de réunion et d'association, ainsi qu’à la liberté et à la sécurité de sa personne, et à la liberté de circulation. Les enseignants devraient pouvoir exercer sans obstacle ni entrave les droits civils qui sont les leurs en tant que citoyens, y compris celui de contribuer au changement social par la libre expression de leur opinion sur les politiques de l'État et les orientations concernant l'enseignement supérieur.

28. Les enseignants de l'enseignement supérieur ont le droit d'enseigner à l’abri de toute ingérence dès lors qu’ils respectent les principes professionnels reconnus, notamment ceux de la responsabilité professionnelle et de la rigueur intellectuelle à l’égard des normes et des méthodes d'enseignement. Aucun enseignant du supérieur ne devrait être contraint de dispenser un enseignement qui soit en contradiction avec le meilleur de ses connaissances ou qui heurte sa conscience, ni d'utiliser des programmes ou des méthodes d’enseignement contraires aux normes nationales et internationales en matière de droits de l'homme. Le personnel enseignant de l'enseignement supérieur devrait jouer un rôle important dans l’élaboration des programmes d’enseignement.

29. Les enseignants de l'enseignement supérieur ont le droit d'effectuer des recherches à l’abri de toute ingérence ou de toute restrictions, dès lors que cette activité s’exerce dans le respect de la responsabilité professionnelle et des principes professionnels nationalement et internationalement reconnus de rigueur intellectuelle, scientifique et morale s’appliquant à la recherche. Les enseignants devraient avoir également le droit de publier et de communiquer les conclusions des travaux dont ils sont les auteurs ou coauteurs.

31. Les enseignants de l'enseignement supérieur devraient avoir le droit et la possibilité de participer, sans discrimination d'aucune sorte et selon leurs compétences, aux travaux des organes directeurs des établissements d’enseignement supérieur, y compris le leur, et de critiquer le fonctionnement de ces établissements, tout en respectant le droit de participation des autres secteurs de la communauté universitaire; les enseignants devraient également avoir le droit d'élire la majorité de représentants au sein des instances académiques de l'établissement.

Au Canada

Les protections juridiques les plus fortes en matière de liberté académique au Canada sont contractuelles et sont intégrées et appliquées dans les conventions collectives négociées par les syndicats de personnel académique.1

Dans plusieurs décisions importantes, les arbitres du travail ont déterminé que la liberté académique joue un rôle essentiel dans une société démocratique et nécessite une interprétation large. L'arbitre Sims, dans l'affaire de l'Université de la Saskatchewan, a déclaré ce qui suit : « ...la liberté académique et ses protections sont des concepts qui doivent être interprétés de manière libérale afin de leur permettre d'atteindre leur objectif. »2 Dans l’affaire de l’association du personnel académique de l’Université du Manitoba : « Le principe de la liberté académique est d'une importance fondamentale non seulement pour l'université et les professeurs, mais aussi pour l'ensemble de la communauté. »3.

Les tribunaux canadiens ont rarement abordé la question de la liberté académique, mais lorsqu'ils l'ont fait, ils lui ont accordé une interprétation large et libérale. En 1990, le juge La Forest a écrit au nom de la majorité dans l'affaire McKinney c. Université de Guelph (un litige portant sur une affaire de retraite obligatoire), en obiter dicta, que la liberté académique est « une question d'une importance pressante et substantielle »4 puisqu'elle est nécessaire pour permettre « la recherche libre et sans crainte de connaissances et la propagation des idées »5 qui sont « essentielles au maintien d’une démocratie vivante »6.

Dans l'affaire Maughan c. University of British Columbia, la Cour a conclu que la liberté académique, comprise comme la « liberté d'exprimer et d'explorer des idées pour faire progresser à la fois la connaissance et la compréhension »7 , correspond à une valeur de la Charte dans la mesure où il s'agit d'une « valeur d'une importance critique dans une société libre et démocratique »8. Dans l'affaire Pridgen c. University of Calgary, la juge Paperny a écrit : « À mon avis, il n'y a pas de conflit conceptuel légitime entre la liberté académique et la liberté d'expression. La liberté académique et la garantie de la liberté d'expression contenue dans la Charte servent les mêmes objectifs : l'échange significatif d'idées, la promotion de l'apprentissage et la poursuite du savoir. »9 Dans l’affaire Parent c. R, la Cour a déclaré que « la liberté académique et l'importance des établissements d'enseignement supérieur et de la recherche universitaire sont des éléments clés d'une démocratie qui valorise la liberté de pensée et d'expression ».10


1 Michael Lynk, “Academic Freedom, Canadian Labour Law and the Scope of Intra-mural Expression.” Constitutional Forum, Vol. 29, No. 2 (2020), pp. 45-64.
2 J.R.S. Prichard. Déclaration publique, publiée par l'Université de Toronto, le 9 décembre 1998.
3 McKinney c. University of Guelph 1990 CanLII 60 (SCC), [1990] 3 SCR 229 à la page 281.
4 University of Saskatchewan v University of Saskatchewan Faculty Association, 2015 CanLII 27479 (SK LA),<https://canlii.ca/t/gj429>.
5 McKinney (SCC) page 282.
McKinney (SCC) pages 286-287
7 Maughan c. UBC, 2008 BCSC 14, paragraphe 2.
8 Maughan(BCSC) paragraphe 2.
9 Pridgenv. University of Calgary, 2012 ABCA 139, paragraphe 117.
10 Parent c. R., 2014 QCCS 132, au paragraphe. 123.