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Le coin du directeur général / Peur et haine en Floride

Le coin du directeur général / Peur et haine en Floride

Par David Robinson

Depuis quelques années, de nombreuses lois horribles sur l’enseignement supérieur ont été proposées aux États-Unis. Mais l’État de la Floride vient de battre de nouveaux records de bassesse.

À la fin de février, le projet de loi 999 a été présenté à la législature de la Floride. Il arrive dans la foulée d’autres projets de loi visant à interdire l’enseignement de la théorie critique de la race (critical race theory) ou à empêcher les professeures et les professeurs de témoigner contre des lois adoptées par l’État.

Le dernier projet de loi constitue une attaque en règle contre la liberté académique, la permanence et l’autonomie des établissements scolaires. Il éliminerait le financement destiné aux programmes d’équité dans les établissements de l’État et empêcherait les universités et les collèges « d’utiliser des énoncés sur la diversité, l’équité et l’inclusion, des discours sur la théorie critique de la race ou d’autres formes de filtres d’identité politique dans le processus d’embauchage ».

Le projet de loi accorderait aux conseils et aux recteurs un pouvoir presque unilatéral en matière d’embauchage en précisant que « le recteur et le conseil n’ont pas à tenir compte des recommandations ou des opinions des professeures et des professeurs d’université » dans leurs nominations.

Et, comme si ce n’était pas assez, le projet de loi donne aussi aux conseils le pouvoir de revoir la permanence d'une professeure ou d'un professeur en tout temps, ce qui, dans les faits, élimine le vrai sens de ce statut, qui constitue le rempart procédural protégeant la liberté académique.

Amanda Phalin, présidente du sénat des professeurs (faculty senate) de l’Université de la Floride, avertit que le projet de loi « met essentiellement fin à la liberté académique des universités et fait du système universitaire d’État une entité politique qui sera complètement contrôlée par toute personne élue à Tallahassee ».

Le président des professeurs unis de la Floride (United Faculty of Florida), Andrew Gothard, prédit que le projet de loi mènera à un exode des professeurs et des étudiants hors de la Floride. Avec raison, il accuse le gouverneur républicain Ron DeSantis d’hypocrisie parce que, d’un côté, il peste contre le supposé endoctrinement des étudiants et, de l’autre, il cherche à en faire autant en interdisant l’enseignement de la théorie critique de la race et des études de genre.

Il pourrait être tentant pour nous, au Canada, de balayer tout cela du revers de la main en affirmant que ce n’est qu’un exemple de plus de la guerre culturelle chaotique et polarisante qui fait rage aux États-Unis. Mais ce serait une erreur. Nous ne sommes pas à l’abri des attaques politiques menées contre l’enseignement supérieur comme celles qui ont lieu en Floride. Bien qu’à des degrés moins extrêmes, nous constatons une tendance croissante chez nos gouvernements à se mêler des affaires internes des établissements d’enseignement.

La riposte contre l’intrusion des gouvernements dans les universités et collèges ne peut pas se faire à la table de négociation. Elle exige une réponse politique et, sans doute, une action plus militante de notre part.

Jusqu’à maintenant, ce sont les étudiantes et les étudiants et le personnel universitaire de la Floride qui mènent la riposte aux attaques contre l’enseignement supérieur. Les administrateurs acquiescent ou gardent tout simplement un silence complice.

Les universitaires du Canada ont une importante leçon à tirer ici. Quand le moment sera venu, nous devrons être prêts à jouer un rôle de chef de file dans la défense de l’intégrité de nos établissements et de notre travail.