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Le mot de la présidente / Il en aura fallu du temps

Le mot de la présidente / Il en aura fallu du temps

Brenda Austin-Smith

Par Brenda Austin-Smith

Combien de temps faut-il pour améliorer le programme des subventions à la recherche universitaire? Beaucoup, apparemment. À la fin de juillet dernier, une nouvelle est tombée dans la plus grande discrétion : une entente avait été conclue entre huit universitaires de partout au pays et le Programme de chaires de recherche du Canada (PCRC).

Petite mise en contexte. En 2003, ces huit femmes, soutenues par l’ACPPU, ont déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Elles affirmaient que le mode d’attribution des Chaires de recherche du Canada ne reflétait pas la diversité de la communauté des chercheurs universitaires au pays. Plus précisément, elles alléguaient que le PCRC, mis en place en 2002 pour faire du Canada « l’un des meilleurs pays en matière de recherche et de développement » était discriminatoire à l’endroit des groupes désignés. En 2006, les parties ont signé une première entente de règlement et le PCRC s’est engagé à accroître la représentation des femmes, des minorités visibles, des personnes handicapées et des peuples autochtones au sein des titulaires de ces subventions prestigieuses.

Cet engagement a-t-il eu une suite? Oui, mais pas assez rapide. Après cette première victoire — que les plaignantes ont attendue durant trois ans, les choses ont stagné. En 2010, le PCRC a soufflé ses dix bougies et quatre années se sont écoulées depuis qu’il avait admis l’existence d’un problème systémique. Cette année-là, le pourcentage de femmes titulaires d’une chaire était passé de 14 % à seulement 25 %, en dépit de la place grandissante des femmes dans le milieu académique. Et on ne recueillait ou ne publiait toujours pas de données sur la représentation des autres groupes désignés (Towards Closing the Diversity Gap in Research Chairs, 2 mai 2019). Attention : les candidatures des femmes, des Autochtones, des personnes handicapées et des personnes racialisées n’étaient pas rejetées, elles étaient simplement ignorées, car les universités ne présentaient tout simplement pas leurs candidatures.

Le PCRC repose sur la reconnaissance et la mise en valeur des chercheurs et de leurs travaux. Les universités ont beau faire l’apologie de l’équité et de la diversité, elles sont guidées par les mêmes préjugés que la société en général. Les auteurs de l’ouvrage The Equity Myth proposent une analyse incisive du racisme et du néolibéralisme, entre autres forces sociales, en tant qu’obstacles au recrutement d’érudits autochtones et racialisés, de même que de la reconnaissance et du soutien indispensables à leurs travaux dans la course à la subvention. Ce sont de tels obstacles structurels qui sont mis en évidence dans le rapport de l’ACPPU, Éducation postsecondaire : qu’en est-il de la diversité et de l’équité au sein du corps enseignant, et qui sont à l’origine de l’action des plaignantes.

Les plaignantes sont demeurées inébranlables jusqu’au bout et nous leur en sommes tous redevables. Certes, le gouvernement fédéral a lancé de nombreuses initiatives depuis quatre ans pour améliorer l’équité, la diversité et l’inclusion dans la communauté de chercheurs. Toutefois, l’addenda de 2019 à l’entente de règlement de 2006 donne un coup d’accélérateur à la cause. Il renferme des mesures importantes, dont l’obligation pour le PCRC d’atteindre des cibles basées sur la représentation de chaque groupe au sein de la population générale, plutôt qu’au sein d’un bassin de chercheurs disponibles dans chaque groupe, une méthode déjà teintée de partis pris et de discrimination. Le ­­PCRC ­­a accepté de suivre les progrès et de faire respecter les dates limites pour l’atteinte des cibles dans les dix prochaines années.

La nouvelle entente comporte plusieurs autres éléments dignes d’attention. À titre d’exemple, la sous-représentation des universitaires LGBTQS+ sera examinée pour la première fois. Le PCRC consultera les communautés autochtones pour évaluer et gérer la méthode d’établissement des cibles d’attribution de chaires à des Autochtones. Cette cible est de 4,9 %, selon le recensement de 2016. Enfin, les titulaires de chaire et les candidats pourront, dans la prochaine année, indiquer leur appartenance à la race blanche dans le formulaire de déclaration du PCRC. Il s’agit là d’une avancée majeure, centrée sur ce que les auteurs du livre The Equity Myth appellent la « normativité érangeante de la blanchitude ». En effet, la déclaration de l’appartenance à la race blanche donne une identité structurante à ceux d’entre nous qui se définissent comme Blancs, alors qu’auparavant, cette identité, considérée comme la norme, nous était niée. Il était temps.

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Remercions tous ensemble ce groupe de militantes déterminées : Marjorie Griffin Cohen, Louise Forsyth, Glenis Joyce, Audrey Kobayashi, Shree Mulay, Susan Prentice, et les regrettées Wendy Robbins et Michèle Ollivier.

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