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Entretien / Francesca Holyoke

Entretien / Francesca Holyoke

Francesca Holyoke a reçu le Prix des bibliothécaires et des archivistes pour services émérites de l’ACPPU en mai. Mme Holyoke a présidé le Comité des bibliothécaires et des archivistes de l’ACPPU de 2008 à 2012. Elle est actuellement directrice du département des archives et des collections spéciales de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB). Depuis 2000, elle est activement engagée au sein de l’Association des professeures et professeurs de l’UNB, où elle a assumé diverses fonctions au comité de direction et participé à plusieurs rondes de négociation.

Vous êtes la première bibliothécaire de l’UNB à avoir présidé l’association du personnel académique. Vous avez aussi contribué au rapprochement entre les dispositions de la convention collective pour les bibliothécaires et celles pour les professeurs. Qu’est-ce qui a motivé votre engagement?

L’un des principes fondamentaux du milieu universitaire est la notion de service à la communauté. On peut servir la communauté de maintes façons, notamment au sein de l’association de personnel acadé­mique. J’ai toujours trouvé important qu’il y ait des processus équitables et transparents, que ce soit en matière d’embauche ou de rémunération, ou d’élaboration des programmes : il doit y avoir un aspect collégial. Je suis aussi convaincue qu’il doit aussi y avoir des processus équitables et transparents à suivre pour les collègues qui ont des ennuis. Si l’on ne met pas la main à la pâte, on devient de simples spectateurs subissant tous les contrecoups sans opposer de contrepoids. Et cela ne me ressemble pas du tout.

Vous avez milité activement pour le libre accès aux publications érudites. Pourquoi?

Les bibliothèques se sont enfermées dans des accords de licences qui ont englouti des parts importantes de leurs budgets d’achats, ne leur laissant que très peu de fonds discrétionnaires et menant essentiellement à la constitution de collections identiques partout au pays. En somme, les bibliothèques universitaires n’ont plus les moyens d’assumer les coûts de ces contrats. Parmi les avenues à envisager sérieusement, on compte le libre accès aux travaux érudits et les dépôts institutionnels où ces travaux sont librement accessibles. Il est aberrant, dans le contexte où la proportion de financement public a décliné, que les maisons d’édition puissent encore accéder sans frais à l’évaluation par les pairs et à la recherche, et qu’elles revendent ensuite le tout aux universités pour un tas d’argent puisé à même les fonds publics.

Selon vous, il y a un lien entre le libre accès et l’importance de votre travail en matière de griefs. Quel est ce lien?

La question des évaluations et des promotions, qui sont à la source de la majorité des griefs, nous amène vers la nécessité d’évaluer adéquatement et équitablement le travail académique qui n’est pas publié dans les créneaux classiques, mais est placé dans un dépôt institutionnel. Ces travaux de recherche peuvent être tout aussi rigoureux et importants, mais ils sont distribués d’une manière qui ne génère pas d’immenses profits pour les maisons d’édition.

La technologie entraîne des transfor-mations organisationnelles qui touchent les bibliothèques à tous les niveaux. Quel rôle fondamental la bibliothèque universitaire doit-elle continuer de jouer?

Les bibliothèques doivent adhérer aux principes de base selon lesquels le matériel, tant sur support papier que sur support électronique, doit être accessible sans biais et représentatif d’autant de sources faisant autorité que possible. La bibliothèque universitaire doit demeurer la « grande niveleuse », à savoir qu’elle doit pouvoir offrir à tous les étudiants qui accèdent à l’université — et il y a de multiples enjeux entrant en ligne de compte ici — les ressources nécessaires. Il n’en demeure pas moins que dans un monde où la très grande majorité des gens ont un ordinateur portable, ceux qui éprouvent des difficultés avec la technologie ou dont l’appareil n’est pas nécessairement à la fine pointe n’ont pas l’égalité d’accès à laquelle ils ont droit quand ils entrent à l’université.

Comment la technologie affecte-t-elle les bibliothèques?

Il faut veiller à ce que la bibliothèque continue de faire ce qu’elle est censée faire. La technologie devient facilement au service du changement, plutôt qu’au service des besoins. Naturellement, elle a transformé notre travail. Nous devons maintenant faire beaucoup de numérisation — ce qui est utile, mais doit être fait de manière sélective.

Sur quoi doit-on alors mettre l’accent?

Le matériel créé en format numérique n’est pas préservé adéquatement. Il y a beaucoup plus de risques de perdre du matériel numérique que du matériel sur support papier. La préservation du matériel numérique exigera énormément de travail. Par exemple, la correspondance de bureau est largement sous forme électronique. Étant donné ce qu’elle documente, elle devrait faire partie des archives publiques. Les sites

Web gouvernementaux changent souvent; il suffit de se rappeler les changements apportés par le gouvernement Harper ayant mené au retrait de toutes sortes d’informations qui étaient accessibles électroniquement. Ces informations n’ont pas été archivées. Où sont-elles? Les risques de perte d’information liés au matériel numérique sont donc beaucoup plus grands et nous devrions mettre l’accent sur sa préservation, faute de quoi les générations futures n’y auront plus accès.