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Le mot du président / Le dilemme de l’accommodement des besoins en milieu académique

Le mot du président / Le dilemme de l’accommodement des besoins en milieu académique

Par Peter McInnis

Des études récentes menées dans les universités et collèges du Canada font état d’une augmentation exponentielle du pourcentage d’étudiantes et d’étudiants de premier cycle qui demandent l’accommodement de leurs besoins. Phénomène mondial, la hausse des demandes d’accommodement a été exacerbée par la pandémie, la montée en flèche du coût des diplômes d’études postsecondaires et les attentes des familles, qui souhaitent voir les leurs tirer le meilleur parti de leurs occasions d’étudier.

Selon des enquêtes d’opinion menées sur la transition vers le palier postsecondaire, l’inadéquation de l’aide offerte au premier cycle entraînerait une baisse considérable des résultats des étudiantes et étudiants et — par conséquent — de leur persévérance scolaire. Trop longtemps négligée, la santé mentale de la population étudiante est un thème couramment associé à la hausse des demandes d’aide. Nous sommes désormais plus conscients des répercussions néfastes de l’utilisation prolongée des médias sociaux sur le développement du cerveau.

Les codes des droits de la personne et les politiques des établissements appuient les mesures visant à favoriser la réussite scolaire et à créer des environnements d’apprentissage accessibles. En effet, l’obligation d’accommodement est inscrite dans les codes des droits de la personne des provinces depuis les années 1990 et a été confirmée par de nombreuses décisions arbitrales.

Or, peu d’attention est accordée à ce que signifie l’accommodement des besoins des étudiantes et des étudiants pour le personnel académique. Au nombre des adaptations généralement offertes à la population étudiante figurent une aide à la prise de notes, du temps additionnel pour les examens ou des formats d’examen de substitution, ainsi que des délais flexibles pour la remise des travaux. Par le passé, un petit nombre seulement d’étudiantes et d’étudiants demandaient des adaptations, que s’occupait de leur offrir le personnel enseignant.

Or, comme l’illustrent les statistiques montrant que le nombre de cas aurait doublé ou même triplé au cours des dix dernières années, la situation est tout autre aujourd’hui. Bien que le personnel académique continue d’appuyer les besoins des étudiantes et des étudiants, les cadres d’action organisationnels requis pour composer avec la hausse des demandes d’accommodement font souvent défaut. L’apport de correctifs semble peu probable compte tenu des restrictions budgétaires des établissements.

Cela se solde par un ensemble disparate de mesures improvisées qui risquent de ne pas favoriser adéquatement la réussite scolaire de l’ensemble de la population étudiante.

La croissance rapide de la population étudiante internationale, chiffrée à plus d’un million de personnes en 2023, jette également une lumière particulière sur l’importance de l’accommodement des besoins. L’apport culturel positif des étudiantes et des étudiants internationaux à une société qui n’a pas fini de jongler avec les notions d’équité et de multiculturalisme fait encore l’unanimité. Aujourd’hui, en raison d’un sous-financement chronique, ces étudiantes et étudiants représentent aussi une source de revenus indispensable. Or, l’équilibre sur le plan de l’admission d’étudiantes et d’étudiants internationaux est difficile à atteindre étant donné que le niveau de préparation académique de ces personnes ne répond pas toujours aux attentes.

Cela est particulièrement vrai pour la maîtrise de l’anglais ou du français. Les recherches menées sur l’anglais langue additionnelle (ALA) donnent à penser un manque constant de maîtrise de la langue et un contrôle administratif inefficace lorsque l’objectif est de maximiser les inscriptions internationales plutôt que d’accueillir les étudiantes et étudiants les plus qualifiés. Les programmes d’appoint préalables à l’inscription peuvent résoudre certaines questions, mais des problèmes persistent toujours et aboutissent inévitablement sur le bureau du personnel académique chargé de superviser les cours.

L’Énoncé de principes de l’ACPPU sur les étudiants internationaux stipule clairement qu’il incombe à la haute direction de gérer cette situation : « Si cela est indiqué, les établissements devraient pourvoir les membres du personnel académique des ressources et des possibilités de perfectionnement professionnel utiles pour faciliter, entre autres, l’enseignement, la supervision, les méthodes d’évaluation et la prestation des services de bibliothèque qui peuvent contribuer à répondre aux besoins particuliers des étudiants internationaux. De tels accommodements ne doivent en aucun cas être imposés aux membres du personnel académique ni porter atteinte à leur droit à la liberté académique pour déterminer des méthodes et normes pédagogiques. Toute augmentation de la charge de travail des membres du personnel académique ou toute exacerbation des inégalités de leur charge de travail qui pourrait résulter de l’assistance qu’ils porteraient aux étudiants internationaux devrait être prise en compte et rémunérée en conséquence. »

L’avènement de l’intelligence artificielle générative complique encore davantage la tâche du personnel académique, qui pourrait devoir apporter des changements importants à sa façon d’évaluer les étudiantes et étudiants afin de se conformer aux directives des établissements visant à prévenir l’utilisation de ChatGPT ou d’agents conversationnels semblables. Le temps requis pour restructurer le matériel de cours et examiner minutieusement les travaux soumis accroît la charge de travail du personnel enseignant. Aux yeux des étudiantes et des étudiants préoccupés par la gestion efficace de leur temps ou la nécessité de produire des travaux dans une langue étrangère, les applications d’IA pourraient constituer des solutions irrésistibles.

Qu’on y voie une adaptation technologique ou la nouvelle réalité de l’enseignement postsecondaire, l’IA signifie des heures de travail additionnelles pour le personnel académique.

Alors, comment faire pour répondre au mieux à ces besoins? À mesure que les demandes d’accommodement augmenteront, il conviendra d’évaluer soigneusement l’application des adaptations de façon à soutenir les étudiantes et étudiants, le personnel et le corps enseignant. Dans bien des cas, la capacité d’apporter un soutien adéquat dépasse largement la demande.

Les associations de personnel académique doivent participer activement aux débats sur la question. Les conventions collectives devraient comprendre des dispositions qui clarifient les attentes et reposent sur des évaluations réalistes des charges de travail. Le personnel académique contractuel est particulièrement vulnérable et doit être dûment indemnisé. La question de l’accommodement durable des besoins en milieu académique se profile depuis longtemps à l’horizon; il est maintenant temps d’y faire face dans un esprit de justice et d’équité.

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