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1. Introduction

La discrimination en matière de rémunération ne peut être redressée que par la mise en œuvre périodique d’études exhaustives dans chaque établissement postsecondaire, par la voie de mesures non discriminatoires qui permettent de cerner les iniquités internes et d’égaliser la rémunération.1

- Énoncé de principes de l’ACPPU – Droit fondamental à une rémunération équitable

La rémunération ne se résume pas au salaire et elle peut revêtir diverses formes, comme le congé pour activités professionnelles, le financement de la recherche, la taille du bureau, le nombre d’années nécessaires pour accéder à la permanence ou obtenir une promotion, et la charge de travail. Les collectes de données systématiques sur ces éléments sont rares. Les études sur les écarts salariaux adoptent généralement une vision étroite de la rémunération en se concentrant sur les différences de salaire.

Le présent guide examine diverses approches utilisées pour établir s’il existe des différences de salaire discriminatoires entre les membres du personnel académique. Il ne détaille pas en profondeur les méthodes d’analyse employées pour étudier les écarts salariaux, mais il met en exergue certains débats et enjeux pertinents.

Une étude sur les écarts salariaux peut examiner le vaste éventail de raisons pour lesquelles les femmes ou un autre groupe du monde universitaire gagnent, en moyenne, moins que leurs homologues masculins ou qu’un autre groupe de comparaison. Les études sur les écarts salariaux devraient adopter une approche intersectionnelle pour repérer les discriminations éventuelles en matière de rémunération.2 Par exemple, malgré les vastes preuves établissant l’existence d’une rémunération discriminatoire fondée sur la race,3 peu d’efforts ont été déployés au Canada pour étudier l’équité salariale en allant au‑delà du genre binaire, et il y en a eu encore moins pour prendre en compte les multiples variables de la discrimination.

Les exemples cités dans ce guide concernent donc des études analysant les répercussions du genre sur le salaire. Cependant, les approches et les pratiques prometteuses viendront utilement éclairer les études sur les écarts salariaux portant sur des facteurs supplémentaires autres, dont la race.

1.1.La disparité salariale et l’iniquité en emploi

Ces deux concepts sont essentiels pour examiner les écarts salariaux.

La disparité salariale désigne la différence de salaire qui existe entre un groupe dominant et
un groupe en quête d’équité ayant des niveaux similaires d’expérience et de qualifications
(même rang, même discipline, même nombre d’années d’expérience, même nombre d’années
dans le monde universitaire, mêmes résultats aux évaluations du rendement, etc.). Quand
elle ne peut pas être expliquée par les variables susmentionnées, la différence de salaire entre ces groupes peut être considérée comme une forme directe de discrimination salariale. La plupart des études sur l’équité salariale portent essentiellement sur la disparité salariale.

L’iniquité en emploi désigne la discrimination qui existe au niveau des déterminants ayant
une incidence sur le salaire des universitaires en quête d’équité. Par exemple, des membres
d’un groupe en quête d’équité peuvent être disproportionnellement confrontés à des
obstacles pour obtenir une promotion à un rang supérieur, ce qui leur vaut un salaire
inférieur à celui du groupe dominant. Dans ce cas, la discrimination dans l’emploi est un
déterminant indirect du salaire.

Tant la disparité salariale que l’iniquité en emploi peuvent avoir un effet sur l’écart salarial
global. Prenons l’exemple ci-dessous de la décomposition de Blinder-Oaxaca4 de l’écart
salarial entre les genres à l’Université de la Colombie-Britannique, qui montre les facteurs
constituant l’écart salarial dans cette université.5 La majeure partie de cet écart peut être
attribuée à des facteurs pouvant être « expliqués », comme le rang, le département, les années d’ancienneté dans le rang, et la qualité de titulaire d’une chaire de recherche du Canada. Cependant, l’iniquité en emploi peut influer sur ces facteurs, par exemple, en faisant qu’il y a moins de femmes occupant un rang ou travaillant dans une discipline où les salaires sont plus élevés. La portion « inexpliquée » est la partie de l’écart salarial qui ne peut être expliquée par aucun autre facteur hormis le genre; elle correspond donc à la disparité salariale.

Pour repérer les disparités salariales et les diverses formes d’iniquités en emploi, il faut
appliquer différentes méthodes d’analyse. Les disparités salariales et les iniquités en emploi
nécessitent également des réparations ou des solutions différentes. Il est important de tenir
compte de ces deux éléments de la discrimination pour expliquer les écarts salariaux
corrigés et non corrigés.

2. La réalisation d’une étude sur les écarts salariaux

Les sections ci-après contiennent les mesures que les associations peuvent prendre et les considérations dont elles doivent tenir compte pour planifier et mener une étude sur l’équité salariale. Elles traitent de la formation d’un comité, de la planification et de l’analyse, ainsi que des données et des méthodologies de recherche.

2.1.Les comités sur les écarts salariaux

Il est indispensable que les membres du personnel académique participent à une étude sur l’égalité de rémunération afin qu’ils soient en mesure de mieux comprendre et accepter le processus, les objectifs et les résultats.

Énoncé de principes de l’ACPPU – Droit fondamental à une rémunération équitable

De nombreuses études sur l’équité salariale qui sont accessibles au public sont menées dans
le cadre d’un comité mixte personnel enseignant-direction. Parfois, ce comité confie la
réalisation de ce genre d’étude à des membres du personnel enseignant, mais il lui arrive
aussi de faire appel aux services d’un consultant externe. Ce consultant peut faire partie du
personnel enseignant d’un autre établissement ou être un consultant indépendant.
Différents comités mixtes peuvent participer à l’étude. Ainsi, à l’Université Simon Fraser, un
comité a été formé pour analyser les données sur les salaires du personnel enseignant et un
autre pour formuler des recommandations fondées sur les résultats de cette analyse.

Un comité mixte composé de représentants de l’employeur et de l’association est
idéalement placé pour mener les études sur les écarts salariaux afin d’avoir accès aux
données nécessaires, de convenir d’une méthodologie et de veiller à la mise en œuvre des
réparations et des recommandations.

Des associations ont aussi mené leurs propres études afin de faire pression sur les
administrations pour que celles-ci prennent des mesures pour remédier aux inégalités de
rémunérations. Ainsi, l’étude entreprise par l’Association of Academic Staff of the University
of Alberta
, publiée en 2017, a été menée par un comité composé exclusivement de
membres du personnel enseignant.

Dans certains cas, un membre individuel du personnel enseignant réalise une étude, sans
représenter formellement un comité. Cette étude peut être publiée en tant que travail
universitaire,6 ou être soumise à l’association afin de l’inciter à prendre des mesures pour
remédier aux inégalités recensées.7

2.2.La planification de l’analyse

Si le but de l’étude est d’obtenir une réparation pécuniaire pour les disparités salariales
repérées, l’analyse nécessitera une analyse de régression des données individuelles sur le
salaire et l’emploi. Si ces données ne sont pas mises à la disposition de l’association ou d’un
comité mixte, une approche peut consister à planifier l’analyse par phases. La première
phase peut être exploratoire et utiliser des méthodes d’analyse qui aident le comité à
repérer les domaines dans lesquels il pourrait exister des disparités salariales ou des
iniquités en emploi.

Lors de la planification, le comité doit soigneusement délimiter la portée de l’analyse. L’un
des dangers possibles est de trop restreindre la portée de l’analyse, qui ne débouche donc
que sur très peu de résultats utiles. Par exemple, ce genre de situation peut se présenter si les auteurs conviennent d’enquêter uniquement sur les disparités salariales et que 1) le
personnel enseignant compte peu de membres et/ou que 2) l’écart salarial global est
relativement faible. Dans ce cas, il existe une plus forte probabilité que la discrimination
salariale relevée soit statistiquement insignifiante.8 L’insignifiance statistique peut avoir
des incidences sur la validité des constatations dans le contexte d’une négociation ou d’un
arbitrage.

2.3.L’acquisition et la sélection des données

De nombreuses études quantitatives sur les écarts salariaux menées par les universités
canadiennes utilisent les données administratives sur les salaires provenant des services
des ressources humaines des universités. Les conventions collectives de certaines
associations de personnel académique contiennent des accords sur le partage des données
avec l’établissement, en vertu desquels l’administration fournit chaque année des données
salariales à l’association. Les associations peuvent tenir leur propre base de données sur les
salaires afin d’enquêter sur les anomalies salariales ou d’effectuer un suivi régulier des
écarts salariaux corrigés.

Dans certains cas, les associations peuvent avoir beaucoup de mal à obtenir les données sur
les salaires auprès de l’administration. Pour son étude sur les écarts salariaux, le comité du
personnel enseignant de l’Université de l’Alberta a résolu son problème de données en
utilisant la liste « sunshine » des hauts salaires des fonctionnaires de la province pour
compiler sa propre base de données sur les salaires. Cependant, cette approche a nécessité
de saisir manuellement une grande quantité de données afin de créer des variables
essentielles pour une analyse des disparités salariales.9

Une autre approche pour obtenir des données sur les salaires peut consister à utiliser les
données sur le personnel enseignant à temps plein du Système d’information sur le
personnel enseignant des universités et collèges
(SIPEUC) de Statistique Canada. Le
SIPEUC collecte des données institutionnelles sur les salaires universitaires, par genre, âge,
rang, discipline, année de diplôme et autres variables pouvant influer sur les salaires.
L’ACPPU tient les données longitudinales du SIPEUC par établissement à la disposition des
associations de personnel académique.

Pour les autres variables, si l’établissement ne souhaite pas les divulguer, un plan de
recherche peut être établi afin de creuser plus profondément les problèmes et les causes
potentielles de l’écart salarial qui peuvent présenter un intérêt. Par exemple, un échantillon peut être constitué sur une base volontaire à partir de membres du personnel enseignant
afin d’établir s’il existe un écart nécessitant une analyse plus approfondie. Les données sur
l’auto-identification des membres du personnel enseignant peuvent également être utiles
pour comprendre les iniquités d’un point de vue intersectionnel.10 L’étude sur le
personnel enseignant de l’Université de l’Alberta a utilisé les données sur le statut de
minorité
visible pour examiner les interactions potentielles entre les préjugés sur le genre et
les préjugés raciaux sur le salaire.

Certaines études ont également utilisé des données d’enquête, qui peuvent être utiles pour
étudier les iniquités en emploi. L’étude menée par l’Université de la Colombie-Britannique
en 2010 souligne que certaines universités ont utilisé les études sur « l’ambiance de
travail » pour comprendre les facteurs systématiques des disparités salariales, soulignant
que les mécanismes de correction salariale eux-mêmes ne permettent généralement pas
d’empêcher les disparités salariales liées au genre.11

2.4.L’analyse des données

La présente section dresse un tableau général de certaines méthodes qui pourraient être
utilisées pour analyser les écarts salariaux. Les méthodes d’analyse sont classées soit
comme exploratoires soit comme prescriptives, les premières pouvant servir aux analyses
préliminaires de « premier tour ». Les analyses prescriptives permettent quant à elles aux
chercheurs de chiffrer le degré d’inégalité de genre pour une facette donnée des écarts
salariaux, ce qui peut être utile pour calculer une réparation pécuniaire.

L’analyse descriptive

Une analyse descriptive approfondie des données administratives peut être un volet
incroyablement utile d’une étude sur les écarts salariaux. Certes, de nombreuses
informations provenant des analyses descriptives pourraient aussi être glanées grâce à
d’autres techniques d’analyse, mais il ne faut pas pour autant négliger l’analyse descriptive.
Cette analyse peut aider les chercheurs à repérer les mécanismes potentiels à l’origine de
l’écart salarial global (à la fois les disparités salariales et les iniquités en emploi), ce qui peut
éclairer la planification de l’analyse subséquente et la spécification des régressions. Elle peut
également aider les chercheurs à recenser les facteurs à l’origine des écarts salariaux entre
les genres, permettant ainsi au comité de concentrer son analyse sur les domaines qui
contribuent principalement aux écarts salariaux.

Une analyse descriptive peut examiner le nombre de professeures et de professeurs ainsi
que le salaire moyen ou médian grâce à une tabulation croisée des variables pertinentes
pour la rémunération, à savoir le genre, le rang, la discipline ou le département, les années
d’expérience, l’âge, etc. Les sous-populations du personnel enseignant peuvent aussi être
étudiées selon la répartition salariale, et la répartition entre les hommes et les femmes peut
être comparée.

La décomposition de Blinder-Oaxaca

Cette méthode vise à décomposer les différences entre les salaires moyens des hommes et
des femmes afin de trouver les facteurs à l’origine des écarts salariaux.

Il existe de nombreuses variantes de cette méthode, mais la méthode générale exige que
les chercheurs estiment deux régressions au cours desquelles le salaire fait l’objet de calculs
de régression sur des variables qui représentent les déterminants du salaire.12 L’une des
régressions porte seulement sur les hommes, et l’autre uniquement sur les données
salariales des femmes. Les résultats des régressions sont ensuite comparés afin d’établir
dans quelle mesure l’écart est déterminé par des facteurs « explicables », qui sont inclus
dans les régressions, ou des facteurs « inexplicables », qui laissent penser à l’existence
d’une disparité salariale.

Cette méthode peut être utile pour comprendre les facteurs à l’origine de l’écart salarial
global et leur ampleur relative, ce qui permet au comité de repérer les domaines dans
lesquels une forte iniquité en emploi pourrait exister. Une description technique de la
méthode est présentée dans l’article de Laura Brown et Elizabeth Troutt sur les disparités
salariales entre les genres à l’Université du Manitoba.13

L’analyse de régression – la disparité salariale

C’est la forme la plus courante d’analyse utilisée dans les universités canadiennes pour
étudier les écarts salariaux. Pour la mener, les chercheurs se servent généralement de la
régression des moindres carrés ordinaires pour créer un modèle statistique qui reflète le
système de détermination de la paie de l’université. Ils utilisent les données salariales
individuelles pour calculer la régression du salaire14 à l’aide de variables qui représentent
les facteurs qui déterminent la paie, comme le rang, le département ou la discipline, l’âge
ou les années dans le rang ou les années d’expérience. Selon la disponibilité des données, la
régression peut aussi inclure d’autres variables pouvant influer sur la paie, comme la qualité de titulaire d’une chaire de recherche du Canada et le nombre de publications, ou d’autres
données démographiques comme l’appartenance à un groupe racialisé.

Fait important, une variable reflétant le genre est également incluse dans la régression. Le
coefficient obtenu pour cette variable représente l’écart salarial moyen entre les hommes et
les femmes à l’université et constitue une mesure de la disparité salariale. Certaines
associations de personnel académique ont reçu des réparations pécuniaires fondées sur la
grandeur de ce coefficient; c’est notamment le cas pour l’Université
McMaster,15 l’Université Wilfrid Laurier,16 l’Université de la ColombieBritannique,17 et l’Université Simon Fraser.18

Lors de la spécification de la régression, les chercheurs doivent tenir compte de toute
variable qui est importante pour la détermination de la paie au sein de l’université. Étant
donné que les structures de paie sont différentes selon les universités, il peut également
exister des différences dans la spécification des modèles. Cependant, presque tous les
modèles salariaux tendent à posséder des variables fondamentales, à savoir le genre, le
rang, la discipline et un certain reflet des années d’expérience ou de l’âge.

Il existe d’autres techniques de régression et techniques statistiques qui peuvent être utiles
pour l’analyse de régression des salaires.19 L’une d’elles est le modèle linéaire
hiérarchique, qui est une forme de régression des moindres carrés ordinaires tenant compte
du « groupement » ou de l’« emboîtage » des observations, qui peut être applicable dans
certains cas, étant donné que le personnel enseignant est organisé par département ou
faculté. L’analyse menée à l’Université Wilfred Laurier utilise cette technique.20

Une régression de ce genre peut être réalisée sur différents types ou éléments de salaire,
comme les salaires à l’embauchage, les indemnités différentielles fondées sur le marché, les
rémunérations pour maintien en fonction ou les allocations. En 2015, le comité de
l’Université Simon Fraser a examiné les éléments du salaire du personnel académique, qui
comprennent le salaire de base, les montants « hors échelle » comme les indemnités
différentielles fondées sur le marché et les primes de maintien en fonction. D’après cette
analyse, le comité a établi que les disparités salariales entre les genres étaient
principalement dues à des disparités au niveau des indemnités différentielles fondées sur le
marché et pas à celui des salaires de base.21

L’analyse de régression – l’iniquité en emploi

Les chercheurs et les comités peuvent aussi utiliser les données salariales individuelles pour
étudier dans quelle mesure les déterminants du salaire, comme le rang, les années
d’expérience ou d’autres variables « viciées » subissent l’influence du genre.

Dans son étude de 2010, l’Université de la Colombie-Britannique a utilisé un modèle de
probabilité linéaire/modèle de régression probit afin de déterminer si le genre influe sur la
probabilité qu’un membre du personnel enseignant soit promu au rang de professeur
titulaire. La variable du rang a fait l’objet de calculs de régression en utilisant des variables
représentant l’expérience, le département, ainsi que la qualité de titulaire d’une chaire de
recherche du Canada ou de professeur émérite. Cette analyse a permis de découvrir que le
genre était un déterminant statistiquement significatif pour obtenir une promotion.

De même, l’étude de 2015 de l’Université Simon Fraser s’est servie d’un modèle à risques
proportionnels de Cox pour [traduction] « établir si le genre a ou pas un lien avec le temps
passé en tant qu’agrégé avant de devenir titulaire » en estimant les chances de
promotion.22 L’analyse n’a pas trouvé d’élément confirmant que le genre influe sur les
chances de promotion, mais a révélé que [traduction] « […] les professeurs qui prennent
des congés de maladie réduisent fortement leurs chances d’être promus au poste de
professeur agrégé ou de professeur titulaire. En outre, les professeurs adjoints qui prennent
des congés parentaux ont beaucoup moins de chances de devenir professeurs agrégés. Ces
conséquences sont similaires pour les hommes et pour les femmes, mais les femmes
recourent davantage que les hommes à ces deux types de congés ».23

La sélection des variables

Pour assurer l’équité dans la rémunération, il faut au préalable examiner les pratiques et politiques telles que les disparités du marché, les salaires de départ et les augmentations de salaire au mérite, qui devraient être considérées comme discriminatoires, particulièrement à l’égard des Autochtones et des groupes en quête d’équité.

Énoncé de principes de l’ACPPU – Droit fondamental à une rémunération équitable

Il est important de connaître les raisons pour lesquelles des variables sont incluses ou
exclues. En principe, la spécification du modèle doit refléter la structure de la paie du
personnel enseignant. Si l’analyse est effectuée par un comité, la spécification du modèle
peut être discutée et négociée entre ses membres.

La multitude de complexités à prendre en compte pour réaliser une analyse de régression a
suscité des débats. Certains des problèmes soulevés sont présentés ci-après. Lorsque l’on
réalise une analyse, il peut être utile d’examiner la manière dont les différents points de vue
dans les débats façonneraient l’analyse.

Les variables qui peuvent être influencées par une discrimination fondée sur le genre sont
considérées comme « viciées ». Par exemple, les variables liées au rang peuvent être viciées
si le genre du professeur a eu une incidence sur son rang. L’inclusion de variables viciées peut réduire la grandeur du coefficient du genre, puisque la variable viciée est elle aussi, dans une certaine mesure, un indicateur du genre.24 D’aucuns pourraient affirmer qu’il ne faut pas
inclure les variables viciées dans une régression, car elles conduisent à sous-estimer
l’incidence du genre sur la paie, occultant l’influence totale du genre sur les salaires.

Cependant, James Dean et Rodney Clifton ont fait remarquer que l’exclusion des variables
viciées, en particulier du rang, peut donner lieu à l’attribution erronée de réparations. Si le
rang n’est pas inclus dans la régression des salaires, mais qu’il constitue un déterminant de
la paie, le coefficient du genre résultant de cette régression pourrait entraîner une
réparation pécuniaire [traduction] « équivalant essentiellement à rémunérer une femme
moyenne hypothétique comme si elle avait été promue au même taux qu’un homme moyen
hypothétique ».25

Le problème des variables viciées peut être vu comme l’intersection de la disparité salariale
et de l’iniquité en emploi et montre l’importance de fixer des objectifs clairs avant de réaliser
une étude. Si l’objectif est de mesurer la disparité salariale, il faut inclure les variables viciées
qui sont pertinentes pour la détermination de la paie (sous réserve de tout problème de
colinéarité). Si le comité cherche à déterminer l’incidence globale du genre sur les salaires
(disparité salariale plus iniquité en emploi), il peut vouloir exclure les variables viciées. La
décision d’inclure ou d’exclure les variables viciées peut dépendre de la fonction de l’étude.

Les valeurs aberrantes

Les valeurs aberrantes sont une autre considération importante à prendre en compte, étant
donné que la régression des moindres carrés ordinaires peut être très sensible aux valeurs
extrêmes de l’ensemble de données. Plusieurs méthodes permettent d’établir l’incidence des
valeurs aberrantes sur les résultats, mais elles ne sont pas présentées en détail dans ce
document. Cependant, plus généralement, la manière dont ces valeurs aberrantes devraient
être traitées dans ces études est sujette à débat. D’aucuns pourraient dire que, dans de nombreuses universités, les personnes qui gagnent des salaires « mirobolants » tendent à
être principalement des hommes. Étant donné que cette tendance est une manifestation de
la différence systématique de salaire entre les hommes et les femmes, ces observations
devraient rester dans les données.26 Cependant, d’autres pourraient affirmer qu’étant
donné que les résultats des moindres carrés ordinaires reflètent les incidences moyennes, il
ne faut pas inclure les valeurs extrêmes, car elles ne sont pas représentatives des salaires
moyens. En outre, il existe d’autres méthodes moins sensibles aux valeurs aberrantes,
comme la régression robuste ou la régression médiane, qui peuvent atténuer l’incidence des
valeurs aberrantes sur les résultats de la régression.

La signification statistique

Certains affirment qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la signification statistique du
coefficient du genre dans le cadre d’une étude sur l’équité salariale dans une université,
parce que les données utilisées pour estimer le modèle proviennent d’un recensement et
pas d’un échantillon. L’étude de 2008 sur l’équité salariale à l’Université de Lethbridge
donne une explication plus détaillée sur ce point.27 Cependant, certains affirment aussi
que la signification statistique est pertinente, car il peut exister des lacunes dans les
données, la spécification de la régression ou les deux. Il est peu probable que la régression
soit une véritable réplique du système utilisé pour déterminer la paie à l’université. Le test
de signification statistique reconnaît cette anomalie.28

3. Résultats et recommandations

Dans l’idéal, l’analyse réalisée par les membres du comité ou du personnel académique servira de base à l’élaboration de recommandations spécifiques. Ces recommandations peuvent proposer des réparations pécuniaires pour corriger d’anciennes disparités salariales, ainsi que des systèmes pour la surveillance continue des écarts salariaux corrigés afin d’empêcher de futures disparités salariales ou d’y remédier. Ces systèmes de surveillance pourraient être rattachés aux fonds des anomalies salariales qui sont prévus dans la convention collective des associations de personnel académique.

Quelques études ont également recommandé des changements de politique en vue
d’atténuer les iniquités en emploi. Ainsi, des études menées par l’Université Simon Fraser,
l’Université de la Colombie-Britannique et l’Université McGill combinent l’analyse tant de la
disparité salariale que de l’iniquité en emploi, et contiennent des recommandations
concernant les nombreuses facettes des écarts salariaux.


1 ACPPU. Énoncé de principes de l’ACPPU - Droit fondamental à une rémunération équitable, novembre 2017.

2 Woodhams, C., Lupton, B., et Cowling, M. « The Snowballing Penalty Effect: Multiple Disadvantage and Pay », British Journal of Management, vol. 26, no 1, p. 63 à 77. janvier 2015. 

Le Conference Board du Canada. L’écart salarial selon l’origine ethnique, 2020.

Longhi, Simonetta et Malcolm Brynin. The Ethnicity Pay Gap, Institute for Social and Economic Research, Université d’Essex. Equality and Human Rights Commission, 2017.

4 Janne, Ben. « La décomposition de Blinder-Oaxaca » Section 2.4.1.2008.

6 Les membres du personnel enseignant de l’Université du Manitoba ont publié deux études
universitaires sur l’écart salarial entre les genres dans leur université :

Brown, L.K. et Troutt, E.. « Sex and Salaries at a Canadian University: The Song Remains the Same or the Times They Are a Changin'? », Analyse de Politiques, vol. 43, no 3, septembre 2017.

Brown, L.K., Troutt, E. et Prentice, S.. « Ten Years After: Sex and Salaries at a Canadian University »,
Analyse de Politiques, vol. 37, no 2, juin 2011, Canadian Public Policy.

7 Dans le cas de l’Université Carleton, les membres du personnel enseignant ont pu accéder aux
données sur les salaires et ont mené leur propre analyse. Ils ont ensuite soumis leurs constatations à l’association du personnel enseignant afin que celui-ci agisse en vue de remédier aux iniquités
relevées (entrevue avec un membre du personnel enseignant de Carleton, 2018).

8 Si le comité choisit d’effectuer une analyse de régression par rapport à un écart type donné ou à
un coefficient de régression, la puissance statistique augmente avec la taille de l’échantillon.

9 Les détails concernant la collecte de données aux fins de cette étude figurent à la page 2 du
rapport :

10 Fait important, il peut exister de nombreuses restrictions pour lier les données d’enquête et les
données sur les salaires, comme l’a expliqué Michael Ornstein dans son analyse des anomalies
salariales à l’Université Windsor en 2002.

12 L’analyse de régression est traitée à la section 2.4.2 « L’analyse de régression – la disparité
salariale ».

13 Brown, L.K. et Troutt, E., « Sex and Salaries at a Canadian University: The Song Remains the
Same or the Times They Are a Changin'?
», Analyse de Politiques, vol. 43, no 3.
2017.

14 Dans certains cas, le logarithme naturel des salaires est utilisé.

15 Flaherty, Colleen. « Leveling the Field.» Inside Higher Ed. 30 avril, 2015.

17 Bradshaw, J.. « UBC gives all female tenure-stream faculty a 2 per cent raise ». The Globe and
Mail. 2 février, 2013.

18 Simon Fraser University Faculty Association. « Salary Equity Agreement ». 19 décembre, 2016.

19 Certaines autres méthodes sont traitées dans les publications suivantes :

Strathman, J. G. Consistent estimation of faculty rank effects in academic salary models, Research in Higher Education, avril 2000, vol. 41, no 2, p. 237 à 250; Consistent estimation of faculty rank effects in academic salary models

Johnson, C. B., Riggs, M. L. et Downey, R. G.. Fun with numbers: Alternative models for predicting
salary levels, Research in Higher Education, vol. 27, no 4, p. 349 à 362. décembre 1987 : Fun with
numbers: Alternative models for predicting salary levels | SpringerLink

20 Rutherford, J., Brunskill, C., et coll. « Final Analysis and recommendation of the Bi-Lateral
Committee on Gender-based Pay », 2017.

21 Kessler, A. et Pendaku, K., Gender Disparity in Faculty Salaries at Simon Fraser University,
juillet 2015 : salary_equity_study.pdf (sfufa.ca)

22 Ibid.

23 Ibid.

24 Elle peut introduire de la colinéarité, compromettant les tests de signification statistique.

25 Dean, J. et Clifton, R.. An evaluation of pay equity reports at five Canadian universities, La Revue
canadienne d’enseignement supérieur, vol. 24, no 3, p. 87 à 114. 1994.

26 Entrevue avec un membre du personnel enseignant de McMaster, 2018.

27 Mellow, Muriel, et al.. Salary Equity Committee Report to the University of Lethbridge. 2008.

28 Il est également important de tenir compte de la relation cruciale entre la signification statistique
et la taille de l’échantillon. Pour un écart salarial donné, à mesure que la taille de l’échantillon
augmente, la signification statistique tend aussi à augmenter. Donc, la question de la signification
statistique est particulièrement pertinente pour les universités comptant relativement peu de
professeures et de professeurs.