Au début du mois d’août, Statistique Canada a émis les résultats de sa dernière enquête annuelle sur l’information financière des universités. Les observateurs occasionnels ont peut-être éprouvé une certaine dissonance cognitive en analysant les chiffres, car les données montrent que les revenus totaux des universités ont augmenté plus rapidement que leurs dépenses. Cela a permis aux établissements d'afficher un excédent collectif relativement sain.
Alors pourquoi cette image ne correspond-elle pas aux gros titres récents qui font état d’un effondrement financier du secteur postsecondaire?
La réponse courte est que les dernières données proviennent de l’exercice financier 2023-2024, avant les répercussions financières du plafonnement des visas pour les étudiantes et étudiants étrangers.
Malgré cela, si l’on creuse un peu plus loin, on peut voir certains signes avant-coureurs de problèmes imminents.
Par exemple, lorsque l’on examine les revenus de fonctionnement — l’argent qui finance les activités éducatives fondamentales des établissements —, la tendance à long terme est révélatrice. Au cours de la période de dix ans comprise entre 2013-2014 et 2023-2024, les subventions provinciales attribuées au fonctionnement des établissements, ajustées en fonction de l’inflation, ont augmenté d’environ 18 %. En même temps, les droits de scolarité et autres frais ont grimpé en flèche, atteignant 45 %.
En fait, l’année 2018-2019 a été charnière. C’est la première année où les données de Statistique Canada montrent que les revenus de fonctionnement provenant des droits de scolarité ont été supérieurs aux subventions provinciales.
En effet, cela marque une grande ligne de démarcation entre une époque où les universités dépendaient principalement du financement public pour leur fonctionnement et aujourd’hui, où leur principale source de revenus de fonctionnement provient des frais privés payés par les étudiantes et étudiants.
Une bonne partie de cette augmentation rapide des revenus provenant des droits de scolarité peut bien sûr être attribuée au recrutement d’étudiantes et d’étudiants étrangers, qui a pris son essor au cours de la dernière décennie. Depuis des années, de nombreux signes indiquaient que le recours croissant aux étudiantes et étudiants étrangers — et, pour être franc, leur exploitation — constituait un modèle de financement non viable et dangereusement instable. Cependant, pour certains gouvernements, l’essor des revenus provenant des étudiantes et étudiants étrangers était un prétexte commode pour ne pas financer correctement l’éducation postsecondaire.
Alors que les revenus provenant des droits de scolarité des étudiantes et étudiants étrangers ont chuté, ce sont les personnes qui travaillent dans les universités et les collèges canadiens qui paient le prix de ces années de négligence, les établissements suspendant les inscriptions, supprimant des programmes, licenciant du personnel et gelant les embauches.
Une réponse tentante au désordre financier actuel pourrait être de revoir les plafonds imposés aux étudiantes et étudiants étrangers. Il se peut que nous ayons trop restreint le nombre de visas étudiants, mais modifier ces plafonds ne nous mènera pas loin. Le véritable problème est que les gouvernements, tant provinciaux que fédéral, ont renoncé à leur rôle de principaux bailleurs de fonds de l’enseignement postsecondaire. C’est là le fossé fondamental qu’il faut combler.
Les données financières des universités pour 2023-2024 donnent une image trompeuse de la stabilité budgétaire. Mais quand on y regarde de plus près, on se rend compte qu’il ne s’agit que du calme avant la tempête financière qui fait rage actuellement.