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Entretien / Jennifer Dekker

Entretien / Jennifer Dekker

Patrick Woodbury

À la mi-janvier, l’Association des professeurs de l’Université d’Ottawa (APUO) a remporté une victoire juridique, un tribunal ayant autorisé la révision d’importantes augmentations salariales données à deux hauts administrateurs de l’établissement. Selon l’APUO, ces hausses contreviennent au gel de la rémunération imposé dans le secteur public ontarien. Le Bulletin a parlé avec la présidente de l’APUO, Jennifer Dekker.

Qu’est-ce qui est à l’origine de cette décision judiciaire?
Au printemps 2015, dès la parution de la Sunshine List faisant état des salaires dans le secteur public ontarien, plusieurs membres de l’APUO ont constaté que deux hauts administrateurs de l’université avaient bénéficié d’importantes augmentations salariales. Et pour cause : les salaires de la vice-rectrice à la recherche, Mona Nemer, et du doyen de la faculté de médecine ont été majorés, la première ayant bénéficié d’une augmentation de quelque 120 000 $ (43 %). Cette constatation a choqué nos membres qui, depuis des mois, entendaient le vice-recteur aux ressources répéter que l’université était aux prises avec un déficit budgétaire structurel. Les augmentations salariales allaient donc à l’encontre des propos et des actions de l’administration. Comment peut-on demander aux professeurs de réduire leurs services téléphoniques ou d’annuler des conférences alors qu’on donne d’importantes hausses salariales à des administrateurs? C’est contraire à l’éthique et illégal. Depuis 2012, la loi ontarienne interdit la majoration des salaires et avantages sociaux des cadres du secteur parapublic.

Pourquoi le syndicat a-t-il décidé d’aller devant les tribunaux?
Nous avons écrit à plusieurs reprises au président du bureau des gouverneurs pour obtenir des explications. Allan Rock, alors recteur de l’université, nous a répondu que ces hausses étaient à son avis légales et nous a envoyé pour toute explication le CV des deux administrateurs concernés. Nous étions au fait de la controverse entourant la rémunération du recteur Amit Chakma de l’Université Western, et la situation nous paraissait similaire. Il s’agissait, à notre sens, d’un usage abusif des fonds publics et des droits de scolarité des étudi­ants. Nous sommes allés devant les tribunaux parce que nous n’avions pas le choix :  c’était la seule façon de savoir si notre évaluation de la situation était valide.

Que dit la décision du tribunal?
Selon la juge Giovanna Toscano Roccamo, il n’est pas surprenant que l’APUO dénonce les augmentations salariales de deux employés non syndiqués dans une ère de restrictions budgétaires. La décision prise par le comité exécutif du bureau des gouverneurs ne s’inscrit pas nécessairement dans les pouvoirs que lui confère la loi. Elle conclut en autorisant la poursuite en justice, affirmant que le différend est certainement « un enjeu d’intérêt public ». La juge Toscano Roccamo a de plus souligné que la loi imposant des mesures de restriction de la rémunération était une directive gouvernementale et que les salaires ne relevaient pas de décisions budgétaires privées. Rien ne s’oppose donc à la tenue, en toute transparence, d’une révision judiciaire et à ce que l’université rende des comptes quant à sa décision d’augmenter les salaires des administrateurs.

Qu’espérez-vous apprendre en vous adressant aux tribunaux?
Nous voulons savoir comment une telle décision a pu être prise à l’heure de supposées restrictions financières tant dans le secteur public ontarien qu’à l’Université d’Ottawa. Depuis la présentation de notre demande de révision judiciaire, nous avons appris que l’université entendait retrancher près de 2 millions de dollars du budget des bibliothèques, réduire de 2 % celui des facultés et services, et appliquer de nouvelles coupes de 4 à 8 % en 2018. Si nous sommes obligés de comprimer nos budgets, si les droits de scolarité continuent d’augmenter tandis que l’accès des étudiants aux bibliothèques, aux conférences et à d’autres services de soutien est en chute libre, n’est-il pas inadmissible que de hauts administrateurs bénéficient d’importantes hausses salariales?

Cette affaire aura-t-elle des incidences sur les prochaines négociations collectives?
Comme elle a exacerbé les tensions entre l’administration et nous, oui, elle pourrait avoir certaines incidences. Toutefois, l’APUO vise simplement ici à braquer les projecteurs sur des enjeux de gouvernance à l’échelle du bureau des gouverneurs — nous n’avons pratiquement jamais d’impact sur les ac-tivités du bureau dans le cadre des négociations collectives. Nous espérons seulement que le bureau s’apercevra qu’il doit rendre des comptes à l’ensemble de la communauté universitaire.

En somme, pourquoi cette affaire est-elle importante?
Il apparaît clairement que partout dans le secteur public on exige une responsabilisation accrue à l’endroit des salaires des hauts fonctionnaires. Le contrôle de la rémunération des administrateurs s’inscrit dans ce cadre, celui d’une gestion financière responsable. Selon nous, le bureau des gouverneurs doit cesser de prendre des décisions qui ont des incidences sur les employés et les étudiants sans d’abord évaluer ces probables incidences. Il doit faire preuve de discernement et de vigilance, et exercer un jugement éclairé qui sert les intérêts de la communauté universitaire. Il faut de vraies consultations et un effort réel de gouverner de manière juste et transparente.

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